Les Tunisiens, qui brûlent de savoir si Ennahdha participe ou non au gouvernement Essid, ont fini par se rendre à l’évidence. En révisant sa première copie et en incluant Ennahdha et AfekTounes dans son gouvernement, Habib Essid a fait fi de toutes les critiques, y compris les tirs amis qui provenaient de Nidaa Tounes. Il a réussi en revanche à brouiller un peu les cartes en imposant une nouvelle donne.
Pourtant Taieb Baccouche, Secrétaire général de Nidaa Tounès, n’a pas fini d’écarter cette hypothèse, jusqu’à la dernière minute. Partout, il lui a été donné de donner un avis ou une déclaration, il n’a cessé de marteler qu’il est normal que le parti majoritaire soit au pouvoir et le deuxième dans l’opposition.
Pour cette raison, la formule inventée par Habib Essid tout en prenant certains de court, vient effacer quelque peu la rivalité majorité-opposition qui caractérise le mode opératoire de tout système démocratique guidé ordinairement par le principe de l’alternance au pouvoir.
Au lieu de subir Ennahdha dans l’opposition et lui laisser le champ libre dans l’espace public, Habib Essid a préféré l’associer pour mieux lui couper l’herbe sous les pieds et, en même temps, avoir les coudées franches pour engager son programme et mener à bien des réformes combien difficiles et urgentes dans cette période cruciale que connait la Tunisie.
Les promesses électorales
Si certains sont tentés de rappeler que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, l’on peut dire que, dans le cas d’espèce, Habib Essid a fait preuve de realpolitik privilégiant la logique arithmétique sur toute autre formule. Résultat : Faute de majorité claire, les deux frères ennemis de la scène politique tunisienne ont été contraints à trouver un terrain d’entente.
Même si ce gouvernement a été, dès l’annonce de sa composition, l’objet de critiques parfois acerbes, puisque résultant, pour certains, de bricolage, de marchandages voire de douteux conciliabules, il n’en demeure pas moins qu’il bénéficiera d’une majorité confortable qui lui permet de mener ses programmes et ses réformes dans des conditions optimales.
En procédant à des changements techniques, le Chef de gouvernement n’a fait qu’’élargir la composition de son cabinet avec l’entrée d’un allié naturel, AfekTounes ( 8 sièges à l’ARP) et d’un adversaire politique, le mouvement Ennahdha, crédité de 69 sièges à l’ARP ( Assemblée des Représentants du Peuple).
La participation d’Ennahda, avec un ministre ( Zied Ladhari, nommé au ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle ) et trois secrétaires d’Etat, celle de AfekTounes avec trois portefeuilles importants et de l’Union patriotique libre (16 députés), le gouvernement peut en théorie bénéficier du soutien de plus de 170 sur les 217 parlementaires que compte l’ARP.
L’obligation de résultat
Aujourd’hui, suite à l’annonce, le 27 janvier dernier, d’une première équipe gouvernementale qui n’a pas fait l’unanimité, la composition du nouveau gouvernement donne une lecture différenciée. D’abord, on a enregistré, au bout d’une semaine de tractations partisanes ardues et de recherche d’un consensus à tout prix, neuf départs dont six ministres et trois secrétaires d’Etat. Trois ministres de la première version ont changé de portefeuille (les Finances, le Tourisme et l’Emploi et la formation professionnelle) sans perdre leur statut de ministres. Recherche de consensus oblige, on a dû élargir la liste du gouvernement qui comprend 25 ministres (y compris les deux ministres auprès du Chef du gouvernement), 16 secrétaires d’Etat soit trois de plus que la première copie (l’habitat, les finances et de la remise à niveau des établissements hospitaliers) et un secrétaire général du gouvernement. En revanche, les ministères régaliens n’ont pas changé de locataires, malgré les critiques violentes suscitées par le choix de Najem Gharsalli au ministère de l’Intérieur.
Plus que jamais le temps presse, a affirmé M Habib Essid, ce qui confère à ce gouvernement de coalition une obligation de résultat. Pour cela, son action doit aller dans le sens de la marche et ne souffrir ni approximation ni improvisation. Les difficultés inextricables auxquelles fait face la Tunisie exigent que le gouvernement se mette vite à l’ouvrage et qu’il annonce la couleur via des réformes audacieuses et bien ciblées. il y va de sa crédibilité, de sa survie et de la paix et la sécurité dans le pays.
N.O