Dans le cadre de la 24e édition des Journées Théâtrales de Carthage, s’est produite à l’espace El Teatro la pièce de théâtre Diner de chiens du metteur en scène Youssef Mars qui dure 70 minutes. Dans cette pièce, on trouve la jeune comédienne prometteuse et pleine de talent Mouna Chennoufi dans le rôle d’une journaliste d’investigation et le comédien à énergie et très sensible Nourredine Hammami dans le rôle d’un ancien cuisinier du palais. Le temps de la pièce se déroule en 2013, notamment durant la période de l’assassinat de Mohamed Brahmi.
L’intrigue de la pièce tourne autour d’une jeune journaliste d’investigation Lili, qui est dans ses vingtaines, essayant de nouer des relations avec un ancien cuisinier du palais Saïd. Celui-ci a la cinquantaine et qui est en grosse perte de vitesse. Ce dernier en a marre des magouilles politiques et des ruses sociales qui entravent tout simplement son quotidien à la fois physique et psychique. La journaliste, séduisante qu’elle est, essaye de rentrer dans le monde du cuisinier ; lequel est fermé et envahi par la peur et la méfiance à outrance de tout être humain.
Dans une relation ambivalente de séduction et de violence entre la journaliste et le cuisinier émerge un crime politique. En effet, au fil de la pièce, les spectateurs découvrent que Lili s’appelle en réalité Noura. C’est une fille forte aguerrie par la vie et cherchant à venger son père ; quelle que soit la force de celui qui l’a assassiné. En effet, elle veut venger le tueur de son père ; ce dernier est également un chef dans la cuisine du palais et collègue du défunt. Le problème est que Noura découvre un cuisinier en pleine souffrance, qui n’a plus envie de rien et qui a perdu complétement le goût de la vie. Du coût parfois, elle lui demande de l’aider, elle devient sensible à son vécu. Elle rentre dans son univers, même si lui ne veut pas l’accepter. Ainsi, s’il essaye de la faire sortir par la porte, elle rentre aussitôt par la fenêtre.
La leçon à retenir de la pièce
La pièce montre que la haine et la poursuite de la loi du talion ne peuvent mener qu’au drame et à la déchéance. En d’autres termes, c’est une impasse qui ne saurait régir le vécu de l’individu quelle que soit l’atrocité commise. De ce fait, les deux personnages meurent vers la fin de la pièce asphyxiés par le gaz. C’est une fuite dans la maison de Saïd qui a été négligée et mal réparée. Noura qui a oublié de vivre, qui a raté sa jeunesse et qui pensait à son père mort tout le temps a également fourvoyé le sens de la joie même si elle a toutes les qualités physiques et intellectuelles pour mener une existence heureuse. Lors de la représentation, le public a assisté à l’alchimie entre Mouna Chennoufi et Nourredine Hammami dans le jeu et dans la récitation du texte ainsi que la synchronisation des mouvements. Il est saillant que les deux comédiens avec le metteur en scène Youssef Mars et le technicien Lotfi Maaoui ont travaillé d’arrache-pied pour peaufiner cette représentation, six mois durant. Celle-ci montre une riche palette de couleurs, d’énergie débordante de jeu et même de chants et de gestuels qui rythment les différentes évolutions de la dramaturgie de la pièce. Au final, c’est une pièce à voir et à revoir car nous distinguons des talents en herbe et un réalisme dans le jeu et montrant une évolution des personnages au fil du temps et des événements. Dans cette pièce, il y a donc un début et une fin c’est une courbe classique cadencée par des interludes de musiques classiques et quelques changements de costumes. Décor minimaliste mais expressif. Le parcours de cette œuvre aura des jours heureux de notre point de vue.
Mohamed Ali Elhaou