La semaine passée, deux spectacles ont suscité la polémique au Festival international de Carthage, «Tsunami» de Fadhel Jaibi et «El Hadhra» de Fadhel Jaziri. Le premier par son contenu, le second par les problèmes relatifs à son organisation, allant jusqu’à pousser le directeur du Festival à présenter sa démission.
Longtemps attendue, la nouvelle pièce de Fadhel Jaibi et de Jalila Baccar, a suscité l’intérêt de beaucoup de monde venu remplir les gradins du Théâtre romain de Carthage. Le suspens était d’autant plus grand que la première de Tsunami s’était tenue en France en mai dernier nourrissant l’attente du public tunisien.
Un tsunami fade
Ce soir, du 16 juillet et après une heure de retard, le spectacle commence enfin vers 23 h 30 avec une scène inaugurale de comédiens imitant les gestes des Tunisiens, sortis se révolter le 14 janvier. Ensuite, on voit entrer Jalila Baccar, qui interprète le rôle d’une vieille femme de gauche qui voit sa maison envahie d’abord par des barbus venus réclamer une fille islamiste révoltée, puis par cette dernière accompagnée de son copain qui demande refuge chez elle.
Tout de suite, on est face à une confrontation entre deux visions : salafiste et moderniste. Le discours est direct. Le ton est accusateur et au fil des scènes, ce schéma se confirme. Pas de réflexion approfondie sur la situation en Tunisie, pas de vision avant-gardiste du devenir de ce pays, mais une simple reproduction de thèmes d’actualité, sans analyse, comme l’assassinat de Chokri Belaïd, la découverte des caches d’armes, le départ de jeunes vers la guerre sainte en Syrie et le djihad du «nikah» (fornication). On avait l’impression d’assister au JT de 20 h. Et toujours ce langage qui retrace la réalité comme elle est, sans la fantasmer, ce qui est le propre de l’art. Le jeu théâtral laissait aussi à désirer. Pas de scènes fortes ni de prestation particulière pour les acteurs. Pas de créativité au niveau de la mise en scène qui est très semblable à celle de Khamsoun au niveau de la composition des scènes, des décors, des costumes et même au niveau du jeu de certains acteurs. Une sensation de déjà-vu !
À cela, il faut ajouter une longueur inexplicable de la pièce qui manquait terriblement de rythme. La fin décevait davantage, puisque le duo Jaibi et Baccar avait imaginé un scénario de guerre civile s’abattant sur la Tunisie. Rien de nouveau donc, par rapport à ce que disait le citoyen lambda qui n’arrête pas de redouter un tel scénario. On s’interroge sur le plus apporté par Tsunami.
Interrogée par une chaine de télé privée, Jalila a avait reconnu que cette pièce est «un manifeste et qu’elle clôture la trilogie, débutée avec Khamsoun et Amnesia». Elle a oublié que ce qui a fait le succès de ces deux premières œuvres était un contexte de dictature où la parole était confisquée. Le discours direct avait alors un sens. Mais aujourd’hui, n’importe qui peut exprimer ses opinions librement sur ce qui se passe dans le pays. Il fallait donc prendre acte de ce changement de contexte et y adapter sa manière de faire du théâtre.
El Hadhra pousse Sakli à démissionner
El Hadhra 2013 était aussi un spectacle fort attendu par le public, surtout pour ceux qui ont suivi son évolution depuis 1991. C’est ce qui explique la grande affluence au Théâtre romain de Carthage le soir du 18 juillet. Résultat : bousculade aux guichets, encombrements et climat de tension. Le pire est que la direction du festival s’est rendu compte des abus, puisque le nombre de billets vendus ne correspondait pas aux places occupées à l’intérieur du théâtre qui affichait complet. Selon une source bien informée, travaillant avec Sakli, «il s’est avéré que les agents de l’ordre qui n’ont pas bénéficié cette année du quota de places qui leur sont réservées d’habitude ont fait entrer des gens, certainement de leurs connaissances, sans billet ni badge, ce qui a créé le déséquilibre.» Cette situation a mis Sakli hors de lui. Il voyait tomber à l’eau tous ses efforts pour améliorer l’organisation du festival et mettre fin aux abus enregistrés durant les sessions précédentes. De plus, cet incident est intervenu le lendemain même du refus du directeur du festival d’autoriser l’accès à Adnène Mansar, chef du cabinet du président de la République, venu avec cinq autres personnes avec l’intention d’assister au spectacle sans invitation ni billet.
Devant de tels dépassements, Mourad Sakli a préféré démissionner. Il avait pris sa décision le soir même puisqu’il l’a annoncée sur son compte Facebook à 3 heures du matin. De son côté, le ministre la Culture, Mehdi Mabrouk a refusé d’accepter sa démission, le maintenant à son poste.
Depuis, les mesures de sécurité ont été renforcées au niveau du théâtre. Espérons que le programme du festival se terminera sans problème…
Hanène Zbiss