Prologue
Issu des « compagnies franches » puis des « compagnies mixtes » créées en 1881, le 4e Régiment de tirailleurs tunisiens (RTT), d’abord, appelé « algérien » est institué le 14 Décembre 1884. Il reçoit son premier drapeau le 13 Juillet 1885 au camp de Sousse qui restera sa ville de garnison jusqu’en 1957.
Engagé au Maroc de 1908 à 1913, il y fait montre d’un courage exemplaire. Il participe à la première guerre mondiale dès le 23 août 1914 et luttera jusqu’en novembre 1918. Son drapeau est décoré de la légion d’Honneur. Il sera conservé jusqu’à la dissolution du régiment en 1962.
Le régiment est rappelé en France en Mai 1940. Le 16 Juin, attaqué par des forces supérieures en nombre, le 4e R.T.T. est anéanti à quatre vingt dix pour cent et rentre en Tunisie en août 1940.
Reconstitué en septembre, il reprend le combat de l’automne 1942 à la victoire en Mai 1943.
Rééquipé en matériel moderne, il débarque en Italie, à Naples, de Décembre 1943 à Janvier 1944.
Le 9 Janvier, le 1er bataillon est engagé contre l’ennemi nazi et il enlève le Monte Pile le 13 Janvier.
Le 16 Janvier, ce même bataillon occupe les passages sur un torrent de montagne : le Rapido.
Pages de gloire (du 15 janvier au 3 février 1944)
A la fin de l’automne 1943, les troupes américaines qui avaient débarqué en Italie, envisageaient de livrer une 4e offensive contre Monte Cassino. Les troupes françaises étaient chargées d’attirer le gros des forces allemandes en attaquant le massif du Belvédère, voisin du Monte Cassino.
Face à l’ennemi fortement retranché, l’attaque part le 15 Janvier à 13 heures. Malgré de violentes contre-attaques ennemies, les positions reconquises à plusieurs reprises sont définitivement acquises. Les tirailleurs sont au contact de la « Ligne Gustave » qui barre toute la largeur de l’Italie dont le centre est situé au pied du Monte Casino.
Les tirailleurs découvrent en face d’eux, le Monte Cairo (1700 mètres) avec à sa gauche le Monte Cassino et à sa droite le Belvédère : l’objectif !
A partir du 25 Janvier, l’artillerie se déchaîne enveloppant le Belvédère dans la brume et la fumée. Ce massif montagneux, aux pentes abruptes, souvent dénudées qui culminent à près de 1000 mètres est situé au centre de l’Italie continentale aux hivers très rudes. Sous des pluies glaciales et des tempêtes de neige, les tirailleurs tunisiens, accompagnés de leurs mulets transportant le ravitaillement, attaquent un ennemi retranché et bien organisé. Ils essaient d’enlever l’éperon du Cifalco (côte 470) mais sont écrasés par une contre-attaque. Le lieutenant El Hadi, l’avant-bras arraché « meurt » en entraînant ses hommes et en criant : « En avant, vive la France ». La position est reprise, ainsi que la côte 721 mais l’obscurité et une pluie tenace favorise l’isolement des Tunisiens et le harcèlement ennemi. Les pertes sont lourdes. Les objectifs n’ont pas de nom. Ce sont seulement des sommets « côtés ».
Le lendemain, les bataillons se regroupent. Les hommes, par groupes de 4 ou 5, progressent malgré les mines. Pendant 8 jours, ravitaillés chichement à dos de mulets, les tirailleurs vont gravir et tenir des pentes escarpées, sans abri, dans le froid hivernal auquel ils ne sont pas habitués et qui transperce leurs vêtements trempés.
Dans l’après-midi, transi de froid, ils s’emparent de la côte 856, où le lieutenant Bouakkaz, est tué puis de la côte 915. Ils progressent sur des pentes, à trente pour cent parfois, sous des feux meurtriers. Le 27 Janvier, le massif du Belvédère est occupé mais faute de renforts suffisants, les Allemands referment la brèche et contre-attaquent violemment. C’est ainsi qu’à la côte 771, sans munitions, à bout de forces, les tirailleurs ripostent à coups de pierres ! À la côte 862, le 3e bataillon encerclé, se sacrifie. Cette position, reprise trois fois, subira douze contre-attaques !
Désormais tous les bataillons sont isolés, sans vivres depuis le 25 Janvier, pratiquement sans munitions et épuisés. L’attaque ennemie reprend dans la nuit du 27 Janvier. Les hommes se battent au corps à corps sur les derniers mètres du Belvédère et repoussent les Allemands à coups de baïonnettes. Grâce au soutien du 67e régiment d’artillerie, les tirailleurs sont sauvés.
Le 29 Janvier, les côtes 862 et 915 doivent être prises malgré les très violentes contre-attaques allemandes. Grâce à quelques renforts, les tirailleurs attaquent la côte 771, sous un déluge de feu. Ils doivent se replier au pied de l’escarpement. La capitaine Tixier, dont la famille habite au Kef, a les deux yeux arrachés mais il refuse d’être soigné avant ses hommes.
Le 31 Janvier, aidés par les tirailleurs algériens, les Tunisiens enlèvent les fameuses côtes 771 et 915. Sur le rocher du sommet, repose le corps d’un sous-officier tunisien qui a arboré sa fourragère rouge, celle de la Légion d’honneur du régiment !
Pendant deux jours, les tirailleurs arrivent à tenir leurs positions malgré des contre-attaques furieuses et des bombardements intenses.
Ils sont relevés le 4 Février sous une pluie torrentielle. La « Ligne Gustave » a été enfoncée en ce point. La victoire se dessine ! Mais le régiment a perdu 207 hommes, 426 disparus et 739 blessés soit 1372 soldats : les 2/3 de l’effectif ! Durant l’hiver, le 4e R.T.T. sera « reconstitué » trois fois. Il perdra 3059 hommes en Italie !
Ces soldats qui ont libéré la France
Les combats reprennent du 12 Mai au 24 Mai. Puis c’est la marche victorieuse vers Rome et Sienne atteintes le 3 Juillet 1944.
Puis, le régiment débarque en France à Saint-Tropez en août 1944, participe à la libération de Toulon et de Marseille, remonte dans les Alpes vers Grenoble et combat brillamment dans les Vosges. Il participe à la libération de Strasbourg et s’illustre dans la défense héroïque du Hohneck du 6 au 14 Décembre 1944, à 1361 mètres d’altitude, durant de terribles tempêtes de neige.
Le 19 Mars 1945, Conduits par l’adjudant-chef Ahmed El Abed – qui sera commandant dans l’armée de la République tunisienne ! – les tirailleurs entrent en Allemagne – les premiers « soldats français » ! – et prennent la partie allemande du village de Scheïnbenbardt. De victoire en victoire, ils iront jusqu’à Stuttgart en Avril 1945.
Le 11 Novembre, nous pensons particulièrement à ces soldats tunisiens du 4e Régiment de tirailleurs tunisiens, un des régiments les plus décorés de l’armée française, qui ont combattu, non seulement avec la France « coloniale » mais surtout et partout, pour la liberté contre l’impérialisme du Kaiser, le nazisme, l’hydre stalinienne métissée de maoïsme au Vietnam.
P.S. « Réalités » a déjà publié, en Juin 2005, un article intitulé « Ces Tunisiens qui ont libérés la France » rédigé par M. Mohamed Noureddine, ingénieur tunisien et ancien soldat du 4e R.T.T.
Nous avons bâti notre récit à partir d’un ouvrage de M. Paul Nicolas intitulé « Sidi Brahim des neiges » et de celui de Messieurs E. Deroo et P. Le Pantremant intitulé : « Héros de Tunisie ».
A.M.