Malgré l’horreur des actes perpétrés et leur caractère odieux, ce qui vient de se passer en Libye dimanche dernier n’a pas surpris outre mesure. La décapitation de 21 coptes par des groupes terroristes se réclamant de l’Etat islamique, est une marque de fabrique de ces groupes dont la présence porte souvent une signature par le sang.
Un crime qui rappelle, plus que jamais, que la lutte contre ces groupes terroristes devient l’affaire de toute la communauté internationale. Ce n’est que par la coordination des efforts de tous les pays et la mise au point de stratégies de lutte efficaces que le monde pourra espérer échapper à leur menace.
Avec la tournure dramatique prise par les événements, l’inquiétude prend la place de l’espoir d’un règlement pacifique de la situation dans ce pays qui nous est très proche par l’histoire et la géographie.
Maintenant, c’est la sécurité de notre pays qui risque d’en pâtir par l’exacerbation des luttes qui divisent les factions armées en Libye et par le danger que représentent ces groupes terroristes qui ne reculent devant rien pour déstabiliser l’unité et la sécurité de notre pays.
Même si les « Daech » sont encore loin de nos portes, la Tunisie est en train de prendre la mesure du risque qui provient de ces groupes surarmés et très mobiles. Tout en condamnant le « crime odieux » perpétré par l’organisation terroriste, la Tunisie redouble de vigilance et se prépare à faire face à la menace.
Le ministère des Affaires étrangères a pris acte, dénonçant cet « acte barbare qui vient prouver de nouveau que le terrorisme aveugle est en totale contradiction avec les coutumes internationales, les principes humanitaires et les lois célestes ».
On rassure et on se prépare
Il a réitéré, au passage, l’impératif « de conjuguer les efforts de la communauté internationale pour prendre une position ferme et des mesures concrètes visant à faire face au fléau du terrorisme qui menace désormais la paix et la sécurité internationales ».
Du côté du ministère de la Défense, on tient à rassurer tout en n’écartant pas totalement le danger que la pays peut courir. Le communiqué diffusé par le ministère de la Défense ne comporte pas d’ambiguïtés, « Les unités militaires nationales sont déployées le long des frontières terrestres et maritimes tuniso-libyennes pour prévenir d’éventuelles menaces contre l’intégrité territoriale du pays ». Et de préciser encore que « les unités militaires se sont renforcées par des unités de la Garde nationale et de la Douane, afin de sécuriser les frontières et empêcher toute tentative d’infiltration de terroristes, de trafic d’armes ou de contrebande de marchandises subventionnées ». On, annonce que des hélicoptères et des avions militaires effectuent des opérations de ratissage pour surveiller l’espace aérien et les frontières terrestres et maritimes.
Sans verser dans la peur ou l’alarmisme exagéré, on a préféré, en Tunisie, adopter une attitude réservée en suivant de près la situation en Libye et en mobilisant la logistique nécessaire.
Ce déploiement important a été imposé par l’évolution tragique de la situation chez nos voisins qui a culminé, dimanche dernier, par la décapitation de vingt et un coptes égyptiens.
L’Egypte aurait-elle pu agir autrement face à la barbarie de ces groupes terroristes qui a dépassé tout entendement ? Pas sûr. L’expression de fermeté a été accompagnée par un appel de détresse à la communauté internationale pour qu’elle assume ses responsabilités.
De nombreuses voix se sont élevées appelant à l’importance de reunir le Conseil de sécurité et que la communauté internationale prenne de mesures énergiques pour faire face à ce danger.
Une menace terroriste active
Hormis, l’Egypte, l’Italie a exprimé à la fois ses inquiétudes et ses craintes. Son ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, s’est empressé d’affirmer que son pays serait prêt à participer à une force des Nations unies pour lutter contre une « menace terroriste active » en Libye. Paolo Gentiloni a martelé que l’Italie soutenait les efforts de Bernardino Leon, émissaire spécial des Nations Unies pour la Libye, qui cherche à amener à la table des négociations les parties en guerre.
Pour Gentiloni, l’idée qu’il y a une menace terroriste active à seulement quelques heures de l’Italie par bateau n’est pas acceptable. Avec la situation chaotique, l’Italie n’exclut plus la possibilité d’une attaque par les djihadistes de l’Etat islamique.
Il faut rappeler que depuis fin 2011, la Libye s’est enfoncée dans le chaos, avec la montée en puissance des milices d’ex-rebelles qui font aujourd’hui la loi. La situation s’est aggravée ces derniers mois avec deux gouvernements et deux Parlements parallèles et une escalade de violences dans l’est comme dans l’Ouest du pays.
Pour certains observateurs, le pays n’est pas seulement en guerre civile, c’est pire. Il est devenu une succession de volcans en éruption. Il n’a plus de gouvernement depuis le 28 août et deux assemblées législatives, chacune siégeant à un bout du pays, se disputent la légitimité.
Plus grave, les milices se sont constituées en sept régions militaires, accentuant la « somalisation » du pays et sans qu’un pouvoir central n’ait les moyens de les contrôler.
Tout en s’enfonçant dans une violence aveugle, la Libye voit les perspectives de sortie de crise s’affaiblir de jour en jour, tant est grande la défiance entre les groupes rivaux et tant sont fragiles les alliances qui se nouent et se dénouent au gré des circonstances et des calculs d’intérêt.
Si Tripoli découvre depuis le début de l’année l’Etat islamique, plusieurs autres villes vivent déjà sous l’hégémonie de ces groupes terroristes dont la sphère géographique et militaire s’est renforcée subitement. L’organisation est apparue fin 2014, à Derna, à l’est de Benghazi et a été la première à prêter allégeance en dehors de la zone irako-syrienne à Abou Bakr Al-Baghdadi.
L’influence de l’EI en Libye s’est accélérée en 2015 par le contrôle, coup sur coup, de la localité de Nofilia et de plusieurs bâtiments stratégiques à Syrte, dont ceux des principaux médias qui diffusent depuis les discours d’Abou Bakr al-Baghdadi.
La question lancinante qui se pose actuellement est comment ce pays dont, la décision obéit dans une large mesure à une logique tribale, peut-il sortir de cet imbroglio ? Comment reconstruire une confiance perdue et une unité nationale en lambeaux ? Le dialogue reste une bonne piste, mais faut -il que tous les groupes acceptent de se plier à ses lois et ses exigences.
N.O