Depuis son arrivée au pouvoir, la Troïka n’a jamais traversé une crise d’une telle ampleur qui est susceptible de mener le pays dans une vraie impasse. Menaces de quitter l’alliance tripartite, accusations mutuelles, ultimatums… La Troïka est inexorablement sur le déclin.
Un tel scénario était largement prévisible et était d’ailleurs largement facile à prévoir d’autant que ce “mariage” est contre- nature et par conséquent éphémère.
Nonobstant et loin de toutes les tractations politiques autour de cette crise qui ne semble pas être facilement “consommée”, les retombées de ce climat d’incertitude politique et de bras de fer entre les partis alliés, seront de taille, tant, sur le plan politique que social et économique.
Il va sans dire que la classe dirigeante est plus que jamais dans une situation critique. Il semble très difficile d’entrevoir le bout du tunnel. Le feuilleton du remaniement, qui fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis une longue période ne semble pas prendre fin.
L’expérience “singulière” de la coalition en Tunisie entre islamistes et laïcs encourt le risque d’échouer. Un échec qui aura incontestablement des suites désastreuses sur la scène politique nationale.
En l’absence de consensus, non seulement entre le gouvernement et l’opposition, mais même au sein de la Troïka, le pays risque le pire. Le cumul de crises a produit une véritable atmosphère invivable et irrespirable : querelles, coups bas suspicions. L’explosion serait inévitable si la classe politique, y compris l’opposition, ne réussissait pas à parvenir à un vrai consensus permettant de sauver l’avenir politique du pays. Le mouvement Ennahdha qui “accapare” les clefs de la crise est devant un test historique. Il doit assumer sa responsabilité en négociant sérieusement avec ses partenaires non sur fond de calculs purement partisans et électoraux, mais plutôt sur la base de l’intérêt suprême du pays. Le conflit, largement démenti, qui secoue le mouvement islamiste pèsera, certes, lourdement sur l’avenir de la relation entre les trois partis au pouvoir. Cette “guerre froide” entre une aile radicale appelant à ne pas consentir de nouvelles concessions, menée par Rached Ghannouchi et une autre plus modérée représentée par le Chef du gouvernement Hamadi Jebali, considérant le consensus comme seule issue de la crise actuelle qui date de plusieurs mois. L’idée du remaniement ministériel a été annoncée d’ailleurs en marge du congrès du parti en juillet 2012 et ce, par Rached Ghannouchi lui-même. Plusieurs noms ont été sur la liste du départ, dont notamment Lotfi Zitoun qui vient de démissionner. Aujourd’hui, les faucons d’Ennahdha ne ratent pas l’occasion de défendre le “droit” de leur mouvement majoritaire de ne pas céder, les ministères de la Justice et des Affaires étrangères à qui que ce soit. Ces deux ministères, que les deux autres partis de la Troïka, à savoir le CPR et Ettakattol, exigent leur “Libération” du contrôle d’Ennahdha, sont en mesure de mettre un terme à la lune de miel entre les trois partis et de provoquer un autre échec politique avéré.
Cet échec engendrera sans aucun doute une crise sociale dont les conséquences demeureront incommensurables. La situation d’ambiguïté et de marasme économique par lesquels passe le pays nourriront davantage le sentiment de non-confiance et de doute chez le citoyen quant à l’avenir de son pays.
Ce remaniement, qui s’est transformé en un problème après avoir été considéré comme une solution pour faire sortir le pays de son dépérissement politique, ne verra peut-être pas le jour, semble-t-il, puisque aucun parti n’est prêt à faire la moindre concession, notamment Ennahdha qui se croit toujours en position de force. Même les ultimatums et les menaces de sortir de la Troïka ne semblent pas influer sur la décision du parti islamiste qui ne craint pas de diriger le pays en solo.
Par Mohamed Ali Ben Sghaïer