Durant six ans, sept gouvernements se sont succédé et se sont contentés, soit de laisser des situations difficiles se dégrader encore plus, soit d’éteindre les incendies qui ont été allumés dans telle ou telle région, dans tel ou tel secteur d’activité, transport, tourisme, phosphates… Autrement dit, le maître-mot était “navigation à vue” sans aucune vision de ce que doit être ou devenir notre pays, sans conception du type de croissance économique, sans projet de société, sans stratégie de développement. Un flou artistique.
Certes, l’ancien modèle de développement avait montré ses tares et ses limites, même si le taux de croissance économique sur le long terme avait atteint entre 4 et 5% par an…
Les revendications de la Révolution étaient pourtant claires et légitimes : liberté, création d’emplois pour les jeunes, notamment les diplômés du supérieur, des conditions de vie dignes ainsi que le développement des régions intérieures déshéritées.
Il y a là une source d’inspiration inépuisable pour permettre aux hommes politiques d’échafauder un schéma de développement qui réponde aux aspirations énoncées ci-dessus.
Il faut dire que les moteurs de croissance sont pour le moment en panne, car le gouvernement d’union nationale peine à engager de véritables réformes et à mettre en chantier de grands projets de développement susceptibles de provoquer une dynamique de croissance économique et de transformer le climat des affaires, actuellement morose.
En effet, l’investissement reste timide, les exportations piétinent alors que la consommation intérieure a atteint ses limites et se heurte au surendettement des entreprises et des ménages, alors que les importations futiles s’emballent dans l’indifférence totale des pouvoirs publics.
Quel rôle pour l’Etat dans le présent et l’avenir : est-ce l’Etat-providence qui vole au secours des plus démunis et protège les victimes du capitalisme sauvage et du libéralisme économique dévastateur ou celui qui joue seulement les arbitrages lorsqu’il y a des abus flagrants ou encore celui qui assume un rôle d’acteur économique dans des secteurs concurrentiels quitte à sponsoriser des entreprises publiques déficitaires ou mal gérées ? Des questions redoutées qui restent à ce jour sans réponses de la part des responsables politiques qui craignent les partis pris des puissants syndicats de travailleurs, autant que les réactions cinglantes des patronats les plus influents. Où se situe l’intérêt du citoyen balloté entre revenus modestes et flambée du coût de la vie ou bien l’avenir du cadre moyen préoccupé par un niveau de vie décent et l’avenir de sa famille ?
Quel avenir pour le secteur privé et quelle est la place de l’entreprise économique, celle qui créé la valeur ajoutée, qui exporte et génère de l’emploi ?
Source de prospérité, elle doit être soutenue et favorisée aux dépens de l’économie parallèle qui ignore son devoir fiscal et la sécurité sociale de ses employés.
Quelle clé de répartition des richesses une fois qu’il y a prospérité dans l’entreprise privée, entre le capital, les cadres et les travailleurs dans la mesure où on cherche à pérenniser et à développer l’entreprise, à préserver la paix sociale dans l’entreprise et à un partage équitable de la valeur ajoutée ?
Le constat partagé par tous, c’est la persistance de disparités de plus en plus profondes entre classes sociales dans le mode de vie, l’accès à une éducation de qualité et à la santé pour tous, l’intégration dans le marché de l’emploi, ce qui porte préjudice à la cohésion du peuple tunisien et pourrait conduire à une véritable fracture sociale préjudiciable à la paix sociale et au climat de l’investissement.
A quelles solutions faut-il avoir recours pour résoudre les écarts flagrants entre niveaux de développement dans les zones littorales et les régions intérieurs défavorisées ?
Le développement régional n’a pas progressé du tout depuis six années avec son corollaire, la discrimination positive au profit des régions intérieures alors qu’il devrait être la priorité des priorités.
La Constitution a fait le choix de la décentralisation du pouvoir et de l’Administration dans les régions, mais nous continuons de pratiquer le centralisme bureaucratique dans notre pays.
Six ans après le déclenchement de la Révolution et nous n’avons pas encore de conseils régionaux et municipaux élus ? ! Le modèle de développement devrait répondre à toutes ces questions.
Il est impensable de continuer à faire adopter par l’ARP des budgets annuels successifs, des lois de finances et à l’avenir le plus de développement 2016-2020 sans qu’il y ait un véritable schéma de développement et un choix de société qui fassent l’objet d’un consensus national.
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