La colère gronde du côté des internes et des résidents en médecine ainsi que de celui des assistants hospitalo-universitaires. La raison est ce nouveau projet de loi qui obligerait les nouveaux spécialistes à travailler trois ans dans une région défavorisée du pays. Faute de quoi, ils ne pourront pas exercer dans le secteur privé.
Le texte, encore en gestation, stipule qu’«avant de s’installer dans le secteur privé, les médecins spécialistes seront dans l’obligation de travailler trois années en alternance dans des services hospitalo-sanitaires ou hospitalo-universitaires dépendant des structures de la santé publique. Ces affectations seront déterminées par le ministère de la Santé selon ses besoins. […] Cette obligation intéresse aussi les assistants hospitalo-universitaires en médecine dont l’ancienneté est inférieure à quatre années. […] Le ministère de la Santé délivrera aux médecins concernés qui auront achevé la durée obligatoire du travail dans le secteur public un certificat à cet effet, lequel représentera une condition pour s’installer dans le secteur libéral, en tant que médecin spécialiste.» Le syndicat des internes et des résidents en médecine de Tunisie, SIRT, se serait procuré ce document de source sûre, au niveau de l’ANC.
La panique gagne les futurs médecins, une assemblée générale a été organisée le 26 septembre dernier. À l’issue de celle-ci, une grève générale a été décidée pour les 9 et 10 octobre prochain, en même temps que celle des cadres médicaux hospitalo-sanitaires, prévue de longue date et pour d’autres raisons. En attendant, une autre assemblée décisive aura lieu le 3 octobre. Entre-temps des mini- assemblées générales informatives verront le jour dans la majorité des hôpitaux pour expliquer aux uns et aux autres les inconvénients de ce texte, s’il passait en temps que loi.
Sur 1000 postes de médecins spécialistes ouverts, 523 occupés
Les membres du SIRT ne veulent pas de «travail forcé» ou «sous la menace». Ils exigent d’exercer dans de bonnes conditions, dans des services bien équipés et de bénéficier de l’encadrement de leurs ainés. Pour eux, ce projet de loi est une injustice, car il les obligerait à vivre avec leurs familles dans un environnement qui offre un minimum de confort et de facilité de vie. Cherchant à appuyer leur position, ils donnent des exemples sur ce qui se passe en France où l’État accorde des primes plus qu’alléchantes, de l’ordre de 3000 euros et plus, aux spécialistes qui vont travailler dans les zones rurales. Quant à l’Algérie, qui a fait l’expérience du service civil obligatoire, elle se débat, depuis de longs mois, selon eux, avec les grèves et les sit-ins du personnel médical.
Pour le syndicat des médecins, médecins dentistes, pharmaciens hospitalo-sanitaires, les tares du système de santé en Tunisie sont très lourdes et il n’est pas juste de les faire assumer exclusivement aux médecins spécialistes. Demander à un cardiologue d’aller travailler à l’intérieur du pays sans équipement est inefficace. Il ne pourra rien faire de plus qu’un médecin généraliste s’il n’a pas derrière lui une structure adéquate. Le syndicat estime que tout le système qui doit être revu et qu’une réforme globale est plus que nécessaire et urgente.
Le ministère de la Santé, quant à lui, ne sait plus quoi faire pour venir à bout de ce déséquilibre entre les régions côtières et l’intérieur du pays. Il a tout essayé, ou presque. Il a beau offrir des incitations financières (environ 1000 D en plus du salaire), mais, sur plus de 1000 postes de médecins spécialistes ouverts, seuls 523 ont étés occupés.
Samira Rekik