Les inondations catastrophiques de la Medjerda à Jendouba, Boussalem et Medjez El Bab qui se renouvellent souvent mettent en valeur l’insuffisance, la fragilité et la vétusté de nos infrastructures de base. Cela relève de la responsabilité de l’Etat que d’investir dans le renforcement, la modernisation et le développement des infrastructures, afin de protéger la population contre les catastrophes naturelles et de promouvoir le développement des régions intérieures. Cela a été occulté depuis quatre ans et il est temps de veiller à combler les lacunes et les défaillances et à rattraper le retard.
Il y a lieu de mentionner que les dégâts causés à l’agriculture sont considérables : des milliers d’hectares ont été inondés et les récoltes perdues, des animaux d’élevage ont été décimés et des arbres fruitiers détruits à jamais.
L’Etat doit dédommager les pertes au plus vite, à leur juste valeur.
Pourquoi observe-t-on des inondations cycliques depuis quelques années ? Les causes sont multiples et variées.
Il n’y a pas eu d’aménagement de banquettes de défense et de restauration des sols sur la totalité des bassins-versants à l’amont des barrages, ce qui fait que les eaux qui alimentent les barrages charrient une grande quantité de sols et argiles qui a fini par envaser les réservoirs des barrages. C’est le cas des barrages les plus anciens comme celui de l’oued Mellègue qui date de 1956 et qui a ainsi perdu la moitié de sa capacité de rétention d’eau.
Nous n’avons pas un réseau complet d’interconnectivité entre les barrages, ni de système de transfert efficace des eaux du Nord vers le Centre du pays, ce qui aurait permis d’éviter l’aspect dramatique des inondations.
Nous n’avons pas non plus une gestion préventive rigoureuse des eaux accumulées dans les barrages ce qui aurait permis de “délester” les volumes d’eau stockés dans les barrages, à tour de rôle, à l’approche des prévisions de grosses pluies annoncées par la météo : on attend que le barrage soit plein à ras bord ou presque pour ouvrir les vannes. Il y a là peut-être une erreur tactique et technique.
Les municipalités, en accordant des permis de bâtir, ainsi que les citoyens, qui pratiquent couramment la construction anarchique de logements dans des zones inondables à proximité immédiate des lits d’oueds, assument une part de responsabilité dans les dégâts provoqués par les inondations.
On nous a toujours dit que les barrages actuels mobilisent plus de 90% des eaux d’écoulement en surface, or les débordements à répétition depuis plusieurs années montrent qu’il y a encore beaucoup à faire en matière de construction, mais aussi de maintenance des barrages et surtout de régulation de l’ensemble du système pour assurer sa fiabilité.
Dans un pays au climat semi-aride, on n’a pas le droit de ne pas exploiter des volumes d’eau considérables qui sont ainsi perdus et vont se jeter à la mer, outre le fait de subir des dégâts catastrophiques à cause de cet excès d’eau non maîtrisé.
Il faut reconnaître que nous n’avons pas de stratégie globale et concertée pour la mobilisation et la gestion des eaux dans notre pays qui doit comporter aussi bien l’alimentation de la population en eau potable, l’approvisionnement des périmètres irrigués, ainsi que la protection des agglomérations contre les inondations.
S’il y a un excès d’eau dans le Nord-Ouest, c’est tant mieux, cela doit permettre de répartir cet excédent entre le centre du pays et le Cap Bon qui en a bien besoin pour sauver les plantations d’agrumes.
Ce sont là certes des objectifs ambitieux mais réalisables par étapes.
Depuis des années, on parle de plan pour protéger Tunis, Sfax, Jendouba, Boussalem et Medjez El Bab contre les inondations, alors que des études ont été faites mais restées sans suite sans jamais passer au stade de l’exécution, alors que les institutions de financement ne refusent pas des projets aussi rentables que vitaux.
Au moins, deux grands barrages doivent être mis en chantier de suite dont celui du haut Mellègue qui représente un investissement de 211 MD.
En outre, on se demande pourquoi le projet d’aménagement du lit de la Médjerda pour éviter les inondations n’a-t-il pas été entamé, alors que la JICA a accordé un crédit dans ce but depuis des mois ?
Par ailleurs, les glissements de terrains dans les délégations de Fernana et de Aïn Draham, les routes coupées et les chaussées effondrées, les maisons détruites suite aux fortes précipitations montrent qu’il y a urgence pour l’Etat d’investir dans les infrastructures de base.
Renouvellement de réseaux d’adduction d’eau, construction et entretien des routes, alimentation de plusieurs dizaines d’écoles en eau potable, réfection de lycées qui menacent ruine ou n’ont pas de clôture. Il semble que les crédits soient disponibles, mais que les services d’exécution sont frappés de paralysie. Certains fonctionnaires et techniciens ont besoin de bouger un peu, la nation est en danger et le sens patriotique ne doit pas être un vain mot.