La question de l’emploi reste l’un des plus grands défis auquel fait face notre pays depuis des années. En effet, la crise de l’emploi et particulièrement le chômage des jeunes diplômés ont contribué dans la perte de légitimité de l’ancien régime et dans la montée de la contestation sociale et de la cyber-dissidence qui ont conduit à la Révolution tunisienne et plus tard au printemps arabe. Mais, la situation de l’emploi s’est détériorée après la Révolution et le chômage s’est nettement accru après la Révolution avec un taux qui est passé de 13% en 2010 à 15,2% en 2015.
Tous les gouvernements post-révolution en Tunisie se sont attelés à la question du chômage et en ont fait leur principale préoccupation et le cœur de leurs engagements politiques. Mais, les gouvernements successifs n’ont pas réussi à insuffler une dynamique nouvelle à l’emploi et le chômage est resté à des niveaux très élevés, mettant en cause la stabilité politique et mettant la transition démocratique dans des zones troubles. Les révoltes de Kasserine en début de l’année 2016 en Tunisie et des révoltes dans d’autres régions et des actes désespérés de jeunes ont montré la gravité de la situation sur le front de l’emploi dans notre pays.
Beaucoup de rapports ont été publiés sur cette question épineuse et plusieurs recherches et d’études nous rappellent la gravité de la situation. Le rapport annuel sur l’emploi de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) est probablement l’un des plus importants publiés sur le front de l’emploi dans notre pays. Ce rapport 2016, présenté lors d’une conférence de presse, n’a pas échappé à la règle, mettant l’accent sur plusieurs résultats assez importants.
Le premier de ces résultats concerne bien évidemment les niveaux élevés du chômage et confirme ce que nous savons déjà à savoir l’état alarmant sur le front de l’emploi et les échecs des différentes politiques de l’emploi à réduire l’ampleur du chômage. Ainsi, notre pays compte 605 000 chômeurs ce qui représente un taux de chômage de 15,2%. Ce rapport a aussi indiqué le caractère inégalitaire de ce phénomène qui touche de manière différenciée les différentes régions avec les régions de l’intérieur à la traine et présentant des taux nettement plus élevés que les régions côtières. Mais, le rapport montre un autre élément important qui est l’élargissement des délais nécessaires pour trouver un emploi, dont la moyenne nationale s’établit aujourd’hui à près de 30 mois, soit deux ans et demi de chômage.
Mais, pour moi, le chiffre le plus intéressant avancé par ce rapport concerne le nombre d’emplois disponibles aujourd’hui, estimé à 145 000 que les entreprises peuvent offrir immédiatement. Imaginons l’impact sur l’emploi si les entreprises trouvaient preneurs à leurs postes de travail disponibles. L’engagement de ce nombre important donnera une bouffée d’air majeure à notre pays et donnera à nos jeunes de nouvelles raisons d’espérer. Le rapport identifie les raisons qui empêchent les entreprises de remplir ces postes vacants qui se situent au niveau du supplément de formations nécessaires. Un manque identifié par le rapport qui illustre les difficultés de l’administration et des institutions en charge de la lutte contre le chômage à apporter les réponses nécessaires, afin d’assurer une plus grande adéquation entre l’offre et la demande en matière de travail.
Un autre chiffre qui montre les difficultés des institutions en charge de la lutte contre le chômage concerne la répartition des chômeurs enregistrés dans les bureaux d’emploi. Ce rapport montre que moins de 30% des inscrits sont des diplômés, alors que les deux autres tiers sont des ouvriers qualifiés et non qualifiés. Un autre élément important qui concerne les bureaux d’emploi, est que moins de 15% des nouveaux diplômés s’y inscrivent pour leur recherche d’emploi. L’ensemble de ces éléments et bien d’autres fournis par ce rapport, montrent que ces bureaux et l’ensemble des institutions sont tournés vers les besoins d’un modèle de développement hérité des années 1970 et dont la demande tourne autour de la main d’œuvre non qualifiée. Ces institutions doivent évoluer et prendre en charge les besoins d’une nouvelle catégorie d’arrivants sur le marché de travail, c’est-à-dire l’ensemble des diplômés.
Ce rapport a également montré que la création d’emploi se fait essentiellement par les secteurs à haute intensité de main d’œuvre et se dirige majoritairement vers une main d’œuvre non qualifiée et à faible coût. Cette situation explique l’incapacité de notre système économique à répondre à l’offre de plus en plus croissante d’une main d’œuvre diplômée et en provenance des universités.
Comme tous les ans, le rapport sur l’emploi de l’IACE permet de découvrir de nouvelles facettes du défi de l’emploi. Le rapport de cette année souligne l’importance d’accroître l’efficacité des institutions en charge de la lutte contre le chômage et d’engager les réformes nécessaires afin de mettre en place le nouveau modèle de développement. L’ensemble de ces actions devraient ouvrir de nouvelles perspectives à l’emploi et restaurer la confiance dans le processus de transition démocratique.