Malgré toutes les critiques dont elle fait l’objet, l’administration publique tunisienne a plus d’une fois montré qu’elle était capable d’assumer pleinement ses responsabilités au service du citoyen. Néanmoins, certaines affaires peuvent entacher l’image qu’elle tente désespérément de reconstruire dans une Tunisie essoufflée. C’est l’exemple du commissariat régional de la culture de Ben Arous, dont le commissaire régional, que nous ne nommerons pas, serait à l’origine d’un abus de pouvoir à l’égard d’un citoyen. Ce dernier, dans le cadre d’un contrat de location, a fourni un nouveau local au commissariat, à l’époque de l’ancien commissaire. Le nouveau, selon Kaïs Bouheni, proprétaire du local, a décidé de résilier le contrat, régissant la mise à disposition des lieux au commissariat régional de la culture.
Un décision abusive, selon le principal intéressé
Se confiant à Réalités Online, qui dispose des documents liés à cette affaire, Kaïs Bouheni affirme que le nouveau commissaire régional a rompu le contrat signé avec le commissariat régional de la culture de Ben Arous, en violation des termes de ce contrat. Ce dernier, selon notre interlocuteur, oblige le locataire à accorderun préavis de trois mois avant la résiliation pour des motifs valables.
« Le contrat devait s’étendre de 2015 jusqu’en 2022. Cependant, un huissier de justice m’a été délégué de la part du commissariat le 31 janvier dernier, pour m’annoncer que l’on allait me remettre les clés le 28 février dernier. Or, cela constitue une violation de l’article 8 du contrat de location. De plus, il faut avoir recours à la Justice dans ce genre de situation. Chose qui n’a pas été faite. Il semble que le nouveau commissaire régional de la culture n’a pas assimilé le principe de la continuité de l’État. L’endroit du nouveau local du commissariat ne lui a sans doute pas plu, alors il a décidé de le changer. Il a fait part de défauts observés dans le local, mais il n’y en avait aucun », a-t-il raconté.
Kaïs Bouheni poursuit en affirmant qu’il a longuement lutté pour obtenir un rendez-vous avec le ministre de la culture, Mohamed Zine Abidine, pour pouvoir lui exposer la situation. « Le secrétariat du ministère m’a suggéré de venir avec le commissaire pour que le ministre puisse nous écouter, mais le commissaire n’a jamais voulu venir », a-t-il encore ajouté.
Refus de s’exprimer
La rédaction a, par la suite, tenté de joindre le commissaire régional en question, pour écouter sa version des faits. Cependant, ce dernier a refusé de répondre et de communiquer la moindre information, préférant charger son comptable de le faire. « Nous avons loué le local, il y avait des défauts. L’affaire est entre les mains de la Justice, c’est tout ce que je peux vous dire. Si le dénommé Kaïs Bouheni doit se faire rembourser, soit, l’administration souhaite que justice soit rendue de toutes les façons. Nous l’avons prévenu par un huissier de justice des défauts que nous avons constatés : absence de parking par exemple et le non achèvement de certains points dans le bâtiment », a-t-il expliqué à Réalités Online.
Des affirmations qui donnent à réfléchir, notamment si l’on tient compte des documents liés à l’affaire. De fait, dans une correspondance adressée par l’ancien commissaire régional de la culture de Ben Arous à Kaïs Bouheni le 12 janvier 2015, on peut constater que le commissariat suivait les travaux de près, et que sa satisfaction était palpable. « Le commissariat exprime sa totale satisfaction du local et de l’avancement des travaux », peut-on lire.
Autre document : le procès verbal de la réception du bien immobilier, datant du 27 octobre 2015. « Le personnel du commissariat s’est rendu à son nouveau local, situé à Ben Arous, rue Nabeul Cité Mohamed Ali, Hammam Lif, afin de le réceptionner. Le local a été évalué de l’intérieur et de l’extérieur. L’emménagement peut donc commencer », peut-on encore lire.
Ce qui met, dans ce contexte, encore la puce à l’oreille, c’est le refus du nouveau commissaire de répondre à nos questions incessantes. Son comptable a refusé de nous le passer, affirmant que tout a été dit. Plus surprenant encore : il a affirmé qu’il ne pouvait répondre, conformément à la circulaire numéro 4, obligeant chaque agent à consulter son supérieur hiérarchique avant de faire une déclaration. Seulement, ce que le comptable ignorait, et visiblement le commissaire également, : la circulaire a été annulée par la présidence du gouvernement.
Les échanges étaient plutôt tendus avec le comptable, qui n’a eu de cesse de répéter qu’il n’était pas le porte-parole du commissariat. Pourquoi le commissaire a-t-il refusé de s’exprimer, s’il considère qu’il n’a rien à cacher ? Quel tort essaye-t-il de cacher ? Pourtant, en s’exprimant, il aurait pu expliquer la situation et se défendre. En communication, on ne peut pas ne pas communiquer, et le silence passe très mal dans ce genre d’affaires. De plus, dans ce cas précis, tout semble indiquer que Kaïs Bouheni a du mal, aujourd’hui, à joindre les deux bouts, étant donné qu’il est écrasé sous le poids des dettes astronomiques contractées auprès des banques pour la construction du nouveau local du commissariat régional de la culture de Ben Arous.
L’affaire suit son cours à l’heure actuelle. Kaïs Bouheni a été reçu au ministère de la Culture vendredi 3 mars 2017. « On m’a assuré que tout allait s’arranger et que le local sera repris par un conservatoire. On attend », a-t-il déclaré à Réalités Online. Difficile de prévoir ce qui va se passer. Quoiqu’il en soit, il est vital de mettre fin à ce genre de pratiques abusives dans une administration publique qui tente désespérément de se relever. L’attention des autorités concernées doit être attirée vers ce type d’affaires qui nuisent au pays et à son image.
M.F.K