Alors que notre pays n’a, aujourd’hui, aucune autre chance pour sortir de la profonde crise économique et sociale et venir à bout des menaces sécuritaires qui le hantent que par le retour au travail, l’engagement de réformes rapides et profondes et la réinvention d’une nouvelle forme de consensus, on se trouve confronté, chaque jour, à une réalité amère où l’indécision, la nonchalance et l’absence de visibilité ont tendance à plomber tout processus de changement.
L’incapacité du gouvernement à engager les réformes les plus urgentes et à donner un sens concret à la notion de prestige de l’Etat, devenue au fil du temps galvaudée, n’échappe plus à personne. Elle est actuellement à l’origine du malaise qui gagne chaque jour, un peu plus, la communauté des affaires et le corps social et de l’exacerbation des difficultés que connaît le pays.
Alors que tout le monde a tendance à discourir pour affirmer que la relance de l’investissement, local et étranger, est la voie de salut pour impulser le processus de développement et de la création de richesses, tous les engagements pris paraîssent partir en fumée.
Plus de huit mois après l’entrée en fonction du gouvernement Essid, le nouveau code d’investissement semble toujours au point zéro et la légèreté avec laquelle les premières copies ont été préparées suscitent plus de frictions et d’interrogations que de convergences. Dès lors, peut-on s’étonner outre mesure de l’attitude des opérateurs et des investisseurs qui attendent des réponses qui ne viennent toujours pas.
Il en est ainsi de la réforme fiscale qui a encore du plomb dans l’aile. Son entrée en application nécessitera certainement encore du temps et un long débat pour pouvoir trouver un bon consensus qui permet, une fois pour toutes, de mettre en place un système équitable, transparent et simple au niveau de l’application. Il nécessitera, au demeurant, un arbitrage difficile pour favoriser une cohérence entre cette réforme tant attendue et l’hypothétique nouveau code d’investissement dont la principale nouveauté a été l’introduction d’une taxation uniforme de 15%.
Pourtant, il est admis que ce processus ne pourra être entamé significativement que si les orientations du plan de développement 2016-2020 soient arrêtées, qu’un compromis soit trouvé entre les différents ordres professionnels et que des arbitrages soient effectués entre les différents secteurs !
Par ailleurs, que de confusions et de retard ont accompagné la rédaction de la note d’orientation du plan, comme si le ministère en charge découvre qu’il est en train de s’adonner à cet exercice pour la première fois et comme si cette note, qui n’est en réalité qu’un cadre général sur la base duquel devraient se poursuivre les autres phases de réalisation du plan, est le plan lui même. s’il a fallu attendre huit mois pour produire ce document et parvenir à un consensus entre les partis au pouvoir sur son contenu, l’on se demande combien de temps faudra-t-il attendre pour définir les choix des régions et des secteurs, trouver les bons arbitrages à même de satisfaire les ambitions des uns et les exigences des autres et convaincre les bailleurs de fonds internationaux à financer les grands projets qui seront retenus pour les cinq prochaines années ?
La dégradation de l’environnement de l’entreprise est devenue une source de préoccupation permanente. Avec une Administration tatillonne, source de blocage et d’inertie, non d’impulsion ou d’accompagnement, la pérennité des entreprises se pose avec une grande acuité. Le jugement sévère fait par la Directrice générale du FMI à l’occasion de sa récente visite en Tunisie n’a surpris personne. Tout le problème est que face à tous ces dysfonctionnements, pointés du doigt par tout le monde, on se trouve désarmés, incapables d’agir pour circonscrire ce phénomène dont les dégâts qu’il est en train d’occasionner ne font que s’aggraver.
Le risque le plus grave,c’est de voir ces manquements se banaliser et entrer dans l’ordre normal des choses. Il en est ainsi de l’efficacité des services assurés par l’administration de la Douane, de la qualité des prestations dans le plus grand port commercial du pays ou de la délivrance d’une autorisation et d’un simple document dans d’autres institutions qui deviennent pratiquement un obstacle majeur à la poursuite de toute activité normale.
Toutes ces questions, aussi vitales et urgentes qu’elles soient, occupent malheureusement un second degré de priorité. Ce qui retient l’attention et monopolise le débat public, c’est plutôt l’obstination qui anime certaines parties de manifester vaille que vaille et de défier l’Etat. En effet, tout le monde a fini par comprendre le bon stratagème, la voie qui permet à tout un chacun d’avoir gain de cause. La pression, toujours la pression, dans la mesure où l’Etat finit toujours par céder.
Au diable le prestige de l’Etat et la primauté du droit !
Réalités 1551-1552