Ancien haut fonctionnaire, familier des questions touristiques et hôtelier à Djerba, Mounir Sahli est bien placé pour publier un livre, dense et précis à la fois, traitant des différentes problématiques qui agitent le secteur touristique, mais aussi des solutions susceptibles d’être appliquées pour sortir le secteur de l’impasse dans laquelle il se trouve.
Il s’agit d’une analyse en profondeur des difficultés, des origines, des causes et des conséquences néfastes qui handicapent le secteur. Certes, c’est un bilan, mais Mounir Sahli fait aussi des propositions concrètes à court et moyen termes.
Un acteur théorique et pratique du secteur
Mounir Sahli baigne depuis trois décennies dans le secteur touristique. Directeur des interventions économiques au ministère des Finances, il a siégé durant les années 80 à la sous-commission des agréments des projets touristiques et a participé à l’élaboration du Code des investissements touristiques. Il est devenu ensuite promoteur hôtelier et a bénéficié, à ce titre, des avantages accordés à toute une génération de nouveaux promoteurs en construisant un hôtel à Djerba qui a ouvert ses portes en 1993 et qui existe toujours. Il faut dire que Afif Kchouk, hôtelier et directeur d’Infos-tourisme a préfacé le livre en y ajoutant son grain de sel.
De l’euphorie au désenchantement
Il y a deux décennies d’évolution exceptionnelle de l’hôtellerie, entre 1991 et 2000, avec un pic historique de 450 MD d’investissements en 1995. «La décennie 1991-2000 a été celle de toutes les performances, mais aussi de tous les dérapages.»
En effet, selon l’auteur, il y a eu de «grandes difficultés pour les chaînes hôtelières étrangères dues à une mauvaise gestion». Il faut dire que la crise de notre tourisme et l’enclenchement de la spirale de baisse des prix avaient commencé bien avant le 11 septembre 2001.
Toujours selon l’auteur, «c’est la gestion chaotique et irréfléchie de notre offre touristique qui a plongé le secteur dans la spirale de la chute avec ses corollaires». Entendre par là la dégradation de la qualité des prestations de service offerts à la clientèle et donc la désaffection de la clientèle vis-à-vis de la destination.
Difficultés des nouveaux promoteurs
M. Sahli décortique le mécanisme mis en place par l’État à l’intention des nouveaux promoteurs et pense que ce régime de financement a été un «cadeau empoisonné» qui a préparé le naufrage des promoteurs avant même l’entrée en exploitation de leurs unités.
Il s’agit essentiellement du tourisme saharien. Parlant des crises touristiques : suite au 11 septembre 2001 et à la guerre du Golfe en 2003, il a évoqué aussi l’attentat de la Ghriba à Djerba en 2002 : «éclatant exemple de la myopie de l’ancien régime»
L’auteur propose la reconversion des petits hôtels en 2e et 3e position vis-à-vis du rivage, en résidences touristiques pour résoudre l’épineux problème de l’endettement hôtelier, pomme de discorde actuelle entre l’administration du tourisme et la profession hôtelière.
Réconcilier les Tunisiens avec le tourisme
Le coeur de l’ouvrage est consacré à des solutions pour révolutionner le tourisme. C’est ainsi que l’auteur propose une politique de réconciliation et de promotion du tourisme intérieur, facteur d’anti-crise. Il préconise une offre d’hébergement personnalisée pour cette clientèle. La restructuration de l’hébergement touristique porte sur le tourisme résidentiel qui «manque cruellement à notre paysage touristique»
Marketing et qualité
L’auteur pense que le tourisme tunisien n’a jamais bénéficié de la communication et de l’information qu’il mérite. Le marketing touristique devrait, selon l’auteur, s’articuler autour des thématiques régionales, sources de richesse et de diversité des produits. Il remet en question la politique all inclusive qui est selon lui ravageuse pour la qualité du produit touristique. M. Sahli préconise le recours à la labellisation du produit touristique à travers des marques, des normes et des certifications à respecter par les professionnels du tourisme.
Diversification des produits touristiques
L’auteur du livre pose une question d’actualité : comment concilier le tourisme avec les croyances et les aspirations religieuses d’une partie de la population et du parti au pouvoir ?
Il pose le problème du tourisme culturel et de la contribution du tourisme au développement régional. Il pense que ce sont les forces vives des régions qui doivent prendre en main le destin et assumer la responsabilité du développement de leur potentiel régional et spécifique.
L’Open sky permettrait, toujours selon l’auteur, d’amener une nouvelle clientèle en Tunisie, surtout individuelle, qui permettra de desserrer l’emprise étouffante du tourisme de groupe.
Le tourisme tunisien est actuellement dans l’impasse et a besoin d’une véritable feuille de route à long terme pour baliser l’avenir. La stratégie à l’horizon 2016 ne peut en aucun cas résoudre les difficultés actuelles.
Ridha Lahmar