La crise de Nidaa Tounes ne cesse de retenir l’attention, de raviver les passions et de nourrir l’opportunisme de certains partis politiques qui ont saisi cette aubaine pour se réapproprier la place qu’ils ont perdue dans l’espace public. Pour certains partis, comme le Congrès Pour la République (CPR), Al Joumhouri et le Front populaire notamment, l’exploitation quelque peu grotesque des querelles fratricides qui divisent Nidaa Tounes, frise parfois le ridicule, l’indécence.
Sinon, comment expliquer la portée des réactions disproportionnées de certains partis dont l’existence est purement symbolique à l’Assemblée des Représentants du Peuple, qui ont exploité à fond cette crise à multiples rebondissements qui secoue le parti grand vainqueur des dernières élections, pour se positionner en tant que juges et potentiels sauveurs d’une Tunisie à la dérive ? Même si en politique tous les coups bas sont permis et les règles éthiques ne sont pas la chose au monde la mieux partagée, il n’en demeure pas moins vrai que le jeu auquel certains petits partis politiques se plaisent à jouer, relève de l’incongruité. En effet, à court d’arguments solides et d’influence significative sur la scène politique nationale, ces petites formations, qui n’ont pas su tirer les bons enseignements de leur cuisante défaite électorale, préfèrent tenir un discours démagogique.
Tel est le cas respectivement de Issam Chebbi du parti Al Joumhouri et de Imed Daimi et Tarek Khahlaoui du CPR, dont les propos sournois et bellicistes, cachent mal un opportunisme primaire. Pour les dirigeants du CPR, leurs propos trahissent souvent leur vision manichéenne de la chose publique dans la mesure où ils ne cessaient de magnifier leur gestion au temps de la Troïka, que tout le monde reconnait qu’elle a été calamiteuse. En se présentant comme les sauveurs d’un pays à la dérive, Al Joumhouri et le CPR expriment un désir insatiable pour l’organisation d’élections anticipées, qui leur permettrait de se débarrasser d’un gouvernement, qui tire pourtant sa légitimité de la volonté populaire, et d’espérer reprendre du poil de la bête dans le jeu politique.
Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire semble aller très vite en besogne en soutenant à hue et à dia que « le Front populaire est prêt pour gouverner la Tunisie ».
Malgré ces excès, peut-on en vouloir à l’opposition ? Nullement. Comme l’a soutenu, non sans malice, un homme politique, il revient à ce parti qui était choisi pour présenter une alternative aux Tunisiens, de ne pas se transformer en leur plus grand problème ?
Autre fait, la réapparition du Général Rachid Ammar, ancien chef d’Etat-major de l’Armée nationale, parti à la retraite en juin 2013, a été un faux événement. Ses déclarations surprenantes, n’ont pas créé le buzz qu’il cherchait. Etrange de la part d’un Général qui bénéficie d’un grand respect et d’une grande notoriété, de vouloir révéler soudainement et avec une extrême légèreté, cinq ans après la Révolution, des détails d’une grande gravité sur les heures qui ont suivi le départ du Président déchu et les tractations engagées pour assurer la passation des pouvoirs. Des déclarations qui ont donné plus de tort que du bien à l’image positive dont jouit cette personne chez les Tunisiens, cachant mal les ambitions et les calculs politiques qui l’habitent. Outre le devoir de réserve, qui incombe à toute personne de ce rang, Rachid Ammar a failli à une autre obligation, non moins importante, celle d’éloigner l’armée nationale du jeu et des surenchères politiques.
Les confessions en direct lors d’une émission télévisée d’un Général de l’armée et son prétendu refus de permettre à l’armée de prendre le pouvoir, le soir du 14 janvier 2011, sous prétexte de barrer la route devant Ennahdha et l’empêcher d’accéder au pouvoir, relèvent de la pure spéculation, voire de la manipulation politicienne. Que cherche Rachid Ammar en se présentant comme un défenseur de la démocratie et de la liberté ? Ayant vécu durant trois ans sous les projecteurs, il semble qu’il vit mal son éclipse depuis 2013, lui qui a été lors de Kasbah 1 et 2 et des autres grands événements qu’a connus le pays aux premières loges.
Sa réapparition soudaine trahit-elle son ambition de jouer un rôle politique et de se positionner sur cet échiquier ?
Dans tous les cas de figure, le scénario qu’il a concocté pour marquer sa présence se révèle un navet et tout le crédit qu’il possédait chez l’opinion publique risque d’être épuisé. D’ailleurs, les démentis catégoriques apportés à ses propos par le premier ministre de l’époque Mohamed Ghannouchi et le ministre de l’Intérieur, Ahmed Friaa, rendent les confessions de l’ex-chef d’Etat-major de l’armée nationale, peu crédibles et difficilement vérifiables. En effet, toutes les zones d’ombre qui persistent sur pas mal de sujets lancinants se rapportant notamment aux snipers et aux péripéties qui ont conduit le Président déchu à quitter précipitamment le pays, méritent plus qu’une intervention furtive dans une chaîne de télévision. Là est toute la question !
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