La Troïka a tué Brahmi deux fois ; la première fois en étant complice des assassins et la seconde en se disculpant de sa responsabilité par le mensonge. Je crois que la complicité est évidente, si jamais la version des faits fournie par le ministre de l’Intérieur était crédible. Car qui sont ces salafistes sinon une création d’Ennahdha ? Complice par négligence, la Troïka a sous-estimé leur danger (sous prétexte qu’ils ne considèrent plus la Tunisie comme une terre de djihad !). Il est curieux que le jour même où le ministre de l’Intérieur devait livrer l’identité des assassins, Ghannouchi, aveuglé par le ressentiment, anticipe au petit matin sur la conférence de presse en criant au complot ourdi par les suppôts de l’ancien régime et les sionistes. Passant probablement par ses «enfants», les salafistes ! Dire que’Ennahdha n’a pas intérêt à l’assassinat, c’est oublier qu’elle est un parti irrationnel. Et je suis aimable. Car quel parti au pouvoir a-t-il intérêt à affaiblir son autorité en confiant à des milices parallèles le service public de la sûreté et de la police ? Ou livrer le pays à des hordes salafistes ? Ou sponsoriser l’attaque sans raison de l’ambassade des États-Unis d’Amérique ?
Brahmi a été tué une seconde fois par le mensonge. On s’attendait à ce que la Troïka demandât pardon. Mais non ! Se répandant dans les médias, les «troïkistes» veulent persuader qui veut bien les croire, qu’il ne reste plus que six petits mois pour tout boucler, terminer la Constitution, élire la Haute instance électorale, préparer un Code électoral et tenir des élections. C’est tout simplement impossible. C’est cela le mensonge. Un ou deux exemples. À la dernière réunion du comité de conciliation censé sérier les divergences constitutionnelles en vue d’un consensus, Ennahdha, à la surprise générale, remet en discussion la charia et l’institutionnalisation du comité islamique supérieur. Il faudra donc du temps pour arbitrer, voter la Constitution article par article, puis passer à deux lectures séparées d’un mois à la majorité qualifiée. Et pourquoi une nouvelle Instance électorale supérieure (du reste bloquée) ? Alors qu’il aurait suffi de conserver l’ancien comité de Kamel Jendoubi et lui donner plus de moyens. La démission de nombreux députés démocrates confirme que même les principaux concernés ne voient plus l’utilité de siéger dans une Assemblée nationale constituante impotente. Brahmi a servi de révélateur : la Troïka ment délibérément.
La Troïka est une coalition «islamo-laïque» pour les observateurs occidentaux bien disposés, mais fort naïfs. En fait, elle n’est qu’un paravent. Le pouvoir est détenu par Ennahdha. Elle se comporte comme un gang. Elle infiltre les institutions, double les structures officielles, distribue les prébendes et elle mine l’État. Prête à tout, elle se prépare au pire. C’est ce que disent les parents des victimes, les manifestants et c’est ce que pense l’opinion publique. On n’y peut rien. Ennahdha a tout fait pour ternir une image déjà peu reluisante. Elle a lâché de vulgaires voyous en costume trois-pièces officier dans les médias en son nom, de mauvais garçons tabasser les démocrates au nom de la Révolution et des troupes salafistes excitées parler au nom de Dieu. Autiste, elle a été indifférente aux suppliques de l’opposition, aux attentes des gens et aux plaintes des victimes. Ennahdha est peuplée d’aventuriers qui n’ont qu’un but : s’éterniser au pouvoir. Et de dogmatiques qui ne rêvent que d’une chose : en découdre avec l’engeance laïque. C’est pour cette raison qu’il faut sauver le pays d’Ennahdha et Ennahdha d’elle-même en donnant la chance à ses «colombes» de se faire des ailes. C’est à ce prix que le processus démocratique aura des chances de reprendre sur de nouvelles bases et que la Tunisie de réussira son examen de passage.
Hamadi Redissi