Pour ne pas léser une minorité de privilégiés qui s’enrichissent d’une façon scandaleuse, sans payer d’impôts, aux dépens de modestes salariés qui contribuent grâce à la retenue à la source à alimenter le Budget de l’Etat, le gouvernement continue à surendetter le pays auprès des bailleurs de fonds étrangers pour faire face aux dépenses courantes.
Le problème fiscal est complexe et intolérable car il comporte plusieurs défaillances.
Il y a d’abord une évasion fiscale énorme, (estimée à 50%, par certains experts), qui provient de la contrebande et du commerce parallèle : franchissement illégal de la frontière, non paiement de droits et taxes, non déclaration de revenus, pas de factures, ni de bancarisation et encore moins de déclaration CNSS. Tout se déroule au noir.
Il y a ensuite une injustice fiscale insupportable : ce sont les salariés, avec souvent des rémunérations modestes dans l’Administration ou le secteur privé, qui contribuent par les retenues à la source à alimenter à concurrence de 80% les ressources fiscales du Budget de l’Etat.
Enfin il y a la fraude fiscale, celle des entreprises privées ou des personnes physiques sous forme de fausses déclarations pour minimiser les montants à payer sans qu’il y ait des contrôles approfondis ou des vérifications réelles.
Alors que le contrôle des impôts pourrait et devrait se faire également par l’étude “du train de vie” des personnes physiques qui adoptent un luxe tapageur avec de grandes villas, des voitures rutilantes, beaucoup de missions à l’étranger et de réceptions coûteuses… alors qu’ils ne paient presque pas d’impôts.
D’où viennent alors toutes ces dépenses somptueuses si ce ne sont pas des revenus non déclarés ?
Les études, les consultations d’experts et les propositions faites par les responsables des impôts fin 2014 dans le cadre du conseil national de la fiscalité, ont abouti à des recommandations correctes, mais c’est le passage à l’action qui fait défaut.
Le gouvernement manquerait-il de courage politique pour prendre les mesures qui s’imposent ou fait-il preuve d’un excès de scrupules pour faire payer les riches ?
Il s’agirait, peut-être d’une clientèle électorale pour les partis au pouvoir, qui disposerait d’appuis solides auprès de certains députés de l’ARP. On ne sait jamais.
Il convient à mon sens de mettre en application les principales mesures suivantes.
D’abord la suppression progressive du régime forfaitaire actuel qui comporte des montants dérisoires payés par des professions libérales et des commerçants qui réalisent des recettes fabuleuses tous les jours.
Le passage au régime réel avec comptabilité et pièces justificatives contrôlables, s’impose.
Ensuite, il faudrait supprimer le système déclaratif et adopter un système qui fasse obligation à toutes les entreprises de présenter leurs bilans, approuvés par des experts comptables, au fisc qui décide du montant des impôts à payer selon la réglementation en vigueur.
Les contrôles fiscaux devraient être systématiques en cas de suspicion, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Il y a urgence de procéder à la réorganisation de l’administration fiscale qui comporte en fait plusieurs volets : recrutement massif et formation appropriée de plusieurs milliers de contrôleurs et inspecteurs du fisc dans toutes les recettes et directions régionales du fisc.
Renforcement du système informatique des recettes fiscales afin de créer des banques de données nécessaires pour gérer la fiscalité des entreprises et des personnes physiques sur la base de la ville et du gouvernorat du lieu de résidence ou de l’adresse du siège social.
Imposer aux entreprises la bancarisation de leurs opérations financières pour laisser une trace écrite des mouvements de fonds, des activités et transactions commerciales. En effet, il est évident qu’il y a une masse monétaire énorme en circulation dans le pays qui prive les banques de dépôts importants découlant en partie de la contrebande et de la spéculation foncière, ce qui engendre des difficultés de liquidités pour le système bancaire mais prive le fisc de preuves pour taxer les spéculateurs et les barons de la contrebande.
En effet, sur toutes les routes menant au centre de la capitale des camionnettes exposent impunément à la vente des coffres-forts introduits en contrebande dans le pays pour permettre aux fraudeurs de garder les espèces chez eux et d’échapper à la levée éventuelle du secret bancaire.
Le fisc devrait mettre au point des procédures permettant des recoupements entre systèmes informatiques appartenant à des institutions différentes pour traquer les fraudeurs : conservation foncière, services de délivrances des permis de bâtir, recettes des finances et services des “cartes grises” qui devraient être interconnectés.
Tout cela dépend de la volonté politique et du mode de gouvernance à adopter par le gouvernement. Il y a urgence en la demeure si nous ne voulons pas hypothéquer le présent et l’avenir de notre pays par un endettement extérieur impossible à soutenir.
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