Les statistiques relatives à l’enseignement des mathématiques en Tunisie sont tombées. Comme un couperet. Nos élèves délaissent de plus en plus cette filière. A peine 7% d’entre eux y adhèrent encore. Pour combien de temps ?
Ce n’est pas tout. Selon une enquête menée par les services de l’Education Nationale en coopération avec l’UNICEF, il apparaît que près de sept sur dix de nos chérubins scolarisés ne maîtrisent pas le calcul.
Ceci explique-t-il cela ?
Les mathématiques étant par définition une science de la logique, la réponse est raisonnablement oui. Au pays d’Al-Qalasadi (1412-1486) d’Abbès Bahri (1955-2016) et Nader Masmoudi tous les deux lauréats du prix international Fermat respectivement en 1984 et 2012, et d’Ahmed Friaa auteur d’une théorie sur les carrés magiques, quel gâchis !
Dans toute équation, il y a bien une ou plusieurs inconnues. D’après l’un des conseillers du ministre en charge de ces questions. Le « mal » réside dans le profil des maîtres de l’enseignement issus, pour la plupart, des filières littéraires, et que, par conséquent, il faudrait, selon ses dires, recruter des enseignants originaires des filières scientifiques. Incriminer les filières littéraires est-ce la bonne solution ?
« La statistique, nous débitait joyeusement notre maître Alfred Sauvy (1898-1990) c’est comme la mini-jupe. Elle donne des idées, mais elle cache l’essentiel »
Ne faudrait-il pas plutôt mettre en cause l’intégralité du système de formation universitaire.
À quoi pouvait-on s’attendre après la mise au ban des ENI (Ecoles Normales d’Instituteurs) et ENS (Ecoles Normales Supérieures) ?
Est-ce que les titulaires de licence ou de maîtrise de l’enseignement supérieur peuvent à bon escient assurer la fonction de transmettre du savoir.
L’enseignement, est-ce uniquement une profession ? N’exige-t-il pas plus que tout autre métier, un apprentissage pédagogique? Il requiert indubitablement une maîtrise des langues.
C’est là, à l’évidence, que le bât blesse. Un maître d’école est un communicateur par excellence.
J’avais écrit un jour à propos de mon premier sacerdoce, le journalisme : « les meilleures idées peuvent être altérées par un langage abscons. Le mot juste et le ton serein soutiennent toujours une pensée claire » . Nous n’en sommes pas loin, dans l’enceinte du formatage des têtes bien faites, car c’est précisément l’alpha et l’oméga de l’instruction publique.
Alors, nos chers pontes, retroussons les manches et reprenons le combat ébauché par nos valeureux apôtres de la trempe des Lamine Chebbi (1917-1974) et Mahmoud Messoudi (1911-2004) au 6I boulevard Bab Benat – un bâtiment édifié grâce aux fonds propres du collège Sadiki dont nous fêtons cette année le 150e anniversaire.
Alors vivement le retour des normaliens qui devront bénéficier d’avantages amplement mérités. Mais il y a un postulat. Dans quelle langue enseigner les mathématiques. Le balancier entre une langue maternelle et une langue d’appoint est-il juste ? N’est-il pas préférable d’opter pour une seule langue de préférence qui est celle la plus employée au monde. Nos amis d’outre-mer ne s’offusquent guère de l’emploi de plus en plus courant de l’anglais dans leurs temples francophones.
Alors, si le redémarrage des écoles normales a lieu en 2025, il y a bon espoir qu’à l’horizon 2040 – c’est-à-dire le temps de la formation des maîtres – la courbe actuelle des bacheliers en mathématiques repartira à la hausse pour reprendre la position qui doit bien lui seoir. Qui vivra, verra. Pour les autres, les disparus ou plutôt comme les appellent gentiment Victor Hugo (1802 – 1885) les invisibles, on récitera les vers d’Omar Khayem (1050-1133), l’un de nos illustres mathématiciens et poète à ses heures de béatitude :
La vie n’est qu’un instant qui passe
Chaque atome, dans le soleil, n’est que la poussière d’un roi !
Qu’est-ce que notre monde et qu’est-ce que la vie ?
Un songe, une illusion, un nuage !
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