La crise qui frappe le secteur des médicaments dure depuis 2018 en Tunisie, et il semble qu’elle a pris de nouvelles ampleurs ces dernières semaines. De fait, plusieurs médicaments sont en manque dans les pharmacies. Même le vacci-grippe n’est pas épargné. D’ailleurs, pour mieux contrôler les stocks, une ordonnance doit désormais être livrée pour qu’un patient puisse en bénéficier.
D’où vient le problème ? Les observateurs et les professionnels de l’industrie pharmaceutique pointent du doigt la mauvaise gestion au sein de la PCT (Pharmacie Centrale de Tunisie). En 2017, celle-ci devait quelque 500 millions de dinars à ses fournisseurs étrangers. Aujourd’hui, malgré les injections et les mesures conjoncturelles qui ont été prises en sa faveur, sa dette se chiffre à 800 millions de dinars.
Le surendettement colossal des hôpitaux publics qui pèse sur la PCT
Cette problématique épineuse a été évoquée dans Shems Santé, mercredi 21 octobre, où plusieurs experts sont intervenus. Pas moins de 500 médicaments manquent dans nos pharmacies aujourd’hui selon les spécialistes. Cette situation risque de s’aggraver dans les prochains mois, voire dans les prochaines semaines. Certains spécialistes, qui se sont confiés à Réalités Magazine, ont affirmé que la crise atteindra son apogée en décembre 2020, où l’on risque de subir une pénurie de médicaments sans précédent.
Intervenant dans l’émission de Haifa Bettaieb, Taieb Zahar, président du Forum Médical de Réalités et membre du bureau exécutif de l’Association Tunisienne des médicaments génériques (ATMG), a justement pointé du doigt la mauvaise gouvernance au sein de la PCT. « Sa fonction principale [PCT] est de constituer les stocks stratégiques en médicaments afin de les revendre à moindres coûts. Or, la PCT n’a pas rempli ce rôle. Elle n’a fait qu’ouvrir la voie à l’endettement des hôpitaux qui, pour leur part, n’arrivent plus à la rembourser leurs dettes vis-à-vis de la PCT – ndlr : ce qui a aggravé la crise de liquidité de l’institution -. Pourtant, ce n’est pas une banque ! La responsabilité n’incombe pas uniquement aux dirigeants de l’établissement officinal, mais également aux responsables du gouvernement et aux ministres », a-t-il expliqué.
Une mauvaise gestion
Autre problématique soulevée par Taïeb Zahar : les dysfonctionnements du système de compensation en vigueur au sein de la PCT, qui coûte, environ, 260 millions de dinars. Selon le président du Forum Médical de Réalités, la compensation des médicaments importés coûte 70 millions de dinars. Or, ces mêmes médicaments importés possèdent des équivalents fabriqués en Tunisie (génériques). « C’est une aberration qui coûte des millions de dinars à l’Etat chaque année », a-t-il assuré.
Dans ce contexte, Taïeb Zahar regrette que l’administration et les industriels ne soient pas sur la même longueur d’ondes. « Les investisseurs de l’industrie pharmaceutique ont investi 700 millions de dinars malgré la conjoncture difficile. Or, aucun secteur n’a fait cela en Tunisie. Nous avons besoin de décisions courageuses », a-t-il martelé.
Il poursuit en rappelant que de nombreuses solutions à la crise ont été présentées lors des différents Forums Médicaux de Réalités. L’une d’entre-elles consiste à prendre en compter les prix réels des médicaments importés, sachant que cette mesure ne touchera aucunement les intérêts des laboratoires étrangers. D’un autre côté, il existe une problématique au niveau des AMM (autorisations de mise sur le marché). En effet, l’obtention du précieux sésame peut durer des années en raison de la lenteur administrative. En travaillant sur ce point, il est possible d’alléger le fardeau qui pèse sur la PCT en termes d’importations et de paiements en devises étrangères puisque des médicaments tunisiens pourront être commercialisés plus rapidement.
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