Malaise, laxisme et absence de visibilité semblent encore prédominer chez nous en cette période de grandes incertitudes. Inquiétudes et sentiment diffus se dégagent à propos des conséquences néfastes que le pays aura à payer d’une guerre qui pourrait se déclencher, à tout moment et contre sa volonté, à ses portes sud et dont ses tambours deviennent de plus en plus stridents. Au fur et à mesure que « Daech » accroît sa pression sur de nouvelles villes en Libye, qu’un accord pour la formation d’un gouvernement d’union nationale tarde à voir le jour et que l’anarchie continue à perdurer, cette éventualité tant redoutée risque de devenir inéluctable. Les bruits de bottes commencent à se faire sentir partout, la tension monte crescendo en Tunisie où, en plus du renforcement des frontières, on craint un grand afflux de civils et on se prépare au pire, notamment dans les régions du sud du pays, disposant pourtant de peu de moyens et d’une logistique très peu adaptée, tant sur le plan sanitaire que sur le plan d’accueil des familles et des personnes.
Sur le plan officiel, un lourd silence règne, même si publiquement les dirigeants du pays déclarent leur préférence à un règlement pacifique d’une crise, qu’une nouvelle intervention étrangère pourrait entrainer la somalisation de ce pays. En même temps, Tunis connaît un ballet diplomatique annonciateur d’un déclenchement imminent d’une action militaire d’envergure. Les visites entreprises successivement par le président du parlement européen et de l’ex-secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, cachent timidement de grandes manœuvres en gestation.
La question lancinante qui se pose actuellement à trait à la capacité de la Tunisie ; qui croule sous les tensions politiques, sécuritaires, économiques et sociales, à faire face à un autre choc qui pourrait venir de sa frontière sud. Un choc qui viendra certainement brouiller encore toutes les cartes régionales et accroître les difficultés du pays qui peine à trouver ses repères.
Malaise, laxisme et manque de visibilité, également, au regard de la brouille qui sévit dans le pays, notamment dans les régions où certaines parties se plaisent à remuer le couteau dans la plaie pour entretenir la tension, la colère et l’instabilité en instrumentalisant des demandes sociales légitimes à des fins politiciennes.
Alors qu’un certain nombre de partis politiques ont saisi l’aubaine pour jeter la responsabilité, toute la responsabilité, d’un problème structurel qui n’a fait que s’aggraver depuis une décennie sur un gouvernement, qu’on somme de trouver des solutions immédiates, qu’on accuse d’incompétence et de faiblesse et dont on ne finit pas de stigmatiser les solutions qu’il a présentées. Des parties qui font tout pour que la tension et la colère ne s’apaisent pas, quitte à pousser des jeunes rongés par le désespoir, dans des pistes glissantes et périlleuses. Le résultat est visible un peu partout, il va du blocage de l’activité des entreprises, à la pression constante exercée sur les autorités régionales pour les induire dans l’erreur et in fine de l’anéantissement de tout espoir de relance de l’activité et de restauration de la confiance des opérateurs et des investisseurs.
Au lieu d’apporter des réponses claires, de dire la vérité aux Tunisiens et de ne pas laisser le débat public dominé étrangement par l’activisme débordant de ces partis, certes minoritaires, mais qui ont su accaparer l’attention des médias, le gouvernement se complait dans un silence lourd, dont il est en train de payer les frais.
En témoignent, la position très fragile dans laquelle il apparait et le peu de cas accordé à ses initiatives, tendant à trouver une voie de sortie à une crise sociale qui n’en finit pas de s’aggraver. L’apparition de discordances et de sources d’incohérence entre l’administration centrale et régionale est l’autre facette de cet imbroglio. Elles se sont manifestées de façon évidente à travers le limogeage inattendu et inexpliqué du gouverneur de Gafsa qui aurait promis, sous la pression des mouvements de protestation, de servir aux diplômés sans emploi une indemnité de chômage de 400 dinars. Le cas de Gafsa ne semble pas isolé, puisque le dysfonctionnement constaté au niveau des prérogatives des gouverneurs commence à se propager. Dans une autre région, un gouverneur a averti, récemment, des chefs d’entreprises, de l’obligation qui leur incombe de satisfaire notamment un quota d’emplois, déclinant toute responsabilité au cas où ils n’obtempèrent pas.
Une usine de ciment à Tunis n’a repris ses activités que grâce à la mobilisation de ses ouvriers qui, pour sauver leur emploi, ont chassé un groupe de jeunes qui ont bloqué des jours durant toute activité dans cette unité. Une logique de l’absurde est en train de prévaloir, puisqu’au nom de réclamations justes, on est en train d’observer sans coup férir, la destruction de ce qui peut constituer comme toute source de création de richesse et, partant, d’emploi.
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