Il est malheureux de constater la multiplicité des catastrophes qui frappent le monde agricole dans notre pays depuis plusieurs années et qui coûtent très cher à notre économie.
D’abord la répétition cyclique des gaspillages qui frappent de grandes quantités de lait, rejeté par les centrales laitières, détruit et perdu faute de capacité de traitement et de stockage suffisantes et d’autorisations d’exportation accordées par la tutelle au moment opportun. Ensuite, les difficultés de stockage des récoltes de céréales, chaque fois que la moisson de blé collectée par les pouvoirs publics dépasse les 5 millions de quintaux.
En effet la capacité des silos de l’Office des céréales et des opérateurs privés y compris celle des gares ferroviaires et des ports ne dépasse pas 4,5 millions de quintaux.
Cela signifie que nos infrastructures céréalières sont nivelées par les pouvoirs publics sur les récoltes les plus médiocres donc on refuse l’éventualité de bonnes récoltes pouvant atteindre 20 M de quintaux, ce qui exposerait la récolte à la déperdition faute de locaux de stockage.
Nous avons connu cet été une très bonne récolte de tomates qui a engendré cependant des refus et de longues heures sinon des journées d’attente sous un soleil de plomb pour les camions chargés de tomates devant les usines de production de concentré de tomates.
Cela a provoqué des pertes énormes en qualité et en quantité pour les producteurs de tomates et par suite pour l’économie nationale.
Il y a là un manque d’adéquation manifeste et de coordination entre la capacité de production des usines de conserves et celle des agriculteurs, en l’absence de contrats de production.
La récolte de dattes de cette année, étant excellente, est estimée à plus de 150.000 tonnes, ce qui a été réalisé grâce aux efforts des producteurs. Malheureusement, il y a une défaillance grave en matière de commercialisation à cause de plusieurs motifs.
Un stockage de 20.000 tonnes, des résiduels invendus de la précédente récolte. Les hésitations des exportateurs, tenus de respecter les normes de qualité de l’UE a s’engager dans des achats massifs, alors qu’il y a interpénétration dans la qualité des fruits présentés à la vente par les producteurs, la volonté des ghacharas (spéculateurs) de faire pression sur les prix avant d’acheter. Or les producteurs qui n’accèdent pas aux crédits bancaires sont tenus de procéder d’urgence à la récolte (coûteuse) pour éviter que les intempéries ne fassent pourrir les régimes de dattes non récoltés.
L’intervention de l’Etat fait cruellement défaut faute d’un Office des dattes qui devrait intervenir pour réguler le marché et soutenir les prix en achetant aux producteurs 5 à 10.000 tonnes de dattes, à revendre plus tard aux exportateurs ou à exporter directement. Personne ne comprend, n’arrive à justifier le gap qui sépare les 2,200 D le kg, prix de gros pour deglet Ennour sur les lieux de production de celui au détail dans les grandes villes qui varie de 5 à 11 D/kg pour les dattes dites Shamroukh ou Deglet Ennour.
Ce sont le manque d’infrastructures de base d’une part et les erreurs et les maladresses de la gouvernance politico-administrative du pays d’autre part qui sont à l’origine de ces catastrophes à répétition qui frappent l’agriculture.
Il est clair, qu’il n’y a pas de stratégie de développement à moyen et long termes de l’activité agricole dans le pays, ni de promotion du secteur agroalimentaire, ni de coordination entre ministères “limitrophes” : Agriculture, Industrie et Commerce et professionnels du secteur cela s’appelle une stratégie de filière.
Dans notre pays, il y a un savoir-faire lorsqu’il y a pénurie : on importe à coup de millions de dinars, en devises, pour inonder le marché et combattre l’inflation ce qui n’est pas sorcier mais l’Administration et le politique ne savent pas faire face à l’abondance faute d’anticipation, de prévention des catastrophes, de prise de décision rapides et efficaces en temps opportun.
Depuis plus de dix ans, notre pays vit au jour le jour, « on navigue à vue », on se contente d’essayer “d’éteindre les incendies une fois qu’ils sont allumés”, de trouver des solutions dans la précipitation une fois que les catastrophes sont déjà arrivées.
Il est largement temps de prévenir les foyers de tension avant qu’il n’y ait des catastrophes. Par exemple créer des incitations pour la création de silos à blé par des privés, créer un Office des dattes qui implanterait sur les lieux de production des entrepôts frigorifiques, autoriser l’exportation de lait et permettre le fonctionnement de l’usine de production de lait en poudre durant la période de haute lactation et favoriser la création de nouvelles usines de concentré de tomate et de centrales laitières,…
A quoi cela sert-il de créer des groupements dans plusieurs filières sectorielles qui regroupent promoteurs privés, agriculteurs, industriels et exportateurs en plus des administrations de tutelle si leur rôle est strictement consultatif, ils ne disposent pas de moyens matériels et humains pour mettre en application les mesures décidées et si ce sont les ministres qui décident finalement, de façon tardive et inefficace ?
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