La concomitance de la découverte par les forces de sécurité d’un vaste plan terroriste visant les points vitaux de la capitale et du déclenchement des mouvements sociaux dans les villes frontalières du sud à savoir Ben Guerdane et Dhehiba est pour le moins troublante.
Sans nier le droit au développement que ne cessent de réclamer les habitants de ces régions, depuis maintenant quatre ans, et qui exige de trouver une alternative sérieuse au commerce et à la contrebande avec la Libye, la persistance de la contestation qui a pris une tournure dramatique à Dhehiba après la mort dimanche d’un jeune lors des affrontements qui ont opposé les forces de sécurité et des manifestants, pousse au questionnement. A qui profitent ces troubles à un moment où le pays fait face à des menaces terroristes sérieuses qui viennent justement des régions frontalières sud ? Comment expliquer cette levée de bouclier sur une taxe qui est entrée en vigueur depuis des mois, et non des jours ?
Toutes les critiques que certaines parties se sont vite empressées d’adresser aux forces de sécurité pour usage excessif de la force, se justifient-t-elles alors que les terroristes usent de tous les moyens, y compris l’instrumentalisation des mouvements sociaux, pour échapper à la vigilance des forces de sécurité et exécuter leurs basses besognes ?
En effet, les 32 personnes arrêtées la semaine dernière pour implication dans un plan terroriste visant le ministère de l’Intérieur à Tunis, le siège de l’unité d’investigation dans les affaires terroristes de Gorjani et l’Aouina ainsi que des zones et districts sécuritaires à Tunis et dans le sud du pays et des cibles économiques, industrielles et touristiques, n’est qu’un aspect apparent de l’iceberg.
Peut-on décider dans l’urgence ?
Le gouvernement Essid, loin de bénéficier d’un répit, s’est trouvé dès le premier jour de son entrée en activité devant un dilemme. Comment éteindre ce brasero qui a éclaté dans ces deux villes où le taux de chômage est endémique et où il n’existe aucune alternative pour les jeunes que de s’adonner au commerce frontalier, même au péril de leur vie ? La suspension de la taxe de sortie réclamée et envisagée résoudra-t-elle tout ? Pas sûr. Ce recours ne peut servir que de palliatif, il évitera éventuellement aux commerçants de cette région d’être doublement pénalisés, mais il ne les fera pas sortir de la précarité. La situation qui prévaut en Libye, où les groupes armés imposent leur loi en l’absence de l’Etat, ne fait que compliquer la donne et maintenir le flux des échanges dans les deux sens en fonction de leurs intérêts et visées. À Ben Guerdane, des manifestants et des policiers se sont affrontés ce lundi dans cette ville du gouvernorat tunisien de Médenine, d’après la télévision tunisienne. Des manifestants qui réclameraient la suppression de la taxe de sortie du territoire de 30 dinars, imposée par les autorités aux étrangers non-résidents. Une taxe entrée en vigueur depuis des mois qui fait grincer des dents également à Dhehiba dans le gouvernorat de Tataouine. Dhehiba où une personne a été tuée dimanche dans d’autres affrontements après la saisie par les autorités d’essence de contrebande.
Même si le nouveau gouvernement commence son mandat dans l’urgence sociale et sécuritaire, devrait-il agir dans l’urgence en improvisant des solutions qui devraient permettre de satisfaire momentanément les contestataires et de maintenir l’ordre ?
Au cas où le gouvernement Essid décide de surseoir à la taxe de 30 dinars imposée aux ressortissants maghrébins, est-on sûr que la partie libyenne procèderait par réciprocité à l’annulation de la taxe imposée aux Tunisiens à l’entrée de la Libye ?
Face à la gravité de la situation qui prévaut dans cette région, le gouvernement Essid, se trouve dans l’obligation de faire quelques concessions, mais il devra surtout se mettre à l’ouvrage pour définir des solutions pérennes susceptibles de redonner de l’espoir aux jeunes de cette région qui ne doivent plus vivre que de la contrebande.
La réaction des partis politiques et de la société civile à ce qui se passe dans cette région était compréhensible, en appuyant les demandes des protestataires et en réclamant l’ouverture d’une enquête indépendante sur les raisons qui ont poussé les forces de sécurité à utiliser des balles réelles. Ce qui paraît, par contre, quelque peu anormal, c’est l’attitude inconséquente de certains dirigeants d’Ennahdha et du mouvement de l’ex-président Marzouki (Mouvance du peuple des citoyens) qui, voulant se refaire une nouvelle santé, ont crié au scandale et dénoncé le comportement d’un gouvernement qui vient juste de prendre les rênes du pouvoir. Pourtant Ennahdha et Marzouki, au moment du gouvernement de la Troïka, n’ont pas été outrés de l’utilisation abusive de la chevrotine à Siliana, ni de la violence un certain 9 avril 2012 et encore moins, lors de l’agression par des groupes LPR des locaux de l’UGTT.
Là est toute la question !
S.K