L’état des hôpitaux publics en Tunisie est déplorable. Ce n’est pas un secret. Le plus grave, est que ces lacunes sont, dans plusieurs cas, la cause du décès des patients. Une Tunisienne résidente à l’étranger (TRE) a vécu cette expérience amère. Son père, un franco-tunisien, a succombé au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2 ou COVID-19 le 25 octobre 2020 à au centre hospitalo-universitaire Mongi Slim à La Marsa.
La cause, selon la TRE : l’état déplorable de l’hôpital, le manque de moyens, de ressources humaines et, selon ses propres termes, « l’incompétence du personnel ». Amira Adala – nom de la TRE – a, de ce fait, adressé une lettre ouverte au ministre tunisien de la Santé, Faouzi Mehdi, lui faisant part de ce qu’il s’était passé et, aussi, de la douleur d’une fille qui a perdu son père, alors qu’il aurait pu être sauvé. Son papa n’est resté que deux jours à Mongi Slim. C’est grâce à la garantie assistance de son assurance qu’elle a pu transférer son père à une clinique privée à Ezzahra.
« Un mouroir »
« Une expérience très éprouvante », a-t-elle écrit dans sa lettre. La Tunisienne a pointé du doigt la communication difficile avec les internes du CHU Mongi Slim et le personnel. « Mon père a été placé avec 4 autres patients atteints du COVID-19. Avec ma sœur, nous étions obligées d’apporter des draps, des couvertures et des coussins pour notre père. Il nous fallait nous occuper du changement des couches notre père », a déclaré Amira Adala.
Pis encore : les deux sœurs ont été obligées d’acheter un masque à oxygène pour adulte pour leur père. Le CHU n’a fourni qu’un masque à oxygène pédiatrique. « C’était un mouroir », a-t-elle encore lâché dans la douleur. Autre élément évoqué par la Tunisienne : son père n’était pas sous perfusion pour assurer l’acheminement des nutriments nécessaires à son organisme. « Lorsque nous avons fait part de cela au personnel, personne ne nous a répondues ! », s’est-elle encore indignée.
Amira Adala est aussi revenue sur l’état déplorable du lit médicalisé de son père. L’outil a été utilisé pour le déplacer en vue d’effectuer un scanner thoracique. « Le mécanisme de redressement était bloqué […] Le lit était trempé. Mon père, par la suite, a eu des aphtes qui l’empêchaient d’avaler quoi que ce soit. Nous avons prévenu le personnel, mais celui-ci nous a demandées d’aller acheter un bain de bouche ! », a-t-elle encore écrit.
Quand la santé devient un luxe
Face à ce désastre et à cette désolation, Amira Adala et sa sœur ont été obligées de transférer leur père à la clinique privée dont nous parlions au début. Le personnel de l’établissement a aussitôt placé le défunt en réanimation dans une chambre individuelle et il a tout fait pour le sauver. Or, ces efforts ont été vains. « L’hôpital privé était entièrement équipé comme les hôpitaux publics en France », a précisé la Tunisienne, qui, à la fin, a appelé le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et le ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, à se pencher sur la problématique de la santé publique.
C’est une lettre très touchante qui remet, une fois encore, au goût du jour l’état déplorable de nos hôpitaux publics. « L’hôpital privé était entièrement équipé comme les hôpitaux publics français ». Cette phrase donne beaucoup à réfléchir. Elle sonne comme une gifle pour nous en tant que Tunisiens. Dieu seul sait à quel point les soins dans les cliniques privées sont coûteux en Tunisie et Dieu seul sait que très peu de Tunisiens peuvent se permettre ce luxe. Faut-il être riche pour pouvoir se soigner en Tunisie ? Il existe tant de questions que l’on doit se poser… Nous les posons toujours, mais peu de réponses sont fournies.
F. K
Lettre ouverte d’Amira Adala à Faouzi Mehdi, ministre de la Santé