Par Sami Mahbouli
Depuis cette grandiose révolution de la liberté et de la dignité, on ne peut quasiment plus organiser une réunion publique sans qu’elle ne vire à la pantalonnade. Même des thèmes aussi sérieux que la violence et le terrorisme ne peuvent être débattus dans le calme et la sérénité ; pourtant, les organisateurs du dernier congrès destiné à proposer des remèdes à ces deux fléaux n’ont pas démérité : une préparation rigoureuse, une forte mobilisation des forces politiques et de la société civile, un projet de charte consensuel. Pour des raisons qui demeurent obscures, les partis au pouvoir, Nahdha et CPR, se sont dérobés à l’invitation tout en ayant la bonté de déléguer un de leurs larbins, le prédicateur Adel Almi. Ce bouffon qui n’a jamais fait rire que ses semblables, s’est acquitté avec dévouement de sa tâche à savoir tenter de saboter les travaux du congrès contre la violence et le terrorisme par un simulacre d’agression. De tels procédés en disent long sur la volonté de ceux qui nous gouvernent d’endiguer la violence politique et ne fait que renforcer notre conviction que celle-ci est une de leurs armes pour pérenniser leur pouvoir.
L’affaire « Yosr développement » ne fait que commencer. Il faudra bien que l’on nous explique comment un escroc de bas-étage a-t-il pu abuser, depuis deux ans, de la crédulité de dizaine de milliers de nos concitoyens sans que personne ou presque ne bouge. Où étaient les autorités financières quand Adel Dridi jouait avec les milliards? Pourquoi le parquet n’a pas fait cesser à temps cette méga- escroquerie? Pourquoi les médias se sont tus face à ce scandale ? Les 90 000 clients grugés de « Yosr développement » exigent des réponses claires et complètes mais également les millions de Tunisiens qui ne comprennent pas, qu’après le départ de Ben Ali, des escroqueries de masse puissent être commises en toute impunité. Indiscutablement, les pouvoirs publics et la justice assument une responsabilité dans cette affaire ahurissante compte tenu de leur obligation de protéger leurs administrés contre la délinquance financière. L’échec du dispositif censé traquer les flux financiers suspects et l’incurie des autorités de surveillance financière pourraient justifier la mise en cause de la responsabilité de l’État et mettre à sa charge une obligation d’indemniser les victimes de cette carambouille à grande échelle. J’ai du mal à croire qu’une escroquerie de cette dimension n’ait pas bénéficié de la complaisance voire de la complicité de responsables ; quand on sait qu’un mécanisme d’alerte existe auprès de toutes les banques de la place pour le moindre virement suspect, on ne peut comprendre que des dizaines de millions de dinars aient pu transiter sur les comptes de « Yosr développement » sans susciter le moindre émoi. C’est bien beau de créer un ministère de lutte contre la corruption, d’installer des magistrats dans un pôle financier flambant neuf encore faut-il que cela serve à quelque chose et que des héritiers d’Al Capone ne puissent pas sévir en toute quiétude dans notre pays. Au lieu de s’étriper pour une virgule ou pour un synonyme, nos chers élus de l’ANC feraient mieux de se saisir au plus tôt de l’affaire « Yosr Développement » pour notamment sommer le gouvernement de s’expliquer sur sa flagrante carence. Depuis que l’on a promis au Tunisien l’avènement d’une ère de transparence et de probité, il ne fait qu’assister à l’aggravation de la corruption et à la floraison des trafics en tous genres. Plus de 10 millions de Tunisiens ont, de plus en plus, la désagréable sensation qu’il n’y a pas que les clients de « Yosr développement » qui se soient fait « bananés »…