Faut-il être bien fortuné et avoir de bonnes relations pour pouvoir se soigner en Tunisie ? Nombreux sont les Tunisiens qui ont posé cette question. Une question qui a, justement, le mérite d’être posée. Le secteur de la Santé public est en crise en raison, notamment, du manque cruel de moyens. Mais il n’y a pas que cela : la petite corruption qui le ronge atteint des sommets.
Si l’on n’a pas la chance d’avoir des personnes bien placées, on risque d’être considéré comme non prioritaire et ce même si l’on est à l’article de la mort. Une famille dans la banlieue Nord de Tunis a vécu cette expérience, même si, pour l’instant, elle ne s’est pas mal terminée. Appartenant à cette famille, une femme de 90 ans a dû être hospitalisée d’urgence pour des problèmes respiratoires dans la nuit du vendredi 19 février 2021.
Dans un premier temps et par souci d’efficacité, elle a été transportée dans une clinique privée à La Marsa. Le service était impeccable, c’est indéniable, mais la facture aurait pu être très salée : 4 000 dinars pour une chambre normale et 8000 dinars pour la réanimation. Pis encore : la somme devait évoluer en fonction des services accordés à la dame (1000 dinars pour chaque nuit supplémentaire, frais des médicaments…). Dans la facture, tout a été comptabilisé, y compris les gants chirurgicaux.
Ne pouvant pas honorer de tels frais, la famille a choisi de transporter la dame au centre hospitalo-universitaire de Mongi Slim. Pour assurer un tel transport, 130 dinars ont été déboursés pour faire appel à une ambulance privée… « Les ambulanciers ne peuvent travailler qu’avec du cash », a déclaré un médecin de la clinique privée avant le départ de la vieille dame malade. L’établissement, pour information, a encaissé près de 1000 dinars.
Une fois arrivée à Mongi Slim, il fallait patienter pour une admission aux urgences. Il a fallu plusieurs connaissances bien placées pour que la dame puisse enfin accéder à ces urgences et avoir un petit-déjeuner plutôt correct. Autre fait à signaler : à deux reprises, un agent sur place a demandé entre 5 et 10 dinars pour que les membres de la famille puissent rendre visite, un par un – restrictions sanitaires obligent – à la patiente.
Ces faits, nous en entendons parler tous les jours. En Tunisie, l’humain n’a presque aucune valeur, surtout sur le plan sanitaire. Quel choix fera un citoyen dans le besoin ? Doit-il accepter de payer des milliers de dinars dans les cliniques privées ou être malmené dans les hôpitaux publics ? Ou alors doit-il abandonner et mourir ? Pendant ce temps, aux plus hauts sommets de l’État, on se chamaille dans une guerre institutionnelle devenue ridicule. Réveillons-nous…
Fakhri Khlissa