Le soutien inconditionnel de l’Occident à Israël, Etats-Unis en tête, auquel l’entité sioniste doit les dividendes qu’elle récolte aujourd’hui en termes de puissance de feu, d’impunité et de nouvelles acquisitions territoriales au Liban et en Syrie, en attendant d’annexer Gaza et la Cisjordanie, devrait être pour les Arabes une bonne leçon de géopolitique offensive et agressive, dont les piliers sont la solidarité, voire la complicité, totale en toute circonstance contre l’ennemi, et l’intelligence de planifier ensemble les conflits et d’en partager judicieusement les gains.
Et c’est parti. Pronostics, fatawas et surenchères sur l’avenir de l’Afrique du Nord et en particulier celui de la région du Maghreb, où l’Algérie serait dans le viseur des architectes du nouveau monde dominé par les sionistes, selon les « profilers » avertis, émergent à profusion sur les colonnes des médias et les réseaux sociaux depuis la chute du régime Al Assad.
La Tunisie, bien sûr, selon ces mêmes « visionnaires », ne serait pas à l’abri des soubresauts qui menaceraient le grand voisin en raison, prétendent-ils, de sa proximité stratégique (territoriale et politique) avec l’Algérie. Le Maroc, l’autre voisin, n’est, cependant, pas mentionné en dépit de sa proximité territoriale avec « la cible » (potentielle) et serait donc, ainsi, protégé grâce à ses relations hostiles avec celle-ci et à la fermeture de ses frontières Est. Rien non plus sur la Libye, son sort étant déjà scellé depuis 2011 et les convoitises étrangères bien assouvies. Sur les réseaux sociaux, des internautes marocains très actifs, paraissent, eux aussi, fort bien informés de ce qui attendrait l’Algérie, après la débâcle syrienne, en vertu d’une prétendue « entente internationale » qui serait en train de mijoter un scénario macabre. Ils lui prédisent, de ce fait, le même sort que celui de la Libye, instabilité politique et sécuritaire, voire même une atteinte à son intégrité territoriale avec une supposée indépendance de la Kabylie. Le scénario est ainsi relayé comme s’il était une fatalité et que personne dans la région, ou d’ailleurs, n’aurait à en redire, comme c’est le cas de l’alignement international, inattendu, avec les organisations classées terroristes qui ont pris la Syrie en un temps record et dont les membres sont soudainement devenus des personnes tout à fait fréquentables par les pays qui les ont toujours diabolisés et qui sont prêts aujourd’hui à les blanchir de leurs précédents crimes odieux. Un revirement de situation historique après que le monde entier s’est engagé dans une guerre totale contre le terrorisme jihadiste mais qui, tout d’un coup, semble-t-il, est devenu inoffensif pour ceux qui l’ont aidé pour faire chuter Bachar Al Assad et qui le pousse aujourd’hui à troquer le turban et la kalachnikov contre le costume-cravate.
La Palestine peut mourir à petit feu
Voilà où en sont les pays arabes, ce qu’ils se souhaitent entre voisins. L’ambiance n’est pas moins délétère du côté du Moyen-Orient, la guerre sioniste contre la petite enclave de Gaza a mis à nu toutes les forfaitures cachées pendant longtemps à l’égard de la cause palestinienne et la position d’hostilité et de non-soutien affichée par certains pays arabes aux forces de résistance palestinienne qui, elles, cependant, sont qualifiées de terroristes sans prise en compte de la moindre circonstance atténuante inhérente au statut de territoires occupés. Mais, là, il s’agit de la sécurité d’Israël et dans ce contexte précis, seul Israël a le droit de vie, de souveraineté et surtout de suprématie à l’échelle de tout le Moyen-Orient. La Palestine peut mourir à petit feu, les proches et les voisins n’en ont cure. Que dire du colonisateur et de ses alliés !
Le soutien inconditionnel de l’Occident à Israël, Etats-Unis en tête, auquel l’entité sioniste doit les dividendes qu’elle récolte aujourd’hui en termes de puissance de feu, d’impunité et de nouvelles acquisitions territoriales au Liban et en Syrie, en attendant d’annexer Gaza et la Cisjordanie, devrait être pour nous, Arabes, une bonne leçon de géopolitique offensive et agressive, dont les piliers sont la solidarité, voire la complicité, totale en toute circonstance contre l’ennemi, et l’intelligence de planifier ensemble les conflits et d’en partager judicieusement les gains, de tout ordre. L’exemple de la résistance de l’Ukraine face à la Russie est probant. Quant à Israël, ses soutiens vont jusqu’à lui inculquer la force, la latitude et le droit de refaçonner le monde par le biais du retraçage de la carte du richissime Moyen-Orient, ce qui impliquera un rééquilibrage des forces en présence et l’émergence de nouvelles alliances. La Russie serait, déjà, sur le point de quitter la Syrie, l’Iran de perdre son influence dans la région au grand bonheur des monarchies du Golfe, la Turquie cherchant à s’y frayer un chemin et Israël, et partant les Etats-Unis, d’y planter ses racines et d’y faire la pluie et le beau temps. Que restera-t-il de et à la Syrie, l’ancienne puissance régionale ?
Les regards se tournent vers le Maghreb
Au Proche et Moyen-Orient, les dés sont jetés, et les regards se tournent désormais vers le Maghreb, une région sous tensions depuis 2011. La Libye est toujours divisée en deux et sous l’emprise des influences et des présences étrangères. La situation d’instabilité est telle que la crainte d’un nouvel embrasement intérieur inquiète particulièrement les voisins. La Tunisie est certes en apparence plus calme et plus stable, mais certains ne s’empêchent pas d’y voir du feu sous les braises. Le coup de force du 25 juillet 2021 qui a stoppé net la décennie chaotique des islamistes a donné lieu à une reddition des comptes généralisée pour des faits de terrorisme et d’autres de corruption qui ont, respectivement, contribué à ternir l’image de la Tunisie et à saper l’économie nationale. Les arrestations qui ont suivi et le tour de vis porté à la liberté d’expression, en vue d’assainir les paysages politique, économique et médiatique, comme le souhaite l’Exécutif, ont eu l’effet de coup de massue sur la vie politique et civile et fait renaître d’anciennes phobies que les Tunisiens pensaient avoir enterrées. Les événements qui ont secoué dernièrement la Syrie ont donc fait renaître l’espoir chez certains « exilés » et d’autres nostalgiques du soulèvement de 2011 de voir le scénario syrien se répéter en Tunisie et de voir revenir les islamistes au pouvoir.
La chute de Damas entre les mains d’organisations terroristes notoires ne peut, en tout état de cause, laisser indifférents les dirigeants des pays maghrébins qui ont un lourd passif avec le terrorisme. Le directeur du renseignement militaire libyen, le général de brigade Mahmoud Hamza, a fait le déplacement à Tunis deux jours après la chute de Bachar Al Assad pour s’entretenir avec le ministre de la Défense, Khaled Sehili. Le communiqué officiel du département de la Défense évoque la coopération militaire entre les deux pays et les moyens de la renforcer, notamment à travers l’échange d’expertises en vue de développer les capacités opérationnelles. Un volet crucial dans le contexte actuel syrien. La prise du pouvoir en Syrie par Hayiat Tahrir Echam (HTS), l’ancienne Jabhat Annosra, pose le problème des terroristes tunisiens détenus en Syrie par l’ancien régime Al Assad et de leur éventuel retour au moment où des leaders d’Ennahdha sont en prison, accusés de terrorisme et de l’envoi de milliers de jeunes Tunisiens combattre en Syrie aux côtés de ceux qu’on appelle aujourd’hui les rebelles syriens.
Malgré une accalmie (apparente), surtout depuis la victoire de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle du 6 octobre dernier, remportée dès le premier tour, la Tunisie n’est pas sortie de l’ornière des crises politiques depuis la chute du régime de Ben Ali. Le bras de fer qui a opposé Kaïs Saïed à ses opposants tout au long de son premier mandat ne s’est pas desserré avec la mise sous les verrous de ses plus virulents adversaires accusés de complot contre la sûreté de l’Etat. Sur les réseaux sociaux, les pages hostiles sont toujours à l’œuvre et les menaces de déstabilisation bien réelles avec la diffusion de fausses informations sur la Tunisie et sur son premier dirigeant. Chez le voisin de l’Ouest, les nouvelles sont également plutôt inquiétantes. Outre l’exacerbation des tensions avec le voisin marocain au sujet du Sahara occidental, c’est au tour des relations algéro-françaises de se dégrader, surtout après la reconnaissance du président Macron de « la marocanité du Sahara ». L’Algérie a convoqué, en début de semaine, l’ambassadeur français en poste à Alger pour lui faire part de son mécontentement à l’égard de « comportements hostiles de la France », exigeant de Paris de les arrêter. Alger dénonce des « actions hostiles » que « les autorités algériennes ne peuvent plus tolérer ». Selon le journal algérien Al Khabar, parmi les actes hostiles dénoncés, une tentative d’introduction de grandes quantités d’armes et de munitions en Algérie par le port de Béjaïa en provenance du port de Marseille, au profit du groupe MAK, classé terroriste en Algérie.
C’est dire le climat délétère qui règne dans la région du Maghreb où aucun des pays voisins ne sera à l’abri des soubresauts en cas d’éclatement d’un conflit ou d’un soulèvement armé. La sécurité nationale d’un pays ne se limite pas à ses frontières intérieures mais se prolonge au-delà, ce qui fait des bonnes relations bilatérales voire multilatérales, un critère de stabilité de toute une région. Et le Maghreb en a grandement besoin, d’autant que l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche annonce des jours plutôt difficiles pour ceux qu’il ne considère pas comme « ses » amis.