Avant même l’annonce de sa composition, qui a fini par soulever une large contestation, l’UTICA et l’UGTT ont vite fait de présenter leurs feuilles de route résumant leurs priorités pour les 100 premiers jours du gouvernement Habib Essid. Un gouvernement dont la tâche ne serait en rien facile, eu égard aux dossiers urgents et brûlants qui attendent d’être réglés. Si pour l’UTICA, les propositions découlent d’une vision globale et ambitieuse, celles de l’UGTT s’apparentent plus à des revendications syndicales avec un fort contenu social. Néanmoins, les deux centrales convergent sur l’urgence de la mise en place de réformes structurelles économiques et sociales.
L’UTICA et l’UGTT ont toutes les deux proposé une feuille de route pour les 100 premiers jours du gouvernement Essid. Deux documents qui rassemblent les priorités de chaque centrale mais qui comportent des orientations à court terme, pour le gouvernement. Les deux sont d’accord sur les actions prioritaires qui possèdent deux grands volets : l’économique et le social. Cependant les priorités de l’une ne correspondent pas nécessairement aux préoccupations de l’autre.
Pour l’UTICA, la sécurité des citoyens et des entreprises, constitue-t-elle une des premières priorités ? Ce facteur est fondamental pour restaurer la confiance des opérateurs et donner une image plus rassurante de la Tunisie.
La Centrale recommande, par ailleurs, de trouver rapidement une solution honorable et définitive aux dossiers des blessés et martyrs de la Révolution ainsi qu’aux entreprises pillées et incendiées.
Dans le chapitre de la justice et de l’Administration, la Centrale patronale estime qu’il est grand temps de statuer définitivement sur le dossier des hommes d’affaires subissant des restrictions de voyage et de restaurer l’autorité dans les services publics et dans l’Administration.
Un préalable, la paix sociale
L’UTICA plaide pour l’apaisement du climat social, préalable pour créer de la richesse et, partant, soutenir l’effort en matière d’emploi. Cela ne pourrait se réaliser qu’à travers un climat social plus serein au moyen de la centralisation de l’approbation préalable des préavis de grève et de lock-out et l’application stricte des dispositions du code du travail (article 376).
L’apaisement du climat social passe aussi, par la mise en place de nouveaux mécanismes de coordination pour la maîtrise des prix des produits alimentaires frais et transformés. Il s’agit dans le cas d’espèce de mettre au point un système d’information qui permet d’avoir une appréciation juste et in time des fluctuations qui surviennent et de créer une « salle d’opération maîtrise des prix » regroupant les ministères du Commerce, de l’Agriculture, de l’Industrie, l’UTICA et l’UTAP .
L’UGTT voit les choses autrement. L’appariement du climat social passe, plutôt par la tenue, dans les meilleurs délais, de négociations sur les augmentations salariales, de préférence avant fin mai 2015. L’autre exigence formulée consiste en « la mise en œuvre de tous les accords et conventions signés par l’organisation ouvrière. De façon concomitante, la Centrale syndicale recommande, de juguler la détérioration du pouvoir d’achat et ce par la maîtrise des prix des produits de base et des tarifs de l’eau, de l’énergie et des carburants notamment».
Si, l’UGTT recommande d’accélérer la réalisation des projets publics dans les régions, l’UTICA estime primordial d’accélérer la promulgation de la loi sur le PPP (partenariat public privé) afin d’assurer les conditions d’une relance effective de l’activité économique. L’UGTT, soutient la thèse opposée, appelant le gouvernement à abandonner ce projet de loi qui est en décalage avec les exigences de l’étape.
Au sujet de la réforme fiscale les deux organisations soutiennent la révision de la loi tout en défendant des priorités différentes. L’UGTT estime que la révision devrait s’orienter vers une limitation des avantages fiscaux en conformité avec les objectifs d’une réelle réforme. L’UTICA avance des conditions pour la relance de l’investissement. Cela passe par l’exonération totale de la TVA sur les investissements, la suspension durant 5 ans, de l’application de l’impôt sur les bénéfices pour les sociétés totalement exportatrices avec une révision des conditions d’application de la levée du secret bancaire.
Lier les avantages au potentiel d’employabilité
Au chapitre des réformes, l’UGTT recommande d’entamer celle du code des investissements en liant les avantages octroyés au potentiel d’employabilité des entreprises et au transfert technologique. L’UTICA, soutient un autre son de cloche en recommandant la mise en place de procédures de révision du Code des investissements, afin de faire de la Tunisie un site attractif et de contribuer à la création d’emploi.
En matière de lutte contre le commerce informel, deux visions sont développées. L’UTICA appuie l’idée de rendre le commerce parallèle non attrayant par la suspension temporaire des droits de douane à l’importation des produits objets du commerce parallèle (hors carburant et tabac). L’UGTT propose la migration de l’économie informelle vers une économie organisée, et l’ouverture d’un dialogue multipartite avec les « gros bonnets » du secteur informel pour l’examen des moyens de sa transformation en une économie organisée moyennant une formation professionnelle spécifique.
La feuille de route de l’organisation ouvrière demande, par ailleurs, la création d’une « haute instance indépendante de la compensation » ayant vocation de gérer et contrôler le budget alloué à la subvention des hydrocarbures et des produits de base et aussi à accompagner les deux pouvoirs, législatif et exécutif, dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les nouvelles mesures..
L’UTICA propose également la création, au niveau du Chef du gouvernement, d’une haute instance de l’inclusion économique et sociale. Cette dernière aura à traiter en particulier le problème des garanties réelles, des titres de propriété et de la taxation douanière et fiscale qui incitent à l’informel.
l’UTICA et l’UGTT recommandent la mise en place du Conseil national du dialogue social, réunissant le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA et de préparer, dans ce cadre de concertation et dans les 100 premiers jours, le programme quinquennal (2015 – 2019).
Les deux Centrales sont également unanimes quant à la nécessité d’opérer des réformes touchant les entreprises publiques. Outre le lancement d’un programme d’audit des principales entreprises et l’institution d’un nouveau mode de gouvernance, l’UGTT, réclame de sauver les entreprises en difficultés économiques afin de garantir leur pérennité et sauvegarder les emplois.
En matière de couverture sociale, l’UGTT réclame la majoration du taux de cotisation au titre du régime de la retraite à hauteur de 2% à la charge de l’employeur, et la création d’une commission pour l’examen de la diversification des sources de financement du système de sécurité sociale. Elle propose également l’augmentation du plafond annuel des dépenses au titre des maladies ordinaires au profit des affiliés au régime privé et de ceux relevant du régime de remboursement des dépenses à la CNAM.
Nada Fatnassi