Il faut craindre que les trois derniers attentats terroristes perpétrés en France en réaction aux caricatures du prophète Mohamed, surtout celui commis par le jeune Kairouanais Brahim Aïssaoui, aient amorcé un virage dangereux dans la vie des musulmans en Europe et en particulier des Tunisiens vivant en France. On compte environ 800 mille compatriotes vivant dans l’Hexagone, certains depuis des décennies, pour la plupart des binationaux. Le port du voile et la fréquentation des mosquées sont désormais une source d’inquiétudes et de peur pour les musulmans citoyens qui respectent le pays dans lequel ils vivent, ses valeurs et ses lois.
Après l’attentat de la basilique de Nice, perpétré treize jours après la décapitation du professeur d’histoire dans une banlieue parisienne, et face à la barbarie du crime commis par un étranger, un Tunisien clandestin de surcroît, nombre d’élus français n’ont pas été avec le dos de la cuillère pour exhorter le président Emmanuel Macron à réagir avec la plus grande fermeté et à entrer résolument en guerre contre l’ennemi « désormais connu, l’islam politique radical ». Son premier ministre n’y est pas également allé de main morte. Il dénoncera «toutes les compromissions qu’il y a eu pendant trop d’années, les justifications à cet islamisme radical». Et de poursuivre : «C’est fini, plus aucune complaisance d’intellectuels, de partis politiques, il faut que nous soyons tous unis sur la base de nos valeurs, sur la base de notre histoire». Les crimes sont d’une telle lâcheté et d’une telle violence que seuls les adeptes de l’apologie du terrorisme, les avocats des terroristes devant les tribunaux et leurs commanditaires, sont capables de trouver les mots et les prétendus arguments pour les justifier. Comme ceux qu’on connaît chez nous et qui agissent en toute impunité dans l’enceinte même du Parlement.
La vague de menaces de mort sans précédent relayée sur les réseaux sociaux ciblant des ministres français et les imams qui ont condamné la décapitation de Samuel Paty, annonce des jours difficiles pour les ressortissants de l’Hexagone. La guerre contre le terrorisme djihadiste vient de commencer en France.
Certes, contre le terrorisme, la tolérance zéro doit être décrétée à l’échelle mondiale, avec les moyens politiques, économiques, sociaux nécessaires. Une mobilisation en masse similaire à celle engagée actuellement contre la pandémie de la Covid-19. Le terrorisme djihadiste nourri à une idéologie islamiste extrémiste est aussi une pandémie qui frappe le monde entier, même les pays qui croient s’en être mis à l’abri en barricadant leurs frontières et en expulsant les éléments étrangers ou binationaux dangereux. Il s’agit de se mobiliser ensemble, avec la coordination, l’engagement et tous les moyens nécessaires, sans hypocrisie, sans double jeu, contre des pays influents, des organisations puissantes et des réseaux transfrontaliers, des complicités, des complaisances et même les cocons sociaux et familiaux qui, bon gré mal gré, servent de refuge et de soutien aux petits groupuscules et à ce qu’on appelle les loups solitaires. Il s’agit de déraciner une gangrène qui ne cessera pas de s’étendre tant qu’elle n’a pas été arrachée à la racine. Il y aura des dégâts, des attentats encore et pas seulement en France ou en Tunisie, les attentats au Québec et à Vienne confirmant notre appréhension, mais il faudra tenir bon et aller jusqu’au bout.
La montée de l’islam radical et du fondamentalisme annonce une guerre idéologique longue et difficile. Même notre pays, la Tunisie, qui s’est enorgueilli d’avoir fait une belle Révolution, d’avoir réussi sa transition démocratique et tenté de séparer le politique du religieux, est sur le point de perdre la partie. Parce que ceux qui ont juré au monde entier que l’islam peut composer avec la démocratie ne sont pas des musulmans démocrates mais des islamistes radicaux qui avaient pour objectif d’arriver au pouvoir avec des élections démocratiques. L’islam démocratique n’existe pas. L’islam est une religion, sans plus. Elle est à prendre ou à laisser. Mais cette religion n’appelle pas aux meurtres des innocents ni à la persécution de l’Autre, contrairement à ce que prétendent ceux qui utilisent cette religion, la seconde dans le monde avec 1,5 milliard de fidèles, pour déstabiliser les pays, parce que c’est le pouvoir qu’ils visent.
Il s’agit donc de comprendre que c’est l’idéologie islamiste radicale qu’il faut combattre et non l’islam et les musulmans. Il s’agit de comprendre aussi que pour tous les musulmans, la religion musulmane est un bien sacré, intouchable. Beaucoup ont la foi et pratiquent leur religion sans signes ostentatoires, parce que la foi est personnelle. Il y a un grand travail de pédagogie à faire dans notre pays et dans les pays occidentaux pour éviter les amalgames et les divisions dangereuses entre les communautés.
L’acte barbare de Brahim Aïssaoui, l’égorgeur de Nice, met les autorités tunisiennes dans une situation gênante et difficile face à un pays ami et premier partenaire économique de la Tunisie.
Cette gêne s’est fait sentir dans la dénonciation et la condamnation tardives de cet acte odieux.
L’entretien téléphonique Saïed-Macron a permis de faire le point sur la coopération à engager pour lutter ensemble contre les extrémistes religieux. Le retour en Tunisie du ministre de l’Intérieur français à la fin de cette semaine, sur ordre du chef de l’Etat français, s’inscrit dans la voie tracée par les deux présidents. Il s’agira notamment de l’extradition d’une centaine de fichés S tunisiens entrés clandestinement en France.
Il est temps que les trois présidents, Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi, sortent de leur attentisme et s’attaquent résolument à ce phénomène. Un travail immense les attend et qui ne doit nullement souffrir de clivages.
L’image de notre pays est largement écorchée en étant taxé d’exportateur de terroristes. Aujourd’hui, ce sont des tueurs qui sèment la mort ici et ailleurs.
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