Une étude est à faire à mon avis: celle de l’extension spatiale et chronologique des religions révélées. Il est connu par exemple que le christianisme ne s’est généralisé que dans la période récente. Il n’est pas venu au bout du paganisme, malgré de nombreux siècles d’existence et ce n’est qu’avec l’appui du christianisme d’Orient qui a la commencé à le faire. En effet, la propagation de christianisme en Orient a été plus rapide pour des raisons d’origine spirituelle mais le Christ a dit à l’apôtre Pierre que la Cathédrale qu’il fera bâtir à Rome serait le centre de rayonnement du christianisme, ce qui explique la prééminence de la ville de Rome pour désigner le centre de la spiritualité chrétienne. Le judaïsme, lui, existait déjà depuis 2000 ans et bataillait avec le paganisme et le culte des idoles.
L’Islam par contre a eu un succès vertigineux et mis fin au paganisme. A quoi est due cette mutation rapide? Mais aussi pourquoi l’Islam rétrograde-t-il? Pourquoi ses valeurs se désagrègent-t-elles?
Cette étude est à rapporter avec l’histoire de la Carthage punique….
La seconde mort de Carthage
Je viens de le dire récemment dans une rencontre tenue le 20 janvier a Dar Sébastien a Hammamet, la Carthage punique est morte deux fois. La première physiquement lors de la troisième guerre avec Rome en -146 av. JC et la seconde parce que sa culture a été complètement éradiquée par Rome. Que reste-t-il de la Carthage punique? A part peut-être les nécropoles et le Tophet (à signaler la fausse affirmation des sacrifices dans les temples comme l’a avancé Gustave Flaubert dans son ouvrage Salammbô. Il s’agit en fait de bébés déjà morts). Par ailleurs, le célèbre historien romain Tertullien (originaire d’Afrique) a dit que la pratique des sacrifices des bébés morts était, du temps de l’empire romain (2e siècle ap. JC), encore de mise (comme réminiscence du culte païen punique?)
De plus, toutes les atteintes et les déviations par rapport au christianisme pur et dur ont été combattues par Rome. Les séquelles des paganismes, mais aussi celles des lapsi, des circoncellions, des manichéens, des donatistes. Un autre participant à la rencontre m’a dit de manière très pertinente que ma Carthage punique n’est pas morte deux fois mais, trois fois, puisqu’elle n‘a pas été citée dans la constitution.
Pour revenir à l’économie de la propagation des religions révélées en Afrique – et je viens de faire récemment quelques lectures dont celles relatives aux œuvres de l’archéologue et historien français Serge Lancel – l’orientation vers le monothéisme a aussi été déterminée par la civilisation phénicienne. Le Dieu Baal Hamon associé à la déesse Tanit sa parèdre, était conçu comme un dieu prépondérant. La République romaine était elle-même païenne et des liens ont été établis dans la Rome d‘Afrique (que l‘on différencie donc avec la Rome d’Occident ou/ et la Rome d’Orient) entre Baal Hamon et le Saturne des Romains ou le Zeus des Grecs qui sont eux aussi considérés comme des dieux prépondérants par leurs adorateurs.
Dans ce contexte, il faut rappeler qu’avant la première guerre punique, les Phéniciens occupaient la Sicile avec la, Grèce (Syracuse) et les interpénétrations culturelles entre les Phéniciens et les Grecs étaient nombreuses, les guerres aussi. En ce sens, le Tyran Agathocle a presque failli détruire Carthage en l’envahissant et les Phéniciens ont eu toutes les peines du monde pour s’en débarrasser. Du fait de leur séjour en Afrique du Nord, les Grecs ont par conséquent laissé de nombreuses traces archéologiques, sans compter que les Phéniciens étaient influencés à travers leurs croyances religieuses par les dieux grecs.
Le rôle de l’Eglise d’Afrique
Puis est venue l’église chrétienne qui a consolidé la religion abrahamique. Mais plusieurs schismes sont intervenus en son sein, notamment entre l’église donatiste d’Afrique, qui préconisait une souplesse dans l’inclinaison vers le monothéisme et l’Eglise centrale de Rome qui préconisait l’abandon radical de toutes les tendances qu’elle considérait comme des hérésies. Saint Cyprien a été la victime de ce rigorisme en devenant martyr et même Saint Augustin a eu des ennuis. N’empêche que, malgré ces assouplissements des évêques d’Afrique, la lutte entre le paganisme, le judaïsme et le christianisme a duré plus de quatre millénaires.
L’évêque d’Hippone (Annaba) Saint Augustin en particulier a tout fait pour faire prévaloir l’héritage punique dans la religion chrétienne, en développant une tolérance religieuse sans égale qui a failli lui coûter très cher.
L’Islam est venu apporter en synthèse un syncrétisme religieux en métabolisant toutes ces divergences. Il le doit en particulier à l’Eglise d’Afrique. Quelle est son apport spécifique dans cette harmonisation? Je pense à mon avis à la nouvelle image qu’il a donnée de la femme. Car, contrairement à ce que l’on pense, le christianisme a présenté une image rétrograde de la femme. L’image de la femme musulmane était rayonnante et ce n’est que maintenant qu’elle s’est ternie. Le doit-elle à Tanit? Il y a de grandes chances…Il est temps de le rappeler de nouveau.
*Ecrivain