L’opposition, toutes obédiences confondues, broie du noir. Elle n’y voit que du feu. L’élection présidentielle du 6 octobre 2024 s’approche à grands pas sans le moindre changement qui indique une baisse de la pression sur le climat électoral et de réelles chances de participer à la course pour la Présidentielle.
La loi électorale a bien été amendée pour être en conformité avec la Constitution de 2022, notamment en augmentant l’âge d’éligibilité à l’élection présidentielle de 35 à 40 ans et en introduisant l’interdiction aux binationaux de se porter candidats, et certains adversaires politiques sont maintenus en détention pour de présumées implications dans des affaires de terrorisme, de complot contre la sûreté de l’Etat, de corruption, de blanchiment d’argent ou de diffamation. Mais encore, l’opposition reproche le musellement des médias et l’annonce tardive de la date du scrutin présidentiel en plus du long et incompris mutisme gardé sur la candidature du président sortant.
Pour l’inconsolable opposition écartée du pouvoir par le coup de force du 25 juillet 2021, qui s’attelle à entacher la légitimité du prochain scrutin, – c’est la règle du jeu électoral, il en était de même pour toutes les précédentes échéances du processus du 25 juillet -, en semant le doute sur les intentions cachées derrière ces mesures « discriminatoires », tout le processus électoral démarre sur les chapeaux de roues. Ses représentants accusent, d’une même voix, le président sortant candidat à sa propre succession « d’enfreindre les règles et les procédures » pour écarter tout adversaire politique « sérieux » et de vouloir concourir « seul » pour un second mandat. Arguments qualifiés de fallacieux et d’intempestifs par les partisans de Kaïs Saïed et par tous ceux qui soutiennent « un assainissement » du paysage politique et la moralisation de l’exercice politique qui se sont imposés aux lendemains du coup de force du 25 juillet 2021 lequel a mis fin à une décennie post-révolution chaotique à tous points de vue. La solidité des arguments de l’opposition est, également, mise à rude épreuve par des contre-arguments qui se basent sur l’incontestable déception des Tunisiens par le bilan des partis politiques au terme de la décennie 2011-2021 et, notamment, par les faibles scores obtenus à l’époque par certains de leurs représentants qui sont leurs leaders et candidats aujourd’hui.
Les arguments de l’opposition peuvent être démocratiquement défendus, surtout dans un contexte de reddition des comptes judiciaire, mais leur solidité n’est pas inébranlable. Les contre-arguments des juillettistes trouvent des oreilles attentives et justifient, à certains égards, le maintien de la cote de popularité de Kaïs Saïed malgré des réserves et surtout celle généralisée, même dans son camp, contre le décret 54, qui n’a épargné ni opposant ni partisan. Les exemples ne manquent pas, mais on évitera ici d’égrener les noms.
L’annonce, vendredi dernier, de la candidature de Kaïs Saïed n’a fait qu’augmenter le malaise et les inquiétudes des opposants de devoir supporter, pendant cinq nouvelles longues années, le régime oppressif de Kaïs Saïed. Les rangs des opposants se sont, en effet, élargis avec l’extension de la vague des arrestations, essentiellement dans les rangs des notables, dont le mot d’ordre est « personne n’est au-dessus de la loi ». Les appels se font, ces derniers jours, de plus en plus insistants, pour la libération de ceux qu’ils considèrent comme des « prisonniers politiques », afin notamment que leurs candidats à la Présidentielle puissent bénéficier des mêmes droits que le président sortant. Sinon, au moins, lever les obstacles devant le dépôt de leurs candidatures, comme celui du casier judiciaire qui s’avère être difficile à obtenir par certains candidats en détention provisoire.
Autre obstacle mentionné : les parrainages. Des candidats au scrutin présidentiel (sur plus de 80) se plaignent de ne pas pouvoir recueillir le nombre requis de parrainages, à savoir 10 députés ou 40 présidents de collectivités locales ou 10 mille électeurs. Il y a lieu de s’interroger si cette mesure est réellement un obstacle devant des prétendants à la représentation de tout un peuple dans un scrutin à la magistrature suprême. Ironie du sort, après avoir boudé les élections législatives et accusé le parlement d’être une caisse d’enregistrement de l’Exécutif dirigé par Kaïs Saïed, certains candidats se plaignent de ne pas trouver de soutiens parmi les députés. Ceci ne doit pas, malgré tout, justifier des pratiques vindicatives dont le résultat n’est autre que le blocage du processus démocratique, d’autant que l’intégrité de la prochaine élection présidentielle est également visée à travers des critiques portées à l’Instance supérieure indépendante pour les élections. L’opposition remet en question, en effet, l’indépendance de l’instance et par conséquent, la régularité du scrutin.
Après tous les épisodes de boycott de l’opposition des précédents scrutins organisés depuis 2022, les anti-Kaïs Saïed sont résolument attachés à la participation au scrutin présidentiel du 6 octobre prochain. L’enjeu est si grand pour les cinq années à venir que le boycott, qui est destiné à bannir l’adhésion populaire et à vider le scrutin de sa valeur démocratique, n’a plus de raison d’être. D’autant que les observateurs prévoient une grande participation au scrutin. La stratégie de l’opposition devient autre : mettre en doute la légitimité du scrutin en vue d’une victoire de Kaïs Saïed pour affaiblir son deuxième mandat. Ce qui est loin d’être évident. Il n’en demeure pas moins qu’en cas de victoire du président sortant, il aura de nombreuses cartes entre les mains qu’il pourra utiliser pour apaiser, enfin, le climat politique.
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