Les principaux moteurs de la croissance du PIB, indicateur majeur de la prospérité et de la santé économique d’un pays, ne peuvent être que le volume de l’investissement et la pertinence des projets de développement, qui le supportent, ainsi que les performances et la valeur des exportations ou encore l’évolution de la consommation intérieure.
La conjoncture actuelle de notre pays est morose, car deux de ces moteurs sont en panne.
En effet, le climat des affaires est fait de perte de confiance chez les investisseurs et d’incertitudes vis-à-vis de l’avenir à cause des défaillances du gouvernement : pas encore d’adoption d’un modèle de développement consensuel, persistance du terrorisme malgré la progression des succès sécuritaires, piétinement des réformes économiques structurelles, incapacité de l’Administration de concrétiser les projets économiques régionaux déjà budgétisés depuis des années,…
Tandis que nos exportations, malgré les performances réalisées par les secteurs des IME et de l’huile d’olive, peinent à enregistrer des progressions, bien que le taux de change du dinar est en chute libre à cause de la crise économique dans les pays de l’UE.
Le troisième moteur, à savoir la consommation intérieure, ayant enregistré une montée en puissance depuis quatre ans, est un indicateur plus pernicieux que positif. Le Tunisien consomme plus aux dépens de l’épargne, de l’investissement et de l’effort exportateur. En outre, la croissance de la consommation engendre la spirale des revendications salariales, elle nourrit l’inflation des prix et cultive l’ambition spéculative des barons de la contrebande.
Le Budget de l’Etat croule sous la montée vertigineuse des augmentations salariales dans la fonction publique, celles-ci ont doublé depuis quatre ans, alors que la productivité du travail ne fait que baisser depuis 2011.
Cela provoque d’ailleurs la baisse de compétitivité des produits tunisiens à l’export.
Nous devons créer ou trouver d’autres moteurs de croissance, ou plutôt des leviers de croissance alternatifs pour survivre en attenant la convalescence ou le rétablissement des principaux moteurs de croissance, tels que la contribution des TRE au développement du pays, la conquête de nouveaux marchés à l’export : Afrique subsaharienne, Europe de l’Est,… l’instauration d’un tourisme culturel haut de gamme qui effacerait la saisonnalité du tourisme balnéaire, le développement du tourisme de santé et “exportation” de l’enseignement supérieur privé.
En ce qui concerne les principaux secteurs d’activité économique, qui doivent assumer le rôle de locomotive pour tirer vers le haut le reste de l’économie du pays, ils ne peuvent être que l’agriculture, le tourisme, les phosphates ou encore les industries manufacturières, telles que le textile-habillement, les IME ou bien le bâtiment-travaux publics.
Examinons un à un les différentes hypothèses et alternatives possibles pour voir dans quelle mesure notre économie peut-elle se ressaisir et relancer son processus de développement ? L’objectif majeur consiste à voir notre pays quitter au plus vite la position pernicieuse de récession technique et économique puis emprunter les chemins escarpés et semés d’embûches de la croissance du PIB.
Le tourisme est actuellement sinistré, cela ne signifie pas qu’il soit moribond : les acteurs du secteur soutenus par les autorités de tutelle doivent déployer tous les efforts pour assurer la sécurité des sites et créer une nouvelle image pour la destination sur les marchés émetteurs. Il y a lieu d’espérer une relance lente dans un an, plus rapide dans deux ans.
Entre-temps, il faudrait agir au niveau de la qualité du produit : mise à niveau, formation du personnel,…
Les industries manufacturières : mécaniques et électroniques, textile-habillement… sont relativement en bonne santé et connaissent une croissance. Ils recèlent des poches de développement et de progression de la productivité, moyennant des incitations qui ne viennent pas encore.
L’artisanat est en grande difficulté suite à la crise du tourisme et mérite des mesures de soutien : exonération de droits et taxes douanières à l’importation de matière première, facilités au niveau de la disponibilité, promotion de l’accès aux marchés extérieurs. Les artisanes méritent un soutien financier provisoire.
Il faut croire que le secteur phosphatier, après avoir touché le fond, est en voie de retrouver son dynamisme progressivement : production, transport et transformation des phosphates ont repris leurs activités, sans pour autant atteindre déjà leur niveau de croisière. Il faudrait attendre en 2016 les performances de 2010, en attendant 2017, l’entrée en production des nouveaux gisements de Meknassi.
N’oublions pas que derrière l’extraction il y a la valorisation par le Groupe chimique et l’exportation. Espérons que la stabilité règne désormais dans le bassin minier pour remplacer en 2016 la défaillance du tourisme en matière de recettes en devises.
L’agriculture y compris l’agroalimentaire est le secteur qui recèle le plus de potentialités de croissance, insuffisamment exploitées, mais aussi celui qui connaît le plus de problèmes et de dysfonctionnements qui entravent ses performances virtuelles.
C’est aussi celui qui peut procurer le plus d’emplois à faible coût d’investissement, moyennant des mesures incitatives bien étudiées.
Les performances enregistrées par l’huile d’olive et les dattes sont là pour le prouver.
Les goulots d’étranglement qui méritent une vigilance et des actions énergiques sont les suivants :
Trouver des solutions durables aux problèmes rencontrés dans la gestion des périmètres publics irrigués : non paiement de la STEG, vétusté des réseaux, coupures d’eau fréquentes.
Organiser les circuits de commercialisation des produits agricoles sur des bases rationnelles avec lutte efficace contre les spéculateurs-habbatas.
Favoriser l’exportation des produits agricoles conditionnés avec label et traçabilité.
Mettre en place des incitations appropriées pour l’expansion des cultures biologiques.
Faire en sorte que les maladies cryptogamiques qui déciment oliviers, palmiers, dattiers, poiriers et pommiers soient éradiquées : les retards et la défaillance des services de lutte sont inadmissibles, car ils relèvent de l’inertie bureaucratique gratuite et nuisible.
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