Qu’est-ce qui fait que le dossier Orange revient à la surface au moment de la visite de Youssef Chahed à Paris ? En vérité tout le monde, particulièrement la délégation qui l’accompagnait, pensait que le chef du gouvernement tunisien allait rencontrer Stéphane Richard, le PDG d’Orange pour discuter de l’épineux dossier d’Orange Tunisie et des actifs de Marouan Mabrouk confisqués par l’Etat tunisien au lendemain de la révolution en 2011. Fait surprenant, la rencontre n’a pas eu lieu et aucune explication n’a été fournie. Toutefois, Fadhel Abdelkefi atteste que tout le monde en a parlé et le chef du gouvernement a dit qu’il en avait discuté lors de son tête à tête avec Manuel Valls. Sans plus.
Dossier complexe
Il est vrai que le dossier est très complexe et sa situation empêche l’entreprise de développer un quelconque plan ou action. En effet, Orange France n’arrive pas, en raison de cette situation, à élaborer un quelconque programme pour sa filiale tunisienne.
La raison de ce statuquo serait, selon Chahed, la complexité du dossier des confiscations dans sa globalité. Et malgré les conseils ministériels consacrés à ce sujet, les solutions tardent à venir.
Entretemps, la patience des responsables de la maison mère s’amenuise et Stéphane Richard, pour ne citer que lui, l’a fait savoir début septembre, menaçant même de quitter la Tunisie.
Détenant 49% du capital d’Orange Tunisie, l’opérateur français veut accroître son contrôle sur sa filiale. Sauf que cette dernière se trouve au cœur d’un imbroglio juridique depuis 2011.
Un décret qui pose problème
Il faut rappeler que toutes les décisions de justice prononcées dans cette affaire sont en faveur de Marouan Mabrouk.
Alors qu’attend-on pour aplanir cette affaire ? Youssef Chahed fera savoir que les décisions de justice ne concernent que des recours relatifs à El Karama Holding et ce qui pose problème c’est le décret de confiscation lui-même qui date de 2011 et décidé à la hâte. Il faut dire que la constitutionnalité de ce décret a été décriée à plusieurs reprises et pas uniquement pour ce cas précis.
Alors que l’enjeu est immense, le blocage persiste depuis cinq ans et la décision judiciaire débloquant cette situation n’arrive toujours pas. Malgré cela, la partie française reste, toutefois décidée à respecter la légalité et les décisions de la justice tunisienne.
Il faut se mettre à l’esprit que, côté français, ils sont décidés qu’en l’absence de signaux clairs et sans aucune équivoque du côté des autorités tunisiennes, ils sont prêts à plier bagage. C’est à dire à quitter un marché, où ils comptent 3,6 millions d’abonnés. L’impact social d’une telle décision sur le plan local serait catastrophique vu le nombre de postes d’emplois qui seraient perdus.
A-t-on pris la mesure des répercussions d’un départ obligé de l’opérateur ? Le ministre des technologies de la communication et de l’économie numérique, qui connaît fort heureusement ce dossier, affirme que non et qu’Orange ne quittera pas la Tunisie. Sur quoi se base-t-il pour avancer une telle affirmation ? Là encore pas d’argumentaire.
Cherchez l’erreur!
Le ministre sait que toutes les tentatives d’Al Karama d’expulser Marouan Mabrouk de la présidence du Conseil d’Administration d’Investec, ont été vouées à l’échec. La justice, saisie en référé, a en effet, à chaque fois, tranché en faveur du fils Mabrouk pour le rétablir dans ses droits. Plus encore. Il semble que toutes les enquêtes menées pour vérifier la régularité de l’attribution de la troisième licence de téléphonie mobile, adjugée en juillet 2009 au consortium Investec/Orange pour 257,3 millions de dinars (environ 135,5 millions d’euros), n’ont abouti à aucune irrégularité.
Youssef Chahed qui est allé en France plaider en faveur du retour des investisseurs français en Tunisie, devrait faire en sorte que ce dossier soit clos, définitivement.
Des solutions doivent être trouvées, et rapidement, pour le dossier des confiscations, en général et celui d’Orange en particulier. La raison est toute simple. Le signal donné par Youssef Chahed à ses interlocuteurs, lors de sa visite à Paris, était celui de la franchise et de la clarté. Et c’est justement de cette clarté que les partenaires de la Tunisie ont besoin.
Pour l’heure, il semble que la participation de l’opérateur français, fin novembre à la conférence sur l’investissement n’est pas garantie. Un mauvais signal pour ceux qu’on est allé inviter pour « Tunisia 2020 ».
Il est temps de démentir ceux qui avancent que le gouvernement ne peut rien changer à cette situation sous la pression de certaines parties politiques influentes.
Il faut faire en sorte que le pouvoir de décision du gouvernement ne soit confisqué par le dossier de la confiscation.
F.B