Avec le choix d’un nouveau chef de gouvernement, le président Caïd Essebsi joue plus que sa crédibilité ou que sa carrière de chef d’État, il joue l’avenir du pays.
Osera-t-il nommer un homme de caractère, un fonceur prêt à choisir les responsables qu’il faut. Un homme qui n’a pas peur de la racaille qui corrompt chaque jour davantage le pays, un homme qui sait ce que ce signifie une véritable lutte contre le terrorisme, un homme qui saura mettre en place les outils d’un rapide relèvement du pays, qui saura écouter, analyser, décider et briser le carcan administratif qui bloque tout développement, un homme qui saura faire redémarrer l’État et assister les promoteurs des grands projets abandonnés dans les tiroirs, un chef d’orchestre qui redonnera confiance aux Tunisiens, bref, un homme à poigne et à principes, reconnu comme tel par les sondages d’opinions qui lui assurent déjà une importante légitimité, un homme qui n’a pas peur de réformer, de donner un vrai coup de pied dans la fourmilière, un homme proche du peuple, un tribun, capable de mobiliser les responsables et les institutions, capable enfin d’enthousiasmer la société civile autour d’un projet d’assainissement véritable du paysage et de la donne politique.
Béji Caïd Essebsi a, bien sûr, une alternative à ce choix. L’alternative du « béni-oui-oui ». Il peut céder à la tentation de la facilité et nommer un autre type de chef de gouvernement: quelqu’un de lisse, aux ordres, sans sens de l’initiative, quelqu’un qui ménage tout le monde, un unanimiste qui n’osera toucher ni aux corrompus ni aux logiques de pouvoir existantes qui brisent toute possibilité dévolution positive du pays, quelqu’un qui, toute sa vie, n’a jamais pris position pour rien, de crainte de fâcher le chef, quelqu’un qui laissera les immondes profiteurs poursuivre le dépeçage du pays.
Essebsi, avec son expérience, sait que les hommes capables de faire bouger les choses sont précisément ceux qui ont le courage de dire « non », ceux qui savent prendre des risques, qui n’ont peur de personne. Essebsi, lui-même, en 2012, a su rassembler, il a su affronter les intégristes, les menaces de mort, il a su parcourir le pays, subir des attaques, même physiques, destinées à briser ses meetings, il a su tenir le coup jusqu’au triomphe final.
Le problème, c’est qu’après avoir milité et résisté, il a choisi un béni oui-oui pour mener le pays. Le résultat, nous le connaissons tous: la mélasse, la fange, la misère mentale et matérielle dans lesquels patauge désormais le pays.
Bref, Béji Caïd Essebsi a le choix entre une personnalité et un énième pantin.
Avec le pantin, le destin du pays est tout tracé. Avec une personnalité, il est encore traçable.