Nombreux sont les Tunisiens qui excellent sous d’autres cieux en hissant très haut le drapeau national un peu partout à travers le monde grâce à leurs compétences et savoir-faire irréprochables. Très souvent, on entend parler d’un profil ayant brillé à l’étranger avant que celui-ci ne tombe dans l’oubli du jour au lendemain. De ce fait, certains Tunisiens résidents à l’étranger se sentent désormais négligés voire écartés par leur pays d’origine jugeant que ce dernier leur tourne le dos depuis ces dix dernières années. Le jeune investisseur Franco-tunisien, Haythem Frioui, revient, lors de cette longue interview accordée à Réalités Online, sur les soucis majeurs de la communauté tunisienne à l’étranger et sur les solutions à même de résoudre les problématiques auxquelles font désormais face les TRE. Il annonce, à cette occasion, la fondation de l’Union de la Diaspora Tunisienne qui se veut une plateforme rassemblant les forces vives symboles de réussite pour servir les intérêts des TRE en Tunisie et à l’étranger. INTERVIEW.
Si vous commencez par vous présenter à nos lecteurs. Un petit aperçu sur votre parcours académique et professionnel ainsi que sur votre secteur d’activité. Quels sont les postes les plus importants que vous avez occupés, etc.
Haythem Frioui, 45 ans, j’ai quitté la Tunisie à l’âge de 8 ans alors que j’étais inscrit en deuxième année de base suite à la nomination de mon père en France. J’ai eu un parcours académique assez ordinaire jusqu’à ce que je me sois présenté à l’épreuve du baccalauréat en France en tant que candidat libre, une année à l’avance , et surprise, j’ai réussi avec mention ce qui m’as permis de récupérer l’année scolaire que j’avais perdue en quittant la Tunisie. On m’avait interdit de présenter ma candidature au début mais en effectuant des recherches, je me suis rendu compte qu’il n y avait aucun texte juridique qui pouvait m’empêcher de le faire. Ma réussite avait suscité la polémique dans les médias français qui s’étaient interrogés sur la nécessité de maintenir la Terminale puisque des lycéens étaient en mesure de décrocher leur bac à n’importe quelle année. Depuis, une réforme a été faite pour interdire toute candidature libre aux élèves scolarisés. Et depuis, je suis à l’affut de ce qui ne marche pas pour apporter ma vision des choses.
Je suis titulaire d’une Maîtrise en Ingénierie du Management obtenu à l’Institut Juriste d’Entreprise de l’Université de Toulouse et d’un DEA en cotutelle avec la Commission Européenne en politique économique des Etats de l’Union Européenne obtenu à la Sorbonne.
À l’issue de mes études, j’ai intégré le groupe Accor pour m’occuper du contrôle de gestion dans la zone Méditerranée et d’Europe du sud. Peu de temps après, j’ai été nommé chargé de mission auprès de la direction générale du groupe au sein de la division Tourisme et Loisirs, chargé des relations avec les investisseurs dans les pays arabes. En 2002, j’ai été nommé en Egypte en tant que secrétaire général de la filiale d’Accor qui employait à l’époque près de 5000 personnes puis Directeur Général de la Société propriétaire et membre du CA. Cette expérience m’a permis de découvrir le monde du développement de projets hôteliers d’envergures et les structures opérationnelles du secteur du tourisme. Tout au long de cette période, j’ai été en contact permanent avec l’ambassade tunisienne pour permettre aux Tunisiens d’intégrer des postes de management dans des unités hôtelières égyptiennes.
Ensuite, j’ai quitté mon poste de directeur général des sociétés propriétaires en Egypte pour me rendre en Tunisie où j’étais en charge des hôtels du groupe dans le Sud. A travers un passage assez court mais instructif sur tous les plans professionnel, social et environnemental, j’ai pu découvrir voire comprendre parfaitement mon pays et la société tunisienne et apprécier le potentiel du tourisme saharien. Après une brève expérience en Arabie Saoudite et Dubaï, je suis finalement rentré à Paris où j’ai quitté le groupe Accor pour rejoindre le groupe Concorde en tant que directeur des Opérations pour les hôtels moyenne gamme Île-de-France. Un an après, j’ai décidé de développer mes propres activités dans le tourisme tout en travaillant sur d’autres projets dans les secteurs des nouvelles technologies et de la communication digitale. Finalement, ces startups, devenues des entreprises, ont été fusionnées avec celles de mon associé pour fonder une seule entité sous la forme d’une agence spécialisée en communication et en production audiovisuelle opérant en Tunisie, au Maroc et en France. Nous disposons actuellement d’un portefeuille assez diversifié et nous collaborons avec des enseignes importantes à l’échelle internationale. Avec mon associé, nous avons développé notre agence en apportant une réponse aux besoins du marché européen pour la cible ethnique avec une expertise autour du consommateur expatrié d’origine maghrébine.
Entre temps, j’ai continué à étudier et obtenu un Certificat Professionnel en Communication Politique à l’Université Panthéon-Assas Paris II et un Certificat en Communication et Gestion de Crise dans le domaine du terrorisme au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) sous la direction du grand Alain Bauer. J’ai été retenu récemment en tant qu’expert international auprès de La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD). C’est un honneur d’être reconnu par des instances internationales.
Qu’en est-il de votre parcours en tant qu’acteur de la société civile ?
Effectivement, étant fils de diplomate, j’ai toujours eu une fibre politique. Cette dernière s’est encore développée au lendemain de la révolution quand nous nous sommes retrouvés perdus face à une impasse. La situation en Tunisie s’était compliquée d’une façon assez dramatique et gênante particulièrement sur les plans économiques et sociaux et l’image du pays a été gravement touchée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur d’où la nécessité de réagir pour tenter de changer les choses en mieux.
Vous êtes un investisseur franco-tunisien et vous gérez un groupe de sociétés opérant entre la France et la Tunisie. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez et quels défis, particulièrement en cette conjoncture exceptionnelle liée à la propagation de la pandémie, vous devez relever ?
Le fait d’être aujourd’hui présent en tant que Tunisien en France et en tant qu’investisseur étranger en Tunisie nous procure à la fois des avantages et des inconvénients. En effet, pour le marché européen, notre société, dont la main d’œuvre est majoritairement tunisienne, doit faire preuve d’expertise et de compétence pour gagner des parts de marché. On a besoin de faire nos preuves et montrer objectivement nos capacités.
La pandémie nous a touchés autant en France qu’en Tunisie et le pire est encore à venir vu que les plus grands problèmes commenceront à apparaître au cours des prochains mois avec la baisse des aides notamment. La situation sera beaucoup plus compliquée en Europe et la Tunisie sera directement impactée. Parmi les plus grands problèmes que nous avons rencontré, il y a le transport. Nous nous sommes retrouvés bloqués, on ne pouvait pas se déplacer en raison de l’instabilité des procédures mises en place à savoir les tests PCR et les mesures de confinement et qui n’ont jamais été claires malheureusement.
« Quitter son pays pour améliorer sa situation n’est pas un manque de patriotisme. »
Quelle est votre lecture de la fuite des cerveaux que connait le pays depuis cette dernière décennie en particulier ?
C’est juste dramatique ! Des jeunes dont la formation a coûté cher à l’Etat sont en train de fuir le pays par tous les moyens en raison des problématiques socio-économiques multiples. Et c’est tout à fait compréhensible et humain: les scientifiques, les ingénieurs notamment font face depuis ces 10 dernières années à des conditions de vie très difficiles et il devient de plus en plus impossible d’envisager une carrière en Tunisie. Ainsi, ils aspirent à améliorer leur situation et ce n’est en aucun cas un manque de patriotisme contrairement à ce qui est relayé dans les réseaux sociaux et malheureusement cette hémorragie risque de perdurer…
D’après vous, en tant qu’investisseur franco-tunisien, quelles sont les grandes problématiques qui préoccupent actuellement la diaspora tunisienne et particulièrement les Tunisiens résidents en France ?
C’est bien la situation sécuritaire qui préoccupe en premier lieu les TRE. La sécurité des personnes mais également celle des biens sont désormais en danger. Cette situation décourage le Tunisien d’investir son argent en Tunisie à travers l’acquisition de biens immobiliers ou l’épargne. On a l’impression qu’il n’y a plus de garanties sur l’avenir face à la flagrance de la notion d’impunité et d’injustice dans notre pays. Les TRE se posent désormais des questions. La stabilité et la sécurité font partie de leurs soucis majeurs et malheureusement, les gouvernements qui se sont succédé durant ces dix dernières années n’ont rien apporté et n’ont pas réussi à remédier à la situation qui devient presque incontrôlable.
Les transferts de devises des TRE ont atteint 4,69 milliards de dinars jusqu’en octobre 2020. Serait-ce le levier qui a permis aux réserves en devises de la Tunisie d’atteindre 150 jours d’importation malgré la baisse des recettes touristiques (environ 1,8 milliard de dinars) ?
Selon moi, c’est plutôt dû au non-remboursement des prêts auprès des bailleurs de fonds internationaux. Vu que l’Etat a demandé le report des échéances, les réserves en devises ont stagné. Par contre, les 4 milliards de dinars ont certainement contribué à sauver la mise malgré la baisse des arrivées en Tunisie. Au lieu de rentrer, les TRE ont choisi d’envoyer de l’argent et ont épargné en Tunisie. On se demande aujourd’hui si cette situation va perdurer et s’il y aura une certaine continuité. Malheureusement, je n’en suis plus certain face aux stigmatisation dont souffre désormais la diaspora tunisienne à cause de la pandémie et aux graves déclarations médiatiques de certains hauts responsables qui leur imputent toute la responsabilité de la propagation du virus dans notre pays.
» L’Union de la Diaspora Tunisienne, pour une force vive d’influence en Tunisie et à l’étranger… «
Vous êtes l’un des fondateurs de l’Union de la Diaspora Tunisienne. Pouvez-vous nous la présenter? Quelle est votre cible? Quels sont vos objectifs et quelle en serait la valeur ajoutée ?
L’Union de la Diaspora Tunisienne devait être annoncée depuis quelques mois soit avant l’été et c’était le fruit d’une profonde réflexion qui s’est déclenchée suite aux accusations portées à l’encontre des TRE. On ne devait pas rester les bras croisés et il fallait réagir et rejeter ce comportement sectaire et dangereux. Le point de départ était de s’adresser aux médias pour porter la voix de contestation des TRE et puis nous avons eu l’idée de nous mobiliser dans un cadre bien déterminé dans l’objectif de faire entendre la voix de la diaspora. Nous étions contre la fondation d’une énième association. Nous avons donc tenté de rassembler les « forces vives symboles de réussites » (Enseignants, médecins, chercheurs …) et tous les Tunisiens ayant été formés en Tunisie ou à l’étranger et qui sont installés un peu partout à travers le monde pour constituer une sorte de plateforme de réflexion et de support à notre pays d’origine. Nous cherchons également à faire de la diaspora une réelle force vive d’influence que ce soit en Tunisie ou dans les pays hôtes. L’Union de la Diaspora Tunisienne se veut donc une structure d’influence qui permettrait de porter la voix de la communauté tunisienne et de défendre ses intérêts en Tunisie et à l’étranger et d’être un trait d’union entre la Tunisie et les hauts cadres dont le contact a été perdu après le 14 janvier 2011 suite à la démission des autorités. Je profite donc de cette occasion pour appeler les Tunisiens à nous rejoindre dans le cadre de ce mouvement via notre courriel [email protected]. Le leitmotiv principal est de voir les autorités tunisiennes nous tendre la main et nous donner la chance de contribuer à la reconstruction et au développement de notre patrie.
Nous avons pu constater une sorte de déception et de perte de confiance chez une grande partie des TRE au cours de ces dernières années. Comment peut-on expliquer ce fait et qu’elles seraient, d’après vous, les solutions à envisager pour remédier à la situation ?
Effectivement, il y a malheureusement une sorte de perte de confiance notamment chez les jeunes tunisiennes et tunisiens des 3e et 4e génération avec qui l’Etat tunisien a perdu tout contact. Certains parmi eux n’ont visité la Tunisie que deux fois durant leur vie et elle est donc pour eux juste une identité vu que les autorités n’ont rien fait pour maintenir un trait d’union avec cette jeunesse. Bourguiba, « Paix à son âme », disait que les Tunisiens à l’étranger sont les ambassadeurs du pays surtout quand ils réussissent. Nous avons besoin de pousser l’élite à faire connaitre la Tunisie, à redorer son image qui s’est gravement ternie durant ces 10 dernières années à cause des attentats ou encore du comportement de certains tunisiens irresponsables à l’étranger. Auparavant, il y avait des amicales qui organisaient et encadraient diverses activités au profit des TRE. Ces derniers étaient privilégiés compte tenu de leur contribution significative à l’économie nationale (Devises, etc).
« Le débat sur les ministres binationaux et la volonté d’éliminer toute personne ayant une autre nationalité du paysage politique contribue au désintérêt des TRE de la politique tunisienne. »
Aujourd’hui, comment peut-on, selon vous, résoudre cette problématique ?
C’est très simple, il est grand temps de mettre en place un organisme dédié, un ministère consacré aux TRE. Pas moins de 90 mille cadres et cols blancs ont fui le pays au cours de la dernière décennie, il y a plus de 1,5 million de Tunisiens expatriés, il faut leur consacrer une entité à même de cerner leurs besoins et résoudre leurs problèmes tout en encourageant leurs apports dans l’économie du pays. Des Tunisiens occupent de très hauts postes un peu partout à travers le monde. Il y a parmi eux des vices présidents et des doyens d’universités qui peuvent faciliter l’accès des Tunisiens aux universités européennes et autres. Il y a aussi de grandes réussites dans les affaires mais malheureusement l’Etat a levé la main et même les gouvernements qui étaient formés parfois de ministres binationaux n’ont rien fait au profit de la diaspora… Nous allons essayer de constituer une base de données avec les Tunisiens qui comptent à travers le monde.
La politique adoptée par les gouvernants et le discours relativement stigmatisant des responsables en ces temps de pandémie ont-t-ils compliqué davantage la situation ? Les chiffres fournis par les autorités compétentes confirment une baisse significative des arrivées des TRE cet été …
Oui bien entendu ! Nous avons pu assister à des décisions et à un discours blessants voire choquants émanant de certains hauts responsables. Un discours portant préjudice à la diaspora tunisienne qui ne fait qu’aggraver la situation et créer un fossé entre les TRE et les Tunisiens de l’intérieur. L’été dernier, seul 1/3 de la population des expatriés est rentré en Tunisie. Les prix des billets d’avions et bateaux devenus inaccessibles en haute saison y sont pour beaucoup.
Il semblerait que les TRE sont de plus en plus indifférents vis à vis de la scène politique, comment explique-t-on cette attitude ? Est-ce, d’après vous, les conséquences du comportement de la classe politique occupant le devant de la scène ? Quelles initiatives à entreprendre pour les impliquer davantage en faveur des TRE ?
Ils sont effectivement désintéressés parce qu’on ne les associes pas. Avoir des députés représentant les TRE est une bêtise. La mise en place, par contre, d’un ministère aurait du sens. Aussi le débat sur les ministres binationaux et la volonté d’éliminer toute personne ayant une autre nationalité du paysage politique contribue au désintérêt des TRE de la politique tunisienne. C’est frustrant de fustiger un binational comme si la double nationalité était un crime ou une haute trahison. Or, détenir un passeport étranger permet de faciliter les déplacements et de surmonter les problèmes administratifs auxquels on peut faire face dans le pays de résidence. Ca ne risque en aucun cas d’affecter le patriotisme et l’amour de la mère patrie. C’est un faux débat, archaïque et raciste. Les exemples de pays qui réussissent grâce à leurs diasporas sont nombreux; regardez les Libanais dans les pays du Golfe ou les Syriens en Amérique. Manuel Valls était devenu premier ministre en France malgré ses origines espagnoles et il est allé ensuite faire de la politique en Espagne. On doit encourager et soutenir le Tunisien partout dans le monde et quand il a des ambitions politiques on doit l’encourager comme tout autre concitoyen. Le plus important c’est de servir le pays et de l’aider d’une façon ou d’une autre. C’est le vrai combat, le reste ce n’est que des détails administratifs.
Vous avez affiché récemment votre soutien à la présidente du Parti Destourien Libre Abir Moussi. Comment expliquez-vous votre choix ? En tant que professionnel de la COM, considérez-vous que Moussi a un potentiel pour remporter les prochaines élections, y compris la présidentielle au cas où elle se porterait candidate ?
Abir Moussi est une femme tunisienne, leader politique comme tant d’autres ayant marqué l’Histoire de la Tunisie et les exemples ne manquent pas. Elle mène un combat depuis 10 ans. Ce qu’elle a réalisé est une fierté pour tous. S’imposer et se battre pour ses idées malgré la violence physique et verbale dont elle est la cible relève d’un sens patriotique élevé et comme tout patriote elle mérite d’être soutenue pour faire avancer les choses et contribuer à faire sortir le pays de la crise qu’il connaît. Actuellement nous avons besoin de vrais patriotes à la tête de l’État alors que la majorité des hommes politiques tunisiens ne cherchent qu’à servir leurs propres intérêts.
Abir Moussi n’a pas besoin de coach, ni de soutien. Elle est assez intelligente et a su adopter un discours différent des autres. Elle appelle à faire sortir le pays de cette situation de guerre, d’extrémisme, de violence, de terrorisme, d’insécurité et de pauvreté. Ce sont les vrais projets prioritaires sur lesquels nous devons nous pencher et je pense qu’il est encore prématuré de parler de ses ambitions électorales. Cependant, elle et son parti sont, à mon sens, le seul mouvement populaire et représentatif de la majorité des Tunisiens dont je fais partie.
« Ceux qui veulent servir leur pays ne doivent pas regarder la responsabilité comme un titre pour enrichir leurs CV. «
Vous êtes à la fois un pro de la COM et un professionnel du Tourisme. Quels seraient, selon vous, les points forts et les points faibles de l’image de la Tunisie à l’étranger ? Qu’est ce qui a été fait et que reste-il à faire ?
Il y a beaucoup à faire… Il faut envisager et entamer des changements radicaux au niveau de la stratégie du tourisme tunisien et du développement du secteur hôtelier. En Tunisie, il y a malheureusement des empires familiaux qui s’accaparent le secteur et qui rejettent tout développement en dehors de leur emprise et c’est un réel frein au développement. Je cite l’exemple des fédérations liées au tourisme, en jetant un coup d’œil sur la composition des bureaux exécutifs, on s’aperçoit qu’il s’agit bel et bien d’un héritage de père en fils et c’est bien dommage. Aujourd’hui il serait temps de penser avec une vision nationale et non une vision propre pour les promoteurs dans le secteur touristique. Au ministère du tourisme, nous avons pu assister à la pire décennie depuis sa création, marquée par un manque d’expertise et un culte de la personnalité de certains ministres qui ont occupé les réseaux sociaux au lieu d’y mettre la destination. Le tourisme a ses professionnels et la Tunisie a besoin de patriotes. Ceux qui veulent servir leur pays ne doivent pas regarder la responsabilité comme un titre pour enrichir leurs CV et ensuite proposer leurs services aux organisations internationales. La Tunisie a besoin de faire une table rase pour pouvoir se repositionner par rapport aux autres pays concurrents et il est grand temps d’en finir avec les mensonges liés au nombre des arrivées etc. Ce qui compte c’est les revenus générés par entrant et plus que jamais nous devons réduire l’investissement de l’État dans la promotion, il revient au secteur de promouvoir la destination. Des solutions comme les taxes de séjours pour financer les campagnes marketing doivent être envisagées. En faisant un bref benchmark avec nos voisins, on va s’apercevoir qu’on est très loin du compte. Le produit touristique «Tunisie» ne se renouvelle pas faute de positionnement clair par destination. On ne sait pas faire en dehors du tourisme balnéaire malgré des pistes exceptionnelles à explorer en matière de tourisme alternatif. Rien n’est fait dans ce sens et c’est en partie à cause d’une administration tunisienne qui dissuade tout investissement. L’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) continue à dépenser de l’argent pour financer des brochures à l’époque de la communication dématérialisée et des réseaux sociaux. L’Etat ne devrait pas financer les campagnes de communication mais veiller à avoir des infrastructures de qualité. Il n y a pas de raison pour que l’Etat dépense pour remplir les hôtels, ce n’est pas son rôle. L’Etat doit, en contre partie, fournir un environnement favorable (sécurité, stabilité, etc) pour permettre aux hôteliers de réussir.
Le tourisme tunisien a eu ses bâtisseurs à l’instar des défunts Naceur Malouch, Abdelhamid Khechine, … Ils ont créé la destination Tunisie qui a malheureusement fini par se détruire en à peine 10 ans. Nous n’avons pas besoin de remplissage mais d’un produit de qualité d’où la nécessité d’envisager un grand travail de fond et des réformes structurelles; amendement de certaines lois et l’abolition de certains textes archaïques. Les millions d’arrivées annoncés par les ministres qui se sont succédé n’ont aucun sens. Ce qui importe c’est le nombre de nuitées touristiques et c’est bien la réalité qu’ils ne veulent pas regarder en face.
Pour finir, quel message adressez-vous aux pouvoirs publics ?
Aimez votre pays, aimez votre pays, aimez votre pays! La plus grande trahison est celle envers la patrie et celui qui n’assume pas ses responsabilités avec intégrité mérite bel et bien la Cour martiale. Il est grand temps de couper les ponts avec les hauts responsables qui ne cherchent qu’à servir leurs propres intérêts. Il faut que tous ceux qui se sentent une âme de bâtisseurs s’investissent et s’impliquent dans la construction de la Tunisie nouvelle. Les compétences parmi les TRE ont le devoir de servir la Patrie avec ou sans passeport rouge ou bleu.
Propos recueillis par Hajer Ben Hassen