Par Mohamed Ali Ben Sghaïer
Les raids israéliens contre Damas viennent marquer un tournant dangereux dans la guerre en Syrie et une escalade dont on ignore les conséquences. Ces attaques auront certainement des impacts directs sur l’évolution des évènements dans la région. L’intervention de l’État hébreu dans un conflit qui a fait plus de 70 000 morts en deux ans, risquerait de changer la donne.
De nombreux analystes politiques considèrent d’ailleurs, que ces frappes aériennes dont les retombées seront multiples, ouvriraient la porte à toutes les options et auront plusieurs significations.
Du côté syrien, ces attaques prouvent que les rebelles sont en étroite liaison avec l’État hébreu et que cette opération vient leur rendre un grand service. L’Armée syrienne libre, pourrait être considérée, par les Syriens et l’opinion publique internationale et surtout arabe, comme un “allié stratégique” d’Israël qui vient au chevet des “terroristes”. Le régime de Bachar va certainement tirer profit de la situation pour culpabiliser l’opposition et jouer la victime, face à une “alliance diabolique” entre “les terroristes mercenaires”, les Occidentaux et l’État hébreu. Cela permettra à Bachar et à ses “mécènes”, Russie, Chine et Iran de renforcer la vision qu’ils se font de la guerre en Syrie et de soutenir davantage le régime dans sa guerre “équitable” et “légitime”, justifiant ainsi leurs positions prises au sein des instances internationales.
En revanche, du côté de l’opposition, ces raids contre des objectifs militaires ayant causé la mort de centaines de victimes dont un bon nombre de militaires, permettraient aux insurgés de “reprendre leur souffle” pour réviser leur stratégie de redéploiement et adapter leurs plans aux nouvelles circonstances.
Ces derniers jours, des rapports militaires ont montré que les rebelles sont en train de perdre de grands points stratégiques, après le retour en force de l’armée syrienne, appuyée par des milices du Hezbollah. Ces raids, dont la décision a été prise en concertation entre Israéliens, Américains et rebelles, d’après un expert militaire israélien, auraient constitué pour les rebelles une couverture aérienne pour arrêter les pertes en vies humaines et les aider à se repositionner.
Quant aux Israéliens qui ont toujours espéré la chute de Bachar, ils ont voulu, à travers ces attaques, faire d’une pierre deux coups. D’abord, lâcher un ballon d’essai pour provoquer le régime de Bachar à réagir dans l’objectif de jauger ses capacités militaires défensives et montrer qu’une guerre menée de l’extérieure contre la Syrie est probable voire envisageable, mais d’autre part, l’État hébreu veut barrer la route devant son ennemi juré, le Hezbollah pour l’empêcher de s’approvisionner en armes en provenance de la Syrie, notamment en armes chimiques.
Le transfert d’armes entre Hezbozllah et l’Iran via la Syrie a toujours été un souci majeur pour les Israéliens. Aujourd’hui, la situation leur est favorable pour contrôler ce trafic et limiter au maximum, les capacités militaires du parti chiite qui, en 2006, a réussi à briser le mythe de l’invincibilité de Tsahal.
Du côté des États-Unis, l’Administration étudie sérieusement l’option d’armer les insurgés en Syrie. Cette décision revendiquée déjà par de nombreux pays arabes, notamment les monarchies de pétrole, dont la réaction est honteuse, face aux raids israéliens en Syrie, risque de plonger toute la région dans une tension intenable.
Cette première série d’attaques israéliennes, “justifiées” d’après le président américain Barack Obama, pourrait être suivie par d’autres raids plus spectaculaires pour piéger le régime et l’engager dans une guerre perdue d’avance.
Après une longue guerre d’usure qui a épuisé les forces armées syriennes, ses ennemis veulent passer à l’acte II. Armer les insurgés et mener une série d’attaques ciblées et bien étudiées qui pourraient, selon les experts, frayer le chemin à une intervention militaire occidentale pour en finir avec le dossier syrien et annihiler le danger chiite dans la région. Les bruits de bottes, ont, semble-t-il, commencé à se faire entendre en Syrie.