Lundi 14 octobre, une charte électorale a été validée dans le cadre du dialogue national. En juillet 2014, une vingtaine de partis politiques ont déjà signé une «Charte d’honneur des partis, coalitions et candidats indépendants pour les élections et référendums de la République tunisienne». La charte, proposée par le Centre pour le dialogue humanitaire, espère instaurer une paix civile et empêcher les intimidations et les agressions afin d’assurer des élections transparentes, impartiales, démocratiques et crédibles.
Un «code de bonne conduite» a été par la suite proposé par l’ISIE et, la semaine dernière, vingt-trois partis politiques ont souscrit à une autre charte d’honneur des élections proposée, elle aussi, par le Centre du dialogue humanitaire. Le code électoral, les chartes signées, les missions d’observation européenne et le rôle crucial joué en la matière par plusieurs associations tunisiennes présagent-ils des élections dignes d’un pays aspirant à la démocratie ? Comment les observateurs nationaux et européens considèrent-ils le processus en cours ?
Quels sont les fraudes, manquements et infractions que vous avez relevés depuis le début des campagnes législative et présidentielle ?
La campagne électorale pour la présidentielle n’a pas encore commencé, elle ne débute que le 1er novembre. On est actuellement en pleine campagne pour les élections législatives qui a débuté le jour de l’Aïd, le 4 octobre et durera trois semaines.
La presse a relevé des violations graves de la loi électorale. Un candidat à la présidentielle pendant la période électorale a tapissé les espaces publicitaires par des affiches relatives au lancement de son livre publié chez Cérès Production. Mehrez Boussayan n’avait pas encore présenté sa candidature à l’élection présidentielle, mais avait annoncé son intention de le faire. Ces espaces portaient la photo de son livre qui comporte son portrait et dont le titre se rapproche d’un slogan électoral, Ma vision de la Tunisie. Et en sous-titre de l’affiche, on pouvait lire «la vision qu’on a tellement attendue». Cette pratique légalement acceptable est, indiscutablement, moralement répréhensible.
Certaines formations ont utilisé l’affichage publicitaire, avant même la campagne. Cette opération est interdite pour les législatives, aussi bien en période électorale que pendant la campagne.
En effet, l’article 3 de la loi numéro 16 en date du 26 mai 2014 relative aux élections et aux référendums définit la publicité politique comme étant «toute opération publicitaire ou de propagande moyennant contrepartie matérielle ou gratuitement, fondée sur les méthodes et techniques du marketing commercial, destinée au grand public et visant à faire la promotion d’une personne, d’une position, d’un programme ou d’un parti politique en vue d’attirer les électeurs ou influencer leur choix et leur comportement, via les médias audiovisuels, la presse écrite ou électronique ou à travers des supports publicitaires fixes ou mobiles, installés sur les lieux ou les moyens publics ou privés». Ces techniques commerciales sont connues, il s’agit d’affiches dans les espaces publics, les affiches mobiles habillant des voitures ou des camions, des spots télévisés ou des annonces radiophoniques, ou même des pages réservées pour la promotion du candidat sur des journaux…
En ce qui concerne ces pratiques, la même loi en interdit clairement l’usage. On lit dans l’article 57 que «la publicité politique est interdite dans tous les cas durant la période électorale». Une seule exception est permise pour les législatives. À cet effet, l’alinéa deux dispose qu’«il est permis aux journaux partisans de faire de la propagande durant la campagne électorale sous forme de publicité pour le compte du parti dont elle est porte-parole et des candidats ou des listes de candidats au nom du parti uniquement.»
Il est de ce fait interdit de recourir à ces procédés pendant la campagne électorale, ce que plusieurs candidats ont cependant réalisé dès les premiers jours. Ainsi on a vu des banderoles placées aux croisements des routes et des avenues à grande affluence, mais aussi l’habillage de voitures automobiles aux couleurs de certaines formations.
Quelles sont les infractions possibles ou éventuelles pendant la campagne électorale ?
Les infractions possibles sont multiples pendant la campagne électorale. La loi les liste avec détail :
— Dépassement de plafond de campagne,
— Non-inscription de dépenses en compte de campagne,
— Financement étranger,
— Non-inscription des dons en nature,
— Recours à la publicité politique,
— Réservation d’un numéro de téléphone gratuit pour la campagne,
— Affichage des plaquettes de la campagne en dehors des espaces réservés,
— Arrachage des affichettes de la campagne électorale,
— Discours politique encourageant à la haine ou à la violence,
— Publication d’encarts publicitaires sur les journaux autres que ceux des partis politiques,
— Publication ou annonce des résultats de sondage politique ou sur les intentions de vote des citoyens, etc.
Des sanctions électorales ou pénales ?
Les sanctions sont prévues dans le chapitre consacré à la loi électorale :
Violation des règles sur l’affichage (500 et 1.000 dinars),
— Recours à une ligne téléphonique gratuite (3.000 dinars),
— Campagne par des fonctionnaires publics (2.000 et 5.000 dinars),
— Publicité électorale en période électorale (5.000 et 10.000 dinars),
— Campagne pendant le silence électoral (3.000 et 20.000 dinars),
— Sondage en cours de campagne (20.000 et 50.000 dinars),
— Utilisation de moyens et fonds publics (prison de 6 mois à 1 an),
Campagne suscitant la haine, la violence (prison de 6 mois à 1 an.)
Quelles sont les conséquences de ce qui a déjà été commis ?
Toutes les infractions aux règles de la campagne électorale tendent à modifier les résultats aux élections par l’influence du corps électoral.
Ainsi il revient à l’ISIE, dans un premier temps, de faire cesser ces transgressions de la loi et dans, un second temps, il revient aux tribunaux de prononcer des sanctions pécuniaires ou d’emprisonnement à l’encontre des contrevenants. Mais la plus grande sanction reste celle du désaveu des électeurs de telles pratiques.
Quelles sont les plus graves infractions électorales ?
Les infractions électorales sont toutes importantes, car elles ne permettent pas l’organisation dans une ambiance sereine de la campagne et de l’opération de vote. Ces actes tendent ainsi à modifier le choix des électeurs de façon malhonnête, car le contrevenant rompt l’égalité des candidats en recourant à des procédés illégaux.
Les plus graves infractions sont en relation avec le financement des campagnes et du bon déroulement de l’opération de vote.
Propos recueillis par Hajer Ajroudi