Les prévisions d’une reprise de la croissance mondiale, faites il y a seulement quelques mois, sont désormais revues à la baisse. Le FMI et d’autres institutions internationales viennent de revoir leurs estimations de la croissance globale, qui sera inférieure à 3% pour l’année 2013. Une situation que le FMI n’a pas hésité à qualifier de «souffrances en croissance», titre de sa dernière note de conjoncture publiée en juillet 2013. Désormais la sortie du tunnel semble s’éloigner et l’économie mondiale s’enfonce dans une situation à croissance fragile.
Quels sont les éléments d’explication de ce ralentissement de la croissance et de cette déception renouvelée d’une possible reprise de la croissance et d’une sortie de la crise ? Cette situation est le résultat de la convergence de la morosité de la situation économique des trois grandes régions qui constituent la locomotive de la croissance globale. Tout d’abord l’Europe, où la zone euro, ne cesse de s’enfoncer dans une récession sans fin avec son lot de chômage, d’exclusion et de désespoir qui sont à l’origine d’une crise profonde des partis politiques traditionnels et d’une forte remontée des forces extrêmes, ravivant les vieux démons du vieux continent. Une conjoncture qui s’explique par l’enfermement de l’Europe dans l’orthodoxie des politiques de stabilisation et son autisme par rapport aux appels de changement de cap et aux cris de désespoir d’une jeunesse marginalisée.
Les États-Unis, de leur côté, éprouvent les plus grandes difficultés à sortir d’une croissance atone, en dépit d’un pragmatisme marqué en matière de politique économique depuis l’éclatement de la grande crise à l’automne 2008. Mais les nuages commencent à s’assembler dans le ciel de l’économie américaine et l’horizon est en train de s’assombrir. En effet, les annonces du président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, de mettre fin aux politiques monétaires non traditionnelles ont mis le feu aux poudres et sont à l’origine de nouvelles inquiétudes sur l’avenir de l’économie mondiale.
Mais la grande nouveauté dans la situation économique globale concerne le ralentissement des pays émergents. Il faut souligner que ces pays ont fait preuve depuis le déclenchement de la crise d’une grande résilience et ont réussi à maintenir leur rythme de croissance et à devenir la vraie locomotive de l’économie mondiale. Cette résilience s’explique par les politiques hétérodoxes mises en place dans ces pays et le rôle de la relance budgétaire et les politiques monétaires expansionnistes qui ont permis de maintenir l’investissement et de porter par conséquent la croissance mondiale. Un tour de force assez significatif de l’évolution de l’économie globale où ce sont désormais les pays du sud qui deviennent les porteurs de l’espoir de la sortie de crise face à la panne de l’Occident.
Cependant, les pays émergents commencent eux aussi à sentir le poids de la crise globale. Seule la Chine continue à enregistrer une croissance forte, proche de 8% pour 2013, même si elle est en dessous des performances passées. Les autres pays émergents, comme le Brésil, la Russie, l’Inde ou l’Afrique du Sud ont marqué le pas et leur croissance est de plus en plus faible. Plusieurs facteurs sont au cœur de ce ralentissement de la croissance dont les difficultés de ces pays à mettre la demande interne au centre des dynamiques économiques. Par ailleurs, ces difficultés s’expliquent également par le ralentissement des autres pôles de la croissance globale, l’Europe et les États-Unis, qui tiraient la croissance des BRICs par leurs importations. Une situation qui montre la grande interdépendance de l’économie au moment de la globalisation. Ce ralentissement de la croissance et l’ampleur des besoins sociaux sont à l’origine d’une montée des mouvements sociaux dans les pays émergents, comme au Brésil, où la contestation de la jeunesse exclue a fait fi de la Coupe des Confédérations et de la grand-messe du football mondial pour exprimer sa colère et son refus de ses dépenses excessives au moment où le chômage se développe et l’exclusion augmente.
Ainsi, en dépit des promesses, l’économie globale est en panne. Les pôles traditionnels, les États-Unis et l’Europe le sont depuis longtemps. Ils sont aujourd’hui rejoints par les BRICs, la nouvelle locomotive de l’économie globale. Mais, paradoxalement, cette atonie globale ne semble pas inquiéter les responsables qui restent rattachés aux dogmes de l’orthodoxie économique et sourds aux cris de désespoir d’une jeunesse exclue, mais qui retrouve sa combattivité et une nouvelle radicalité dans la suite du Printemps arabe.
Le retour à la case turbulence et atonie de l’économie mondiale exige un changement des politiques économiques et une rupture avec des dogmes qui ont pourtant la vie dure. La reprise de la croissance doit rester une priorité des grands pôles de l’économie mondiale et le G20 doit faire de la sortie de la crise globale par le haut sa principale priorité, à la veille de son sommet au mois de septembre prochain à Moscou.
Par Hakim Ben Hammouda