Déçus des Arabes et surtout des gouvernants qui font profil bas devant le gendarme du monde et son protégé, alors que leur droit à la terre palestinienne est reconnu par les Nations unies et la communauté internationale, les Palestiniens, en particulier les Gazaouis, bombardés, tués, blessés, sans logis, sans eau, sans provisions, sans médicaments, sans électricité, meurtris, abandonnés, trahis, lâchés, sont en colère, ils ont la hargne et la rage.
Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à laisser éclater leur colère, certains en viennent jusqu’à renier leur arabité et à ne revendiquer que leur identité palestinienne. Ils exhortent les gouvernants arabes à ne pas envoyer de nourriture, de vêtements et d’argent une fois que la guerre sera finie, parce qu’ils disent être nourris et vêtus de courage, de dignité et d’honneur mais, leur lancent-ils, « ce sont les enfants massacrés de Gaza qui vous demanderont des comptes devant Dieu le jour du jugement ». Déçus et en colère, les Palestiniens sont plus engagés, plus patients, plus forts, plus résistants, plus défiants et plus déterminés que jamais à ne pas quitter leur terre, à mourir en Palestine et à ne jamais s’exiler, quel que soit le prix à payer. « Nous n’avons pas où aller, c’est ici chez nous, ici nous mourrons », répètent-ils tous, hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, alors qu’il n’y a pas un seul Gazaoui qui n’ait pas vu mourir ou déterrer de sous les décombres un ou plusieurs membres de sa famille du fait des bombardements barbares de l’armée israélienne depuis le 7 octobre courant.
Rester debout et mourir, parce que la pression arabe sur les Occidentaux est inexistante, ou sans effet. Les plus influents d’entre eux ont normalisé leurs relations avec l’occupant ou sont en cours de les normaliser. Le nombre des récalcitrants se réduit inexorablement et leur rôle à l’échelle arabe s’amenuise entraînant dans son sillage la cause palestinienne que les Occidentaux et leurs alliés arabes ont cherché à enterrer. Mais c’était sans compter avec l’attaque surprise et de grande précision de la résistance palestinienne qui, en quelques heures, a remis la question palestinienne au-devant de l’actualité et des préoccupations mondiales jusqu’à faire oublier l’Ukraine et sa guerre avec la Russie.
Contrairement aux dirigeants occidentaux, qui savent mettre en sourdine leurs différends, même les plus profonds, et rester soudés quand il s’agit de protéger leurs intérêts et sauver leur honneur, les gouvernants arabes ont toujours mis en avant leurs rivalités hégémoniques et leur égo au détriment des intérêts de la Nation arabe et au mépris des sentiments de leurs peuples qui, en retour, les méprisent tout autant. Un ancien adage populaire très célèbre dit, d’ailleurs, à ce propos : « Les Arabes se sont mis d’accord pour ne jamais être d’accord » et l’opinion arabe s’interroge encore et toujours sur l’utilité de la Ligue arabe.
Cette fois encore, alors que les Palestiniens de Gaza se font massacrer sous les yeux du monde entier et alors que le monde occidental crie et affiche son soutien indéfectible à Israël, malgré son mépris des résolutions onusiennes et du droit international humanitaire, les « leaders » arabes font profil bas ou condamnent autant l’occupé que l’occupant. Ils négocient, dit-on, âprement, non pas la libération de la Palestine et la solution à deux Etats, mais l’ouverture du passage de Rafah du côté égyptien pour faire entrer les aides médicales et alimentaires, autrement dit des miettes. Quant aux bombardements et au massacre des civils, ce sont Israël et les Etats-Unis, bien sûr, qui décideront. Un affront pour la conscience arabe et plus de souffrances, d’oppression et de frustrations pour les Palestiniens.
Cinq sur 22 pays membres de la Ligue arabe (Algérie, Libye, Irak, Syrie, Tunisie) ont tenté de se démarquer en opposant leur réserve à la déclaration finale émanant de la réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères tenue le 11 octobre courant. Une déclaration se contentant de condamner, comme d’habitude, sans annoncer de décisions susceptibles d’agir sur le cours des événements. Cependant, la géopolitique mondiale engendrée par la guerre en Ukraine, était propice pour que les dirigeants arabes s’imposent désormais comme des chefs de file dans leur propre région sans nuire à leurs relations économiques avec leurs partenaires occidentaux et américains.
La diplomatie tunisienne, aussi, a raté l’occasion pour rebondir et réhabiliter son leadership politique dans la région arabe. La force, la singularité et la clairvoyance de sa position vis-à-vis de ce qui se passe au Proche-Orient, à Gaza en particulier, depuis l’attaque de Hamas contre l’entité sioniste le 7 octobre 2023, auraient dû être mieux valorisées et davantage mises en avant, pour donner un fort écho aux revendications des Palestiniens. Une position franche, sans ambiguïté, en faveur des droits du peuple palestinien à un Etat indépendant avec Al Qods comme capitale et contre la barbarie israélienne qui bombarde des populations civiles désarmées.
Le résultat n’est peut-être pas garanti, du fait du poids des intérêts régionaux mis en jeu, mais des voix discordantes, fortes et justes, au sein de la Ligue arabe, auraient pu faire bouger les lignes, rompre avec la léthargie de l’institution arabe et provoquer un débat au moins dans les coulisses diplomatiques. Ceci n’a pas été fait et nous allons en subir les conséquences. Elles n’ont pas d’ailleurs tardé à se manifester. La première à enregistrer est la sanction de la championne de Tennis Ons Jabeur demandée par l’Association israélienne de Tennis par le biais d’une plainte déposée auprès de la Fédération Internationale de Tennis en raison du soutien de la championne tunisienne au peuple palestinien. Une publication Instagram de la joueuse a été interprétée comme un soutien au terrorisme.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les Occidentaux, Etats-Unis en tête, et maintenant leur protégée, l’entité sioniste, se comportent comme des dictateurs avec le reste du monde. Il n’y a plus de liberté de penser, de choisir. Pour eux, tout est sujet à confrontation, au duel : « Si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous », il n’y a pas de place à la neutralité ou au silence. Une sorte de paranoïa qui cache une faiblesse, une fragilité. S’agissant des Palestiniens, ils savent que la Palestine leur appartient et que leur terre a été spoliée. Résultat : ils font du bruit, beaucoup de bruit, pour tenter de tuer la vérité. Mais c’est peine perdue, la vérité ne meurt jamais et les Palestiniens sont prêts à mourir sur leur terre.
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