L’omerta, ou la loi du silence, une règle commune entre la mafia et la tribu. Les lois tribales en effet, ou encore la tradition tribale, que les familles arabo-musulmanes ont par ailleurs hérité est qu’on ne divulgue jamais nos tars. Il est vrai que laver son linge sale en public est un manquement à la dignité, néanmoins…
Que faire quand ce linge est engloutit dans sang ? Que faire surtout si dans les traditions tribales, tout comme dans les familles patriarcales ou mafieuses, on ne doit pas critiquer « le chef », « le parrain » sous peine d’être exclu…
Pis encore, que faire quand la loi du silence dans le monde arabe va jusqu’à effacer de la mémoire collective toute trace de massacres commis par des dirigeants arabes ? Mais peut-on alors effacer le sang en soi ?
Et si la terre irriguée par le rouge pourpre s’asséchait, la mémoire collective n’a-t-elle pas l’obligation de s’en souvenir. Sauf qu’on ne peut se souvenir de ce qu’on n’aura pas su ou encore de ce qu’on sait mais qu’on lègue consciemment dans l’oubli.
Aujourd’hui, des enfants yéménites sont brûlés vifs et des civils gisent sous les décombres sous un bombardement effectué par des forces arabes. Au-delà du fait qu’il s’agisse là d’un génocide fratricide que personne ne condamne sous prétexte que les forces arabes font face au danger du terrorisme, ne s’agit-il pas aussi d’un favoritisme ethnique ?
En effet, il s’agit de chiites qu’on croit tuer. Seulement, les terroristes se trouvent presque toujours un abri, seul le peuple paye le prix. On est aussi en droit de se demander : où sont les forces arabes face aux terroristes qui taillent la Syrie ? Le silence et l’indifférence ne sont-ils pas dus au fait qu’ils soient des terroristes sunnites visant un régime alaouite ? Aussi tyrannique soit-ce dernier, mais il faut s’avouer que les ISIS et Qaïda sabotent en quelque sorte l’effort entamé par le peuple syrien pour instaurer la démocratie. Cette dernière est aussi l’ennemie des régimes arabes dictatoriaux restés en place, alors on laisse faire, mais cela, c’est un autre sujet…
L’opération menée aujourd’hui au Yémen n’est qu’un massacre parmi d’autres, passés sous silence.
Le 12 septembre 1970, des milliers de victimes jordaniennes et palestiniennes, dont la majorité sont des palestiniens, sont tués dans un conflit opposant le roi Hussein à l’Organisation de Libération Palestinienne, à sa tête Yasser Arafet, alias Abou Ammar.
Les sources jordaniennes avanceront le chiffre de 3500 victimes palestiniennes, les sources palestiniennes, vont jusqu’à 10000 morts et 110 000 blessés. Un génocide a été commis…
Ce conflit est survenu après plusieurs tentatives palestiniennes de renverser le régime dans le royaume jordanien. Le premier ministre jordanien, Wasfi Tall a été tué en novembre 1971 par un groupe de palestiniens se faisant baptisé « Septembre noir » en mémoire du 12 septembre 1970.
Du 16 au 18 septembre 1982, deux jours après l’assassinat dans une explosion du président libanais Bachir Gemayel, les Phalanges libanaises sous les ordres directs d’Elie Hobeika tuent en 48 heures 900 refugiés palestiniens dans les camps encerclés alors par l’armée israélienne, Ariel Charon à sa tête. On estime même que le nombre des victimes atteint les 5000, mais personne ne pourra trancher puisque les corps ont été emportés ailleurs ou complètement enterrés sous les bulldozers.
Les phalanges, plus que le fait de tuer, ont violé des femmes, ont mutilé des civils et ont commis des atrocités qu’on se passera de citer. Aujourd’hui, on se souvient de la responsabilité, indéniable certes de l’armée israélienne dans le massacre mais on passe sous silence l’implication directe de ceux qui ont commis le crime et dont les mains sont entachées de sang palestinien, des Libanais…
Ce massacre n’a pas seulement ôté des vies, mais déraciné des gens. Témoignage :
Enfant de la Palestine, il ne connaissait ni sa mère ni son père, tous les deux tués au massacre de Sabra et Chatila au Liban où s’est réfugiée sa famille après l’occupation israélienne. On l’a retrouvé seulement âgé de quelques mois, jeté quelque part au milieu des morceaux humains et des flaques de sang. On ne savait ni qui il était ni s’il avait des proches. Ainsi il avait débuté sa vie dans le sang et la solitude. Aucune connaissance du passé, de sa famille, de ses origines. Rien qui puisse lui donner une appartenance quelconque. Seul, il avait grandi dans un orphelinat où il passa quelques deux ou trois ans. Un couple d’Américains l’avait alors adopté et depuis il vit aux Etats-Unis. Il m’avoua « qu’il aimait ses parents, mais que seul il continue à être. Etranger aux States où il vivait, étranger à sa Palestine natale, étranger à la nation arabe dont il est supposé être l’enfant.
En 1988, Saddam Hussein attaque dans une opération appelée Anfal, et aux armes chimiques, la ville d’Halabja en Irak. Beaucoup de victimes étaient des femmes et des enfants. Au lendemain de la guerre du Golfe de 1990, et suite au soulèvement des Kurde mais aussi des Chiites irakiens, la ville Bassorah et d’autres villes chiites ainsi que Kurdes sont intensivement bombardées durant deux semaines. 100 000 personnes fuient vers l’Arabie Saoudite et le Koweït. Aujourd’hui, non seulement, on ne parle pas de ces génocides, mais Saddam Hussein est glorifié…
Ce sont là, quelques exemples parmi tant d’autres conflits, guerres et génocides fratricides, interarabes ou inter-musulmans, ou encore les deux. On ne peut tous les dénombrer, sinon dans un recueil, mais on a le devoir de regarder en face ce dont on est capable. On a beau passer cela sous silence et nous confirmer aux lois de l’omerta, mais l’Histoire n’oublie pas. Notre Histoire caractérise notre présent et construit notre avenir. Il suffit de voir ce qui se passe aujourd’hui dans nos contrées, pour deviner ce qu’on a commis par le passé et pour imaginer quel avenir sombre nous attend si l’on ne décidait pas d’assumer et de changer…