Aux quatre coins du pays, les mausolées, étant des monuments funéraires somptueux, séduisent de nombreux fidèles qui viennent pour pratiquer des rituels parfois assez étranges. A Tunis, Sidi Belhassan, Sidi Mahrez ou encore Saida Manoubia sont les saints les plus connus. Mais à Hammamet c’est certainement le mausolée de Sidi Bouhdid qui est le « particulier ».
Bien que ces monuments soient protégés par les autorités et les organisations du patrimoine telles que l’UNESCO, quarante édifices religieux ont été détruits ou incendiés depuis mars 2012. A Nabeul, plus précisément à Menzel Bouzelfa, l’intendant du mausolée de Sidi Abdelkader a été assassiné dans des circonstances mystérieuses.
Dans ce même gouvernorat, une dizaine de saints sont enterrés aujourd’hui dans les différentes villes de Nabeul, leurs édifices religieux constituent la destination de milliers de personnes qui viennent de tout le pays. Parmi eux on note, Sidi Toumi (Beni Khaled), Sidi Bouargoub Cherrif (Bouargoub), Sidi Maaouia El Chéréf (Azmour) ou encore Sidi Ahmed El Fehri, (Dar Chaabene El Fehri). Certains mausolées de ce gouvernorat ont été transformés en sites touristiques, ce qui leur a donnés une autre vocation.
Nous sommes au noyau d’Hammamet, la ville située sur la côte sud-est du cap Bon à une soixantaine de kilomètres au sud de Tunis, loin des hôtels de la station balnéaire d’Hammamet Sud. Le temps nuageux d’une après-midi d’un vendredi d’un mois de décembre donne à cet endroit un charme particulier.
C’est un mausolée ? Je ne savais pas !
Venue à Hammamet pour fuir le stress de la capitale, une femme, élégante, ne savait pas que le salon de thé où elle se trouvait était, à l’origine, un mausolée, celui de Sidi Bouhdid.
« C’est un mausolée ? Bah je ne savais pas. Je viens ici occasionnellement pour me vider la tête et profiter de cette vue sur mer incomparable ».
Comme Sidi Mansour à Monastir, Sidi Bouhdid était le protecteur d’Hammamet et son intermédiaire avec la mer. Au coin du fort d’Hammamet, son mausolée adossé aux remparts faisant face à la mer, constitue un symbole religieux-touristique de la ville.
La grande coupole d’une blancheur éclatante, surmonte les murs de sa Zawiya, qui donne sur une plage, où les pêcheurs reposent leurs barques en bois multicolores.
Cette combinaison exotique entre l’aspect rituel et l’emplacement stratégique de ce mausolée a donné l’idée d’aménager cet édifice en un café touristique, lui donnant un nouvel élan.
« Le transformer en une destination touristique était une bonne idée. Aujourd’hui je ne peux pas séparer son aspect culturel-religieux de l’aspect touristique, d’ailleurs les visiteurs (ou les clients) locaux et touristes, ont toujours été attirés par cette particularité» affirme Mohamed Jaziri le gérant du café et l’intendant du mausolée-Sidi Bouhdid.
Créer de ce mausolée un café et un site touristique, selon la journaliste française Elodie Auffray, est une idée de George Sebastian, Aristocrate roumain, qui a débarqué à Hammamet à la fin des années 20 et dont la demeure est aujourd’hui le centre culturel de Hammamet qui abrite entre autres activités culturelles le festival international de Hammamet. Selon elle, il avait même fait un plan pour l’aménager.
Qui était Sidi Bouhdid?
Comme tout autre saint, l’histoire de Sidi Bouhdid est entourée de mythes et de mystères, mais selon la version de Mondher un grand père de 87 ans natif d’Hammamet , Sidi Bouhdid était originaire du Maroc. Avant de mourir il aurait demandé à ses proches de placer son corps dans une caisse et de le jeter en pleine mer. Toujours selon la version de Mondher, , la mer aurait jeté sa dépouille juste aux pieds des remparts à l’orée du golfe de Hammamet. Mais en fait, son tombeau, ne se trouve pas dans ce mausolée. Les habitants de Hammamet affirment que personne ne sait où il a été enterré.
« Les gens ne croient pas que le corps et le tombeau de Sidi Bouhdid ne sont pas la ! Je me trouve, à chaque fois, obligé de leur expliquer que l’emplacement de son tombeau est toujours inconnu » précise Jaziri qui nous fait découvrir un endroit où des personnes venues de partout, font allumer des bougies. Il s’agit d’un rituel très courant dans les mausolées tunisiens. Symbole d’illumination et de paix, allumer une bougie portera bonheur, selon les croyances de ces personnes.
Les pécheurs qui viennent pour faire des offrandes à l’âme du protecteur d’Hammamet, entretiennent une relation intime, émotionnelle et spirituelle avec Sidi Bouhdid. C’est ce qu’affirme Mohamed Fehri, un pécheur quadragénaire. « C’est étrange ce que je ressens en visitant cet édifice, je sais que son corps n’est pas là mais son âme ne part pas d’ici, il est notre protecteur. C’est peut être son histoire avec la mer qui nous rend si proche de lui. Nous ne craignons rien en sa présence» a-t-il fait savoir.
Le terrorisme et l’extrémisme, la double menace
Même avec la protection de Sidi Bouhdid, Le café-mausolée, qui assure un emploi à 8 personnes au moins, n’a pas échappé, comme les autres sites touristiques, à une crise qui frappé le secteur touristique du pays. La multi dimensionnalité de cet endroit rend les choses plus difficiles.
« Comme vous le savez, au lendemain de la révolution, les extrémistes se sont attaqués aux édifices religieux même à Tunis, et aujourd’hui le fléau du terrorisme nous vise tous. C’est une période délicate, mais concernant Sidi Bouhdid, nous nous sentons en sécurité ici » affirme Jaziri.