Ca y est ! La “machine Jomâa” s’est mise en marche et on annonce pour bientôt des mutations dans le corps des gouverneurs qui seront choisis pour leur compétence et leur neutralité. Nul doute que suivront la révision des nominations des cadres de l’Administration (Intérieur et Justice surtout) qui ont été affectés à leurs postes sur la base de l’appartenance partisane, surtout aux dernières semaines de la vie du précédent gouvernement. C’est la condition essentielle pour des élections transparentes et honnêtes.
De son côté, l’ISIE va se doter d’un directeur exécutif et va pouvoir commencer à fonctionner ; les noms des candidats ont été publiés et les membres seront choisis en toute transparence. Voilà un début positif, mais il faut que l’économie suive et vite. D’ailleurs un bon exemple est celui du tourisme, qui est en train de “bouger” sous l’impulsion de sa nouvelle ministre.
* Et le niqab est de retour ! En complément de ce que j’ai écrit la semaine dernière sur le port du niqab dans certains lycées, deux nouvelles réactions à ce vêtement — d’un autre âge et d’autres lieux — ont pu être relevées cette semaine, insistant cette fois-ci sur le risque de voir des terroristes utiliser ce subterfuge pour se déguiser en femmes.
C’est ainsi que le cheikh Houcine Laabidi, bien connu de nos lecteurs pour ses positions radicales que j’ai signalées à plusieurs reprises, a affirmé que le niqab “n’est pas prévu par la charia” et que, au regard de la situation sécuritaire, “les autorités ont raison de l’interdire dans les endroits publics”. Le cheikh Férid El Béji, président de “Dar El Hadith”, a abondé dans ce sens, ainsi que Mazar Echerif, enseignant chercheur, qui rappelle qu’en son temps le sultan Abdelhamid l’avait interdit “parce qu’il représentait un danger pour la société”. À côté de ces avis défavorables au niqab, je relève avec étonnement la réaction de Bochra Bel Haj Hamida qui déclare “j’ai du mal à interdire aux femmes le port du niqab, cela relève de la liberté personnelle” ou d’Amel Jaïdi, qui explique cet accoutrement “ par des raisons financières”. Je pense que quand on est trop “droit-de-l’hommiste ” il arrive qu’on perde le contact avec la réalité ! Sans doute ces donnes rejoignent pour la première fois Mouldi Moujahid, président du parti salafiste “Al Assala” pour qui cet habit “est un devoir charaïque.”
Enfin la dernière réaction à ce jour est celle de Taïeb Baccouche qui a déclaré “n’étions-nous pas musulmans avant que le port du niqab se répande en Tunisie ?” En rappelant que lorsqu’il était ministre de l’Éducation dans le gouvernement de Beji Caïd Essebsi, il avait “déjà interdit le port du niqab dans les établissements scolaires pour des raisons sécuritaires” (rejoignant en cela le courageux doyen Kazdaghli) et les autorités actuelles n’ont fait que remettre en œuvre une décision de bon sens et tant pis si elle “fait des vagues”. Quant aux fidèles, partagés entre leur “devoir religieux” et le danger des terrorismes que nous vivons à l’heure actuelle, ils ne peuvent qu’être rassurés par la récente prise de position du mufti de la République qui a déclaré que “les textes authentiques accordent la préférence au port du hijab au détriment du niqab.”
* La situation sécuritaire s’est à nouveau dégradée avec le faux barrage installé dimanche 7 février dans le gouvernorat de Jendouba et qui a permis à des terroristes d’attaquer dans un premier temps une voiture, faisant deux morts et plusieurs blessés et dans un second temps de piéger un véhicule de la Garde nationale appelé en renfort, tuant deux agents et en blessant deux autres. Peut-être aurait-il fallu envoyer un renfort plus important qu’un seul véhicule ! Résultat : au total quatre nouveaux martyrs parmi nos vaillant Gardes nationaux.
À ce sujet, il semble y avoir un bémol. Les journaux d’aujourd’hui (samedi 21 février) rapportent qu’un citoyen a révélé à la télévision qu’ayant aperçu quelques heures avant l’attentat quatre hommes en uniformes dans la rue, il en aurait informé le chef du bureau de la GN à Jendouba qui, selon lui, n’aurait pas attaché d’importance à son témoignage. Le chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, a demandé au ministre de l’Intérieur d’ouvrir une enquête…
Au Chaâmbi, les bombardements ont repris, et sept individus soupçonnées d’aider les terroristes ont été arrêtés. A Jelma (Sidi Bouzid) des affrontements ont opposé deux clans rivaux occasionnant douze blessés.
L’opération de Jendouba a été longuement commentée sur les plateaux de télévision par Sahli Jouini, syndicaliste sécuritaire, qui a aussi exposé la stratégie des djihadistes (recrutement, lavage de cerveaux dans les mosquées, installation de camps d’entrainement dans plusieurs régions du pays, noyautage de secteurs vitaux de l’Administration). D’autres responsables syndicalistes sécuritaires ont appuyé ses dires et demandé qu’on les munisse du matériel adéquat (équipement de protection, moyens techniques et logistiques). C’est bien la moindre des choses pour des agents qui risquent leur vie tous les jours.
Il faut signaler l’initiative de la société civile de Dar chaâbane (Nabeul) qui a offert deux véhicules à la police et à la GN grâce à des fonds recueillis. Un exemple à suivre… De son côté, le Secrétaire d’État américain, en visite en Tunisie, a fait don au ministère de l’Intérieur de deux véhicules spécialisés, un centre de commandement mobile et un laboratoire médico-légal.
On a appris qu’une mosquée a été perquisitionnée à El Ghazala (Ariana) et que le quartier a été passé au crible, c’est ce qu’il faut faire dès qu’un renseignement est fourni aux autorités pour ne pas laisser de répit aux terroristes et afin d’intervenir en amont. L’arrestation, à El Omrane, d’un trafiquant d’armes a permis de découvrir chez lui des fusils, des armes blanches, des munitions et des tenues militaires. Il possédait aussi tout un matériel de réparation d’armes de chasse qui, on le sait, si on les charge de cartouches à balles (chevrotines) tuent aussi bien les personnes que les sangliers — puisqu’il s’est prétendu chasseur. Je me souviens d’avoir vu un reportage, tourné en Afghanistan, où les “bricoleurs” étaient arrivés à réparer et à fabriquer avec les “moyens du bord” des revolvers, des mitraillettes pour faire de cette ferraille récupérée des armes efficaces dans les mains des talibans.
* La fièvre préélectorale commence à se manifester. On apprend ces jours-ci que le Mouvement destourien d’Hamed Karoui va participer aux prochaines élections. Quant au Mouvement des destouriens libres d’Omar S’habou, coalition de six petits partis de sensibilité destourienne, il vient de se rallier à Nida Tounes. Ainsi, alors que l’ISIE est encore dans ses limbes, les partis se remettent en ordre de marche. Ce n’est qu’un début et il faut craindre que les électeurs se retrouvent devant un nombre délirant de candidats et ne fassent pas un meilleur choix qu’en Octobre 2011.
En tout cas la situation s’éclaircit entre Al Joumhouri et Nida Tounes. Le parti de Nejib Chebbi vient de quitter l’Union pour la Tunisie et même probablement le Front du Salut. Cette brouille aurait pour motif des désaccords passagers, des invitations à des réunions non remises… Mais je pense que tout s’éclaircit quand on se souvient qu’il y a quelques jours l’UPT annonçait qu’elle ne présenterait qu’un seul candidat à la présidentielle et que Maya Jeribi a annoncé hier soir (samedi 11 février) qu’Al Joumhouri allait présenter “un candidat” à cette élection. Alors on se souvient du proverbe africain qui affirme qu’il “n’y a pas de place pour deux crocodiles dans un même marigot.”
Raouf Bahri