Quelles sont les initiatives qui ont ponctué l’année qui s’achève ? Comment s’annonce l’année 2024 ?
Regards sur les faits les plus importants dans la vie publique.

Par Hatem Bourial
Si l’on se place du point de vue des pouvoirs publics, l’année qui s’achève est placée sous le signe de la transition vers le projet politique engagé par Kaïs Saïed sur la base de son projet électoral et de la nouvelle Constitution tunisienne. Plusieurs chantiers sont en effet engagés aussi bien en ce qui concerne la lutte contre la corruption sous toutes ses formes que dans le domaine de l’architecture institutionnelle.
Une abstention, signe d’un déficit de participation citoyenne
Sur ce dernier point, le premier tour du scrutin pour l’élection des membres du Conseil national des régions et des districts a été plutôt décevant et une nouvelle fois, marqué par une abstention massive. Près de 12% des électeurs ont participé à ce scrutin législatif qui, malgré les efforts de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, n’a pas mobilisé les citoyens. Au lendemain du vote, les motifs les plus divers étaient évoqués pour expliquer cette désaffection de l’électorat, ce qui ne changera rien tout en confirmant une tendance accrue à l’abstention.
Depuis la consultation électronique et le premier scrutin législatif, les électeurs se font rares et la consultation nationale sur l’éducation qui est en cours, ne devrait pas constituer une exception. Au vu des taux de participation annoncés par les organisateurs, cette dernière consultation censée contribuer à la refondation du système éducatif, n’a pas accroché l’opinion publique et ne suscite aucun débat de fond. Ainsi, l’année qui s’achève aura été marquée par ce déficit de citoyenneté qui entraîne un recul généralisé dans l’exercice des droits démocratiques.
À quoi est dû ce recul ? Les uns évoquent le tournant autoritaire actuel alors que d›autres préfèrent invoquer la lassitude de l›opinion, laminée par une décennie durant laquelle les connivences et les affrontements politiciens stériles, auront été la règle. Le fait est aussi que les gouvernés ont d›autres chats à fouetter, confrontés qu›ils sont à une inflation galopante, des pénuries inédites et une paupérisation rampante.
Compensation, pénuries et tensions sur le marché
De fait, l’année qui s’achève aura également été celle d’un marché où les produits de base étaient sous tension. Les pénuries de plusieurs produits alimentaires ont été régulièrement constatées, générant des files d’attente, des rixes et une amertume palpable. Pour plusieurs observateurs, ces pénuries doivent être appréhendées dans le contexte plus large de la compensation par l’État, de certains produits essentiels. Sans être remise en question, cette compensation est actuellement repensée par les pouvoirs publics qui cherchent des alternatives et de nouveaux mécanismes. Alors que les autorités affirment qu’elles ne céderont pas les entreprises publiques et qu’elles trouveront les ressorts pour rationaliser la compensation, les difficultés sont nombreuses et ont jalonné une année qui a eu son lot de pénuries.
Cependant, les pouvoirs publics ont engagé des discussions interminables avec les bailleurs de fonds traditionnels et tentent de trouver d’autres issues à cette crise. Si les négociations avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont ardues, les ouvertures sont nombreuses, comme l’atteste la récente visite de Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. Lorgnant vers les Brics, la Tunisie tente de trouver de nouveaux marchés tout en continuant à préconiser une économie sociale et solidaire. Cette articulation entre diplomatie et financement du développement aura d’une certaine manière, marqué l’année qui s’achève.
Sur le plan national, la réconciliation pénale et la lutte contre la corruption auront été le cheval de bataille de l’action publique. Cherchant à récupérer les fonds usurpés et essayant de clore le dossier de la prédation des années antérieures, le pouvoir exécutif s’est engagé dans une lutte tous azimuts, une lutte qui avance lentement et qui aspire à être l’un des vecteurs fondamentaux de la «libération nationale» prônée par le chef de l’État.
Dans cet esprit, Kaïs Saïed a multiplié les visites inopinées et sa présence sur le terrain. Ces dernières semaines ont vu le président de la République sur plusieurs fronts, menant cette bataille contre la corruption en mettant en exergue la situation de plusieurs entreprises publiques. Sans aucun doute, l’année qui s’achève aura été marquée par la lutte contre la corruption. Ce dossier devrait d’ailleurs rester d’actualité, voire connaître une accélération dans les prochains mois.
La perspective d’une année électorale
Si la Tunisie a un nouveau Chef du gouvernement en la personne d’Ahmed Hachani, plusieurs postes ministériels attendent d’être pourvus. C’est également le cas de plusieurs gouvernorats et ambassades qui restent sans titulaire. Là aussi, l’impression de transition prévaut et l’attente reste diffuse. Depuis une année, alors que l’architecture institutionnelle est en cours d’achèvement, l’opinion se demande pourquoi ces postes restent vacants et attend aussi de connaître le sort des conseils municipaux dissous. L’année 2024 promet d’être une année électorale puisque le scrutin présidentiel devrait avoir lieu en octobre prochain. Quant au scrutin municipal, il devrait se tenir à l’horizon 2025.
L’année qui s’achève aura également été marquée par une vie politique et syndicale en retrait. L’affaire dite du complot contre la sûreté de l’État a marqué les esprits et généré de nombreuses arrestations. La vie partisane s’en est fortement ressentie. En ce sens, les partis traditionnels ont du mal à mobiliser et semblent être essoufflés alors que la Centrale syndicale s’est également repliée.
Même si la grogne syndicale persiste, notamment dans le secteur de l’Éducation, l’Union générale tunisienne du travail a adopté un profil bas tout en continuant à proposer un dialogue national inclusif qui n’a toujours pas rencontré l’assentiment de Kaïs Saïed. Après plusieurs refus de ce dernier, le dialogue national voulu par l’UGTT aura-t-il lieu ? Il est difficile de le savoir car si la Centrale syndicale tient à son projet et y voit un outil de sortie de crise, le président Saïed n’est pas de cet avis.
En attendant, la transition semble continuer après avoir marqué l’année qui s’achève, une transition qui devrait être d’autant plus palpable que nous entrons dans une année électorale.