Fallait-il attendre aussi longtemps pour voir paraître un travail de recherche ou un ouvrage sur un secteur qui traverse depuis plus de six ans, une zone de turbulence très critique, à savoir le secteur du tourisme ?
Lotfi Mansour, directeur fondateur du magazine professionnel «Le Tourisme», vient, à travers son nouvel ouvrage «Le tourisme est mort, vive le tourisme», de mettre le doigt là où ça fait mal. Où va le tourisme tunisien ? Et que veut-on en faire ?
C’est à ces deux questions que son livre tente de répondre.
De prime abord, il faut reconnaître que s’il y a un secteur qui subit, depuis la Révolution tunisienne de 2011 une véritable métamorphose, c’est bien le tourisme. Longtemps considéré comme le fleuron de l’économie tunisienne, ce secteur stratégique est actuellement agonisant. Mais, bien qu’il soit «touché mais pas coulé», ce secteur dont la valeur ajoutée est de 10% du PIB, a encore de beaux jours devant lui et les intervenants dans la profession semblent avoir encore une fenêtre de tir. Il suffit de faire le bon diagnostic et de suivre la bonne recette !
Un double constat
«Le tourisme est mort, vive le tourisme» est né d’un double constat, comme l’a mentionné son auteur. Premièrement, «sans changement de cap dans sa gestion, le tourisme est voué à un recul certain». Deuxièmement, «après cinq années de turbulence où le tourisme tunisien a été soumis, à plusieurs reprises, au plus sévère des crash tests, il nous étonne par sa résilience qu’on ne soupçonnait guère».
Ce livre qui se veut un mode d’emploi pour les professionnels qui doivent s’échiner pour faire sortir le secteur de l’ornière, est riche d’informations et de statistiques. L’auteur s’est investi pleinement pour bien argumenter ses constats et analyses des faits. Il s’agit d’un travail de recherche très méticuleux.
L’auteur de nombreux articles, enquêtes et éditoriaux sur le secteur touristique tunisien est convaincu que «ne pas relancer ce secteur sur la base d’un objectif de croissance au moins égal à celui de concurrents directs, c’est laisser dépérir un pan entier de l’économie tunisienne.»
Lotfi Mansour est catégorique. Ne pas faire du tourisme «une priorité nationale, c’est non seulement renoncer à l’énorme gisement de croissance et d’emplois qu’est le tourisme, mais condamner le tourisme tunisien à une régression certaine».
Sauver le tourisme : mode d’emploi
Une chance pour que le tourisme tunisien se remette en selle, est toujours de mise. Ceci étant, une remise à plat de la stratégie de gestion du secteur s’impose. Lotfi Mansour, est convaincu que démentir le scénario du World travel&tourism council (WTTC) est loin d’être un vœu pieux. Ce scénario prédit que le tourisme tunisien n’atteindra pas en 2026 ses performances de 2010 et ce, sur la base d’une hypothèse de croissance de 2.1% pour la contribution du secteur au PIB.
Démentir ce scénario et améliorer les performances de ce secteur, en plein marasme, passent inévitablement par une «meilleure mesure de l’impact économique du secteur et l’adoption rapide du compte satellitaire du tourisme», fixer un «objectif de croissance plus ambitieux» et last but not least, instaurer un «nouveau pacte de gouvernance du secteur pour une amélioration de sa compétitivité».
L’auteur de cet ouvrage, plaide aussi pour un compte satellite de tourisme, dont la mise en œuvre «s’avère des plus laborieuses». En l’absence de cet outil indispensable, estime l’auteur, «les investisseurs et les pouvoirs publics se contentent des données partielles qui conduisent parfois à des politiques et jugements partiaux en défaveur du secteur.»
Réparti sur quatre chapitres, ce livre dénonce également la désunion et la mauvaise structuration de l’hôtellerie tunisienne majoritairement constituée de PME. Des mesures d’urgence doivent être entreprises pour établir un partenariat équitable avec les tour-opérateurs et résister à la pression «sur les prix de vente constamment exercée par ces derniers».
Une politique commerciale d’encouragement à la réservation directe soutenue par une présence sur les réseaux sociaux, soutenir un programme de formation aux nouveaux métiers de e-tourisme et encourager le m-tourisme (technologies mobiles appliquées au tourisme) figurent parmi ces mesures d’urgence.
Professionnels et Etat, doivent renverser la vapeur pour mettre du baume sur la plaie d’un corps professionnel très touché par le spectre de la crise économique et sécuritaire qui plane sur le pays.
Mohamed Ali Ben Sghaïer
*Le tourisme est mort, vive le tourisme, 100 pages. Prix : 19 dinars
Edité par «dad éditions»