Mêlés à toutes les sauces polémistes, ces deux qualificatifs charrient le sens donné pour fourrer, dans la même poubelle, diverses bagatelles.
Or, qualifier de populiste une mesure favorable à la population et réclamée par elle relève de la joute politicienne et déserte l’observation conforme aux prescriptions de l’investigation.
Aujourd’hui, les ténors nahdhaouis usent et abusent de ce pot pourri aux relents nauséabonds.
Selon Machiavel, pourtant démolisseur de la religion à prétention politique, ces dirigeants à turban auraient bien raison d’immoler le constat véridique sur l’autel de la tactique tant la fin justifie les moyens. Par ce procès dit, à tort, machiavélique, ils rejoignent l’anarchisme de Ravachol : «Qu’importe la victime si le geste est beau ».
Hélas pour l’islamo-conservatisme, le voici pris en flagrant délit du serpent furieux au point de mordiller sa queue. Ainsi déconfit, l’ami Ghannouchi dit : « Nous avons voté pour lui et il nous a trahis ». L’accuser de figurer parmi les sans foi ni loi serait le Carthaginois. Maintes fois, celui-ci prend à témoin la nouvelle trinité, le peuple, Dieu et l’éternité.
Allah ! Allah ! Allah ! Voilà pourquoi si j’appartenais au Mouvement de la tendance islamique, je voterais pour ce très croyant. « Mais une fois propulsé, par moi, au sommet de l’Etat, l’ingrat me dégage du Parlement et des façons de garnir mes poches, outre celles de mes proches. Aujourd’hui, Dieu le maudit sans répit tant il ne cesse de m’associer à la sauce des loussouss plongés, tout de go, dans l’urne où mijote à petit feu Instalingo. Maintenant, il prétend recevoir des menaces de mort. Ah si le bon Dieu pouvait le canarder à la barbe de la Police et de l’Armée ! »
Au cas où telle serait l’histoire déployée depuis le 25 juillet, le Carthaginois aurait suivi l’itinéraire prescrit par «le conseiller du Prince » auquel Ghannouchi aussi, aurait obéi. Mais comment résoudre l’équation posée par la présumée organisation secrète sans feinter les traîtres ? Ils ont trahi le pays. Dès lors, au plan formel, Carthage et Montplaisir arborent un couple d’opposition, cher aux structuralistes et où chacun des protagonistes parvient à tirer profit du frère ennemi. Ainsi, par le déluge d’insinuations et d’accusations abattu sur l’adversaire, la bande à Ghannouchi offre le meilleur soutien au respectueux d’une si libre expression de l’opinion. Dans ces conditions, le couple d’opposition surplombe l’ensemble des pratiques mis en œuvre aux divers paliers de la stratification politique. Aux lieux de culte, les revanchards, toujours aux aguets, comptent sur la prédominance des prédicateurs opposés aux prêches contrôlés par les nouvelles autorités. Deux visions du monde social scindent le profane et le sacré.
Semés aujourd’hui, voici donc les germes de ce que demain, la Tunisie sera, moderniste ou salafiste. Les Ghannouchistes, présumés coupables, espèrent finir par devenir les fossoyeurs de leurs actuels accusateurs. Avec les mosquées innombrables et, par définition malaisées à laïciser, on ne badine pas sans figurer parmi les apostats. Pour l’instant, partisans de l’Etat civil et théocrates admettent un seul point d’accord. Il porte sur l’irréductible désaccord. Ce conflit structurel source l’attente continuelle. Cependant, « Le crépuscule des idoles », ouvrage de Nietzsche, paraît cligner vers nos enturbannés détrônés.
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