La célébration, dimanche dernier, de la journée mondiale de la femme, n’a pas été sans un brin d’inquiétude quant à la persistance, dans plusieurs régions dans le monde et dans les pays en développement en particulier, de très mauvaises conditions de vie de la gente féminine et de graves inégalités entre les hommes et les femmes.
Qu’en est-il chez nous ?
Il ne faut pas aller loin pour se rendre compte à quel point la réalité, cruelle, rend superflu tout commentaire sur la précarité de la condition de la femme rurale dans notre pays. Et cela nonobstant les sacrifices que la femme consent inlassablement pour se prendre en charge, élever les enfants et, de surcroit, contribuer à l’amélioration des revenus du ménage familial, en exécutant des tâches que les hommes rechignent, par égoïsme ou par indifférence, à accomplir en dépit des multiples actions menées par les différents gouvernements successifs, la condition féminine reste, aux yeux de la plupart des experts et autres observateurs, fragile et, surtout précaire, à bien des égards, notamment dans les région du Nord-Ouest, où le lot de la femme rurale, ce sont les tâches agricoles pénibles. Dans le meilleur des cas, c’est le travail de l’artisanat, un créneau marginalisé par les hommes et qui n’arrive même plus à séduire l’élément féminin, en ce qu’il ne rapporte que peu ou presque rien en raison de la mauvaise organisation structurelle du secteur. Ce qui n’est pas sans rendre difficile la commercialisation des produits artisanaux qui représentent, on ne peut plus, la quintessence des produits du terroir.
Des expériences pilotes…
Depuis deux décennies certaines expériences pilotes ont été, en effet, initiées dans la région du Nord-Ouest, notamment au Kef, en intégrant la femme rurale dans tous les projets de développement intégré initiés, sans réussir à mettre fin à la précarité qu’endure l’élément féminin dans les zones rurales. Les différents projets menés dans la région ont porté sur la création de petits projets agricoles à rendement rapide, à l’image de la cuniculture, l’’élevage bovin laitier ou encore le maraichage, sans négliger, bien entendu, les petits métiers comme l’artisanat, contribuant de la sorte à améliorer les revenus de certains ménages. Des cas de réussite sont à citer. Ceux, des femmes parties, toutes seules, en guerre contre leur misère matérielle à tel point que certaines d’entre elles ont réussi à braver les défis et à mettre en place des projets dignes d’éloge.
Il en est ainsi de l’expérience de certaines femmes relevant des délégations du Kef-Est ou du Sers qui ont monté des projets d’élevage bovin et d’arboriculture et ont gravi tous les échelons de l’honneur professionnel, en glanant, à plusieurs reprises, des prix nationaux.
Néanmoins, l’analphabétisme et les ruptures scolaires précoces viennent aggraver davantage la condition de la femme rurale dans la région du Kef et jeter de l’huile sur le feu, accentuant les risques de marginalisation. Tahar Faeq, inspecteur d’éducation sociale et directeur de l’unité régionale du programme national d’alphabétisation du Kef, explique, à cet égard, que 80 pour cent des personnes ayant souscrit au programme d’alphabétisation sont des femmes, dont la quasi-totalité sont des femmes rurales. La persistance de ce phénomène s’explique essentiellement par la résistance des mentalités rétrogrades dans les foyers ruraux condamnant, selon lui, cette catégorie sociale à se rabattre sur les professions manuelles, agricoles en premier lieu. Fort heureusement, le programme national d’alphabétisation a axé le contenu de la formation des analphabètes sur le développement des compétences linguistiques, culturelles et sociales de la femme, avec en point de mire, des actions de sensibilisation à la santé reproductive, la création de projets pour le compte personnel, la gestion des foyers et la communication au sein de la société.
Le programme a, ainsi, réussi à développer chez certaines femmes, nombre de compétences professionnelles qui ont eu pour effet de les aider à monter leurs propres projets économiques, en particulier dans le secteur agricole productif.
Le mouvement associatif montre la voie
Le directeur adjoint au commissariat de l’éducation du Kef, chargé du volet de la culture et du suivi de la scolarité, Néjib Dhouioui, a fait savoir que le taux de rupture scolaire chez les jeunes filles rurales a augmenté de manière significative dans le gouvernorat du Kef, après la Révolution, essentiellement dans les deux délégations montagneuses de Sakiet sidi youssef et de Nebeur, précisant que l’émergence de cet épiphénomène est motivée par l’insécurité grandissante prévalant dans le pays, particulièrement dans les zones rurales du Nord-Ouest, du fait des risques liés aux actions terroristes.
Conscient du rôle qui est le sien en matière d’appui à l’élément féminin, le milieu associatif est monté au créneau assurant un apport appréciable en matière d’aide aux femmes rurales, notamment les associations de promotion de l’emploi et du logement (APEL), la fondation du Kef et l’association des femmes artisanes de Tajerouine qui apportent un soutien au profit des jeunes filles en quête de formation ou d’emploi, en les aidant à monter de petits projets économiques à même de renforcer leur autonomisation.
Néanmoins ces structures informelles d’appui, fragiles au demeurant, sont depuis quelque temps en difficulté financière, d’autant plus que nombre d’entre elles sont soutenues par des associations caritatives internationales qui, du fait de la conjonction de plusieurs facteurs, ont cessé de leur apporter appui, les mettant dans des difficultés financières sérieuses.
Parallèlement, et face à la recrudescence de la violence, à l’encontre des femmes, l’association des femmes et de la citoyenneté, (AFT) a diligenté un programme d’écoute en faveur des femmes victimes de ces violences, y compris la femme rurale, en créant un centre au Kef, en collaboration avec le centre espagnol CIDEAL. En dépit de tout le travail accompli dans ce domaine, que des actions restent à accomplir pour espérer venir à bout des souffrances de la femme rurale en Tunisie.
J.TIBI