Par Hatem Karoui*
La loi n 53/2016 du 11/07/2016 sur les expropriations d’utilité publique, qui vient d’être votée en catimini à l’ARP, correspond à la plus grande des bêtises à ne pas commettre. Une telle loi qui transforme radicalement la gestion du patrimoine immobilier aurait dû être, en effet, davantage médiatisée et débattue a l’Assemblée qu’elle ne l’a été. Elle traduit, par conséquent, une incompétence inouïe de nos députés qui n’en ont pas évalué l’implication et les retombées.
En effet jamais dans le passé une loi relative à un thème aussi sensible n’a été votée avec autant de légèreté.
Dans le passé, le respect sacro-saint de la propriété était le principe et l’expropriation était l’exception. Plutôt que d’exproprier, l’Etat demandait par exemple à des organismes publics comme l’AFH ou l’AFT de négocier de gré à gré avec les propriétaires la cession de leurs biens. L’expropriation était du temps de Bourguiba et de Ben Ali la dernière option au niveau du transfert forcé de la propriété. Dans des cas extrêmes comme la construction d’une route ou d’un bâtiment éducatif, on y procédait avec, de surcroît, une indemnisation conséquente pour les ayants-droit, avec aussi la possibilité pour eux de contester le montant attribué et de le revoir. Avec la nouvelle Constitution, la propriété a été consolidée du moins théoriquement, en l’absence de la création d’une Cour constitutionnelle. Et on se demande si le retard dans la création de cette Cour n’a pas été sciemment programmé pour permettre à l’Etat, via certains partis non démocratiques, de commettre des abus de droit. Ceci est d’autant regrettable que les nouvelles orientations de notre politique économique se dirigent vers la libéralisation et vers les privatisations. Paradoxalement, on se dirige vers la perte des propriétaires des garanties au niveau de l’indemnisation qui risque d’être ridiculement basse et versée dans un délai dépendant de la volonté du Prince. A quoi cela nous conduit-il? A un affaiblissement effectif du droit de propriété et à des dérapages conduisant à l enrichissement illicite d’une nouvelle mafia qui agit de manière opaque au sein des centres de décision administratifs et politiques. En même temps, elle conduit de manière induite et probable à éperdre et à brader notre patrimoine immobilier au bénéfice de spéculateurs étrangers notamment des pays du Golfe. Pauvres de nous! La société civile doit donc se mobiliser sans plus tarder contre le risque de tels abus tendant à démembrer la propriété et servir les intérêts bassement matériels des nouveaux vautours!
H.K
*Conseiller en exportation
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