Je reconnais que je me suis construit, politiquement, à une époque où le nom de l’Europe était synonyme de nombreux espoirs. Je me rappelle, encore, les enthousiasmes de mes professeurs français au lycée de garçons de Monastir. Ils n’hésitaient pas à transformer l’estrade en tribune d’éloges pour une nouvelle Europe «de liberté et des droits humains». Quelques années plus tard, j’étais obligé de réactualiser mes connaissances, ce que mes professeurs m’ont raconté sur l’Europe était forgé de toutes pièces. Pures Fables ! Les résultats des élections européennes ont montré, récemment, que les nouveaux eurodéputés seraient plus nombreux sur les bancs de l’extrême droite raciste et islamophobe. Une cinglante avanie qu’on pourrait traduire par quelque chose comme « Épargnez-nous votre condescendance et remettez-vous plutôt en question. Votre Europe a perdu ses valeurs»! C’est la même vague pleine de haine raciale, d’islamophobie et du nationalisme protectionniste qui a porté l’extrême droite, ces dernières années, au pouvoir dans plusieurs pays européens dont quelques-uns du traité de Rome, fondateurs de l’Union européenne. Une Europe devenue bigote, soumise, enfermée dans ses fantasmes et préjugés, fascinée par le sionisme comme elle le fut dans les années trente par le nazisme. C’est la honte d’une Europe obnubilée par les spectres de l’«immigré envahisseur», le déshonneur d’une classe politique qui a enfoui sa passion de liberté et d’ouverture. Le protectionnisme misérablement naïf qui fait feu de tout bois dans le vieux continent depuis des années, ne cesse de délivrer le message dangereux d’une dérive désastreuse, et la déraison semble plus que jamais gouverner les esprits. Un coup mortel vient d’être porté aux valeurs européennes. C’est ainsi que l’Union européenne perdit son éclat. Elle subsista, mais une fois humiliée par ses élites politiques, elle devint la proie de ses démons, et son autorité morale fut à jamais flétrie. Elle navigue à vue et vogue dans le brouillard au moment où les périls se multiplient rapidement avec l’émergence de nouveaux pôles de puissance, Russie, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud et autres. Ce qui risque aujourd’hui de frapper l’Europe d’obsolescence, c’est son manque de crédibilité. Cette dérive peut encore évoluer dangereusement au regard d’une poussée europhobe à l’intérieur même de l’Union. Mais le plus grand des risques, c’est l’inaction et la soumission. Elle décide laborieusement, trop souvent condamnée à se plier aux ordres américains. Étrange «puissance» où tout semble reposer sur le bon vouloir de l’oncle Sam !
Jamais les défis en Europe n’ont été aussi élevés qu’aujourd’hui. L’Union européenne doit retrouver une raison d’être dans un monde agité qui met à rude épreuve les valeurs humaines sur lesquelles elle est fondée. Elle doit créer les conditions de son autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis en renforçant son autorité morale pour défendre la justice, l’égalité, les droits de l’homme et protéger le droit international et ses institutions.
Il faut compter, maintenant, sur une conversion progressive des esprits, sur une révolution humaniste de la société civile européenne, sur une prise de conscience de ces jeunes qui manifestent dans les villes du continent contre les crimes de guerre dans les territoires palestiniens occupés et le soutien aveugle des pouvoirs politiques et médiatiques européens aux suceurs de sang, criminels et génocidaires, dont Netanyahu est le maître.
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