L’affaire Kamel Letaief remonte de nouveau à la surface avec la découverte d’éléments susceptibles de l’innocenter. Son avocat, Maître Nizar Ayed, regrette que rien ne soit fait pour lever l’interdiction de voyage à l’encontre de son client, ni pour clore le dossier.
Cette affaire remonte à juin 2011 quand l’avocat Chérif Jebali a déposé plainte concernant 7 SMS reçus par un ami à lui, Mongi El Feqih et qui comportaient des «informations dangereuses relatives à un complot terroriste, préparé par des Tunisiens et des étrangers». L’enquête ouverte à ce sujet n’a pas connu de suite ce qui a poussé Jebali, en avril 2012, à déclarer posséder de nouvelles informations inculpant certaines personnalités influentes dans le pays, en plus de relevés téléphoniques prouvant que Kamel Letaief était l’instigateur principal de ce «complot contre la sûreté de l’État». Et depuis, ce dernier est interdit de voyage.
La vérité sur le propriétaire du numéro suspect
La première Brigade centrale des recherches et d’inspection de l’Aouina s’est chargée de mener l’enquête. Les résultats auxquels elle a abouti ont révélé de nouveaux éléments.
Noureddine Maîti, le propriétaire du numéro tunisien duquel a été envoyé le premier SMS, n’était pas au courant qu’il possédait ce numéro. Il a dit pourtant avoir donné sa carte d’identité à son beau-frère qui l’a transmise à un certain Youssef Chebbi, employé au ministère de l’Agriculture. Les recherches ont montré que ce dernier aurait utilisé cette carte d’identité dans le but d’acheter une puce au nom de Maîti et envoyer des SMS.
On a découvert ensuite cinq connaissances communes à l’avocat Chérif Jebali et Youssef Chebbi, dont une personne qui a échangé 121 communications téléphoniques avec Jebali. «Il est impossible, alors, de nier qu’il existerait un lien entre Jebali et Chebbi», conclut Ayed.
Par ailleurs, les recherches ont révélé que le trio Chérif Jebali, Youssef Chebbi et Mongi Feqih a reçu un nombre important d’appels téléphoniques en provenance du ministère de la Justice et du tribunal de première instance de Tunis. «Il serait judicieux de connaître l’identité de celui qui est derrière ces appels, sachant qu’il ne peut pas s’agir du juge d’instruction, car ce dernier ne peut pas faire d’interrogatoire par téléphone», note Nizar Ayed. Rappelons que Youssef Chebbi a nié avoir reçu des coups de téléphone du tribunal. Quant à Chérif Jebali, il a refusé de venir donner sa version des choses concernant ces appels.
Parallèlement, aucune communication téléphonique en commun n’a été trouvée entre ce trio et Kamel Letaief.
Dans son plaidoyer devant le premier juge d’instruction au tribunal de première instance, en date du 17 juin dernier, Ayed a conclu, à partir des éléments révélés par l’enquête, que Chérif Jebali serait derrière toute cette «affaire des SMS», voulant se rapprocher du pouvoir, tout d’abord de Béji Caid Essebsi, durant la première phase transitoire, puis d’Ennahdha, en accusant l’un de ses principaux ennemis politiques.
Les responsables sécuritaires innocentent Letaief
Venons-en maintenant à la question des relations de Kamel Letaief avec un ensemble de personnalités sécuritaires, dont Nabil Abid, Lazhar Akremi et Tawfik Dimassi. Ces derniers ont affirmé, dans leurs interrogatoires respectifs, que les appels téléphoniques avec Letaief s’inscrivaient dans le cadre du rôle politique important qu’a toujours joué l’homme d’affaires connu, avant et après la chute de Ben Ali et son implication dans le processus de transition du pouvoir. Son avocat a rappelé que son client a toujours utilisé son numéro personnel, ce qui est impensable pour un individu préparant un complot contre l’État.
Paradoxalement, tous ces responsables sécuritaires impliqués dans l’affaire ont été évincés de leurs postes au ministère de l’Intérieur. L’un d’eux, Nabil Abid, a été nommé représentant de la Tunisie auprès du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur, ce qui appuie, selon Ayed, la thèse que «toute cette histoire est fabriquée par Ennahdha pour régler ses comptes avec Letaief.»
Face à toutes ces nouvelles vérités dévoilées, l’avocat ne comprend toujours pas pourquoi le procès traîne et surtout la raison du maintien de l’interdiction de voyage à l’égard de son client.
H. Zbiss