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Pourquoi l’Europe a-t-elle mis trois semaines de plus que le Royaume-Uni pour autoriser l’utilisation du vaccin de Pfizer contre le Covid-19 ? Un consortium de journalistes européens, dont le Monde fait partie, a pu avoir accès à des documents confidentiels de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Mis en ligne par des hackers, ils répondent en partie à cette question.
Selon le quotidien du soir, «en novembre, l’agence européenne formulait trois « objections majeures » vis-à-vis de ce vaccin : certains sites de fabrication n’avaient pas encore été inspectés ; il manquait encore des données sur les lots de vaccins commerciaux ; mais, surtout, les données disponibles révélaient des différences qualitatives entre les lots commerciaux et ceux qui avaient servi durant les essais cliniques».
En résumé, l’agence sanitaire européenne reprochait à Pfizer une moins bonne qualité des doses destinées au commerce par rapport aux doses utilisées dans les essais cliniques. Le vaccin Comirnaty fonctionne grâce à de l’ARN, une molécule très fragile. Ainsi, l’EMA a noté que les fioles des essais cliniques contenaient entre 69 et 81% d’ARN complet, contre 59% en moyenne dans les fioles issues des usines. Et ce en raison d’un changement dans les méthodes de fabrication pour augmenter la production. Le fabricant a finalement trouvé la manière de garantir un taux moyen de 75%, conforme à celui des essais cliniques. Ces documents démontrent donc que l’agence européenne a bien joué son rôle de régulateur dans l’autorisation du vaccin, malgré un contexte tendu.
En effet, il apparaît que l’Agence européenne des médicaments a été mise sous pression pour rendre son avis. «Le 19 novembre, un haut responsable de l’EMA évoque également une conférence téléphonique avec la Commission européenne qui se serait tenue dans « une atmosphère plutôt tendue, parfois même un peu désagréable, qui donne une idée de ce à quoi l’EMA peut s’attendre si les attentes ne sont pas satisfaites, que ces attentes soient réalistes ou non »», relève ainsi le Monde.
Reste à savoir qui a piraté ces fichiers et pourquoi. Le journal, qui précise que certains échanges publiés auraient été manipulés, évoque la piste russe, notamment parce que les fichiers ont été «récupérés sur Rutor : « Ru » pour Russia (Russie) et « tor » comme le navigateur Web permettant de naviguer de façon anonyme sur le Web».
(Libération)