L’accident dramatique de Djebel Jelloud a causé la mort de 5 personnes, dont un bébé qui venait de fêter sa première année d’existence, et blessant 54 autres.
Une enquête est ouverte pour délimiter les responsabilités. Avant même les premières conclusions, et contrairement à toutes les règles, on fait sauter un fusible : Sabiha Derbal, PDG de la SNCFT, limogée le jour même de l’accident. Ça n’est pas sans rappeler des pratiques d’un temps que l’on croyait révolu. Elle ne sera pas la seule, d’autres directeurs de la compagnie sauteront également. Les sanctions s’arrêtent, pour le moment à ce niveau, sauf que dans cette logique, on peut remonter plus haut dans les responsabilités. Le secrétaire d’Etat et le ministre du transport ont, également, une grande part de responsabilité et, par conséquent, le gouvernement auquel ils appartiennent, donc le chef du gouvernement et ç peut remonter plus loin encore. Et pourquoi donc tout ce beau monde est-il responsable? Rien que tous, sans exception sont au fait de cette situation et n’ont pas bougé le petit doigt. Au fait, et comme il est malheureusement de coutume, on fait sauter le maillon faible, dans ce cas c’est la PDG et ses adjoints. Il demeure que la décision de limogeage est hâtive et très peu réfléchie, et n’est en fait que de la poudre aux yeux. Le mal est ailleurs.
Un bouc émissaire
Il faut savoir que, dans la Fonction publique, avant d’être limogé, un PDG, un directeur ou n’importe quel haut responsable est appelé à rendre compte des erreurs commises, de subir les aléas d’une enquête pointue et établir un rapport précis sur les faits qui lui sont reproché avant toute décision à son encontre. Ce qui n’a visiblement pas été le cas pour Sabiha Derbel qui aurait pu être démise de ses fonctions pour d’autres raisons mais surtout à cause de cet accident.
Il faut préciser, ici, que la SNCFT, n’a pas caché que pas moins de 100 accidents de chemin de fer ont lieu chaque année, que plus d’un millier de croisements non protégés existent en raison de constructions anarchiques, que plus d’un millier de barrières sont endommagées et que l’effort à fournir est colossal. Pour une entreprise publique souffrant d’un déficit abyssal, c’est gigantesque. Et les pouvoirs publics n’ont pas trouvé mieux que de limoger la PDG.
Il n’est nullement question de défendre une personne mais de dénoncer des pratiques qui n’ont aucune raison d’être.
Doit-on continuer à changer les responsables sous la pression d’un mouvement de colère ou d’une revendication syndicale? Plusieurs PDG et même des ministres doivent commencer à faire leurs valises. Leurs têtes sont mises à prix. Le prestige de l’Etat ne finit pas de subir les contrecoups des décisions hâtives.
Un cruel manque de volontarisme des autorités
Dans ce contexte douloureux, il faut rappeler que les accidents de la route en Tunisie sont devenus une triste réalité. D’après Mourad Jouini, commissaire de police rattaché à l’Observatoire national de la sécurité routière, le pays a comptabilisé quelques 7155 accidents de la route en 2016 (jusqu’au 26 décembre), causant la mort de 1422 personnes et blessant 10892. Des chiffres qui font froid dans le dos.
En d’autres termes, les drames, celui de Djebel Jelloud compris, sont la responsabilité de tous : de celui qui aurait vandalisé les équipements des passages à niveau, de celui qui a grillé un feu rouge, de celui qui conduit en excès de vitesse, de celui qui manque de concentration sur la route, … Bref, il ne s’agit pas seulement de la responsabilité d’une personne, mais du ministère du Transport dans son ensemble, et de tous les départements directement ou indirectement concernés par cette question, qui n’ont pas su prendre les dispositions nécessaires pour protéger les équipements repartis sur le territoire national et, surtout, pour protéger les citoyens.
Des mesures qui auraient dû être prises bien avant
Le ministère du transport s’est empressé d’annoncer une série de mesures, dans l’urgence, dont, à titre d’exemple, un diagnostic général de tous les équipements installés dans les croisements route-voie ferrée. Des agents de sécurité seront affectés à la surveillance de ces croisements. C’est une bonne chose, mais qui arrive un peu tard et le prix de ce retard était élevé : la mort d’un nombre de nos concitoyens.
Pourvu que cela se fasse en attendant mieux.