Le Chef du gouvernement Youssef Chahed a accordé un entretien télévisé à la Télévision Nationale, El Hiwar Etounsi et Mosaïque FM, le soir du dimanche 16 avril 2017. Un grand oral à travers lequel il a abordé les principaux sujets qui font l’actualité.
Protestations sociales, crise économique, crise politique, lutte contre la corruption : quatre principaux volets qui ont marqué l’entretien télévisé avec le Chef du gouvernement d’union nationale ce dimanche. S’il a réussi à se montrer ferme et intransigeant quant aux réalisations économiques et aux solutions qui seront présentées dans le dossier des protestations sociales, il a été moins convaincant sur le plan politique.
Protestations sociales : « nous avons besoin de temps »
Youssef Chahed considère que l’origine des protestations sociales actuelles vient de promesses irréalisées faites par les anciennes équipes gouvernementales. « La colère que l’on peut observer à Tataouine ou ailleurs découle de l’insatisfaction des objectifs de la Révolution, notamment l’emploi. On ne peut effacer le mauvais bilan des précédentes décennies en si peu de temps. Des promesses irréalisables ont été faites. Ce ne sera pas notre cas. Notre gouvernement ne fera pas de promesses qu’il sera incapable de tenir », déclare Youssef Chahed.
Le réalisme affiché de son gouvernement permettra, selon lui, de rétablir la confiance entre les citoyens et l’Exécutif. Il rappelle, à cet effet, que son équipe gouvernementale effectuera une tournée à travers les gouvernorats de Tunisie avec, à la clé, « des promesses réalisables ». Une expression qu’il n’a eu de cesse de répéter durant une grande partie de son interview pour expliquer les difficultés sociales actuelles. « L’État est en mesure d’assurer 45 millions de dinars pour booster le développement », souligne-t-il, précisant que son équipe a présenté plusieurs solutions pour stimuler le développement régional, dont le contrat de la Dignité et les microcrédits. « Il faut dire la vérité aux tunisiens, et que les politiques adaptent leurs discours en fonction des besoins des citoyens. C’est ainsi que nous rétablirons la confiance », ajoute-t-il encore.
« La loi d’urgence économique adoptée en avril 2017 »
Sur les questions économiques, le Chef du gouvernement d’union nationale affirme que la situation est délicate, mais que des indicateurs encourageants existent. Tourisme, phosphate, agriculture : tels sont les moteurs de l’économie tunisienne, d’après Youssef Chahed, qui considère que ces derniers ont été réactivés en 2017. « La production des phosphates a redécollé. Idem pour l’agriculture. Concernant le tourisme, on s’attend à pas moins de 6.5 millions de touristes en 2017. Tant d’éléments qui nous permettent de tabler sur une croissance de 2,4% cette année », affirme-t-il.
Le Chef du gouvernement a exprimé, par la suite, un certain raz-le-bol des discours « rabat joie ». « Plusieurs experts ont avancé que la délégation du FMI ne viendra pas en Tunisie, et finalement, celle-ci est venue, compte tenu des avancées que le pays a réalisées en l’espace de 7 mois », soutient-il. Il revient à la charge en abordant les réformes entamées par le gouvernement d’union nationale. « Que ce soit pour la fonction publique ou pour les banques publiques, nous avons été les premiers à nous pencher sérieusement sur ces questions. Ce sont des réformes lourdes, nécessitant énormément de sacrifices. Elle nous permettront de viser une croissance de l’ordre de 8 à 10% », explique le Chef du gouvernement, qui enchaîne, ensuite, avec les caisses sociales : « une commission composée de l’UGTT, de l’UTICA et du ministère des Affaires sociales travaille actuellement sur la réforme des caisses sociales. Elle a jusqu’au 15 juin prochain pour élaborer un projet de loi. Plusieurs options sont étudiées, à l’instar du rallongement de l’âge légal de la retraite ou de la hausse des cotisations sociales pour faire face au déficit des caisses sociale ».
Interpellé, ensuite, sur la loi d’urgence économique, Youssef Chahed affirme que le projet de loi sera soumis prochainement à l’ARP et qu’il sera adopté ce mois-ci.
« Le vide juridique entrave la lutte contre la corruption »
Autre volet abordé par le Chef du gouvernement : la lutte contre la corruption. Sur ce point, il concède l’insuffisance juridique qui freine cette lutte, rappelant, pour combler ce vide, les différents projets de loi adoptés ou qui seront adoptés, à l’instar de la loi sur la protection des dénonciateurs, celle fixant les prérogatives de l’Instance Nationale de lutte contre la corruption ou celle relative à l’enrichissement illicite. « Les barons de la corruption tomberont et aucun d’entre-eux n’exerce la moindre pression sur le gouvernement. En l’espace de 7 mois, les sécuritaires ont saisi plus de 500 millions de dinars dans la contrebande. Ce n’est pas à nous de mettre les corrompus en prison, c’est le travail de la justice. D’ailleurs, des centaines de dossiers de corruption lui ont été transférés », explique-t-il.
Sur la question de la loi sur réconciliation économique, le Chef du gouvernement exprime son soutien à ce projet de loi proposé par le président de la République. « Jusqu’à quand allons-nous rester dans cette situation de blocage ? Nous devons offrir à la Tunisie toutes les possibilités pour restaurer son économie », souligne-t-il. Et d’enchaîner, ensuite : « le gouvernement doit poursuivre son travail jusqu’en 2019 car la Tunisie a besoin de stabilité ».
Dossier Néji Jelloul : l’ambiguïté règne encore sur l’avenir du ministre
Le Chef du gouvernement a, d’autre part, été interpellé sur la brûlante question du limogeage de Néji Jelloul, ministre de l’Éducation, dont la tête est réclamée par les syndicats de l’enseignement secondaire et de base. « Néji Jelloul ne sera démis de ses fonctions qu’après une évaluation de sa prestation, n’est-ce pas ? ». Courte et assez ambiguë était la réponse de Youssef Chahed à cette question. « Effectivement ».
Le Chef du gouvernement rappelle, après avoir été interpellé par Boubaker Akecha sur le comportement de Néji Jelloul – travailler à son propre compte -, que ce sont ses prérogatives qui lui ont permis de le reconduire à la tête du ministère de l’Éducation. « Il revient à moi également de le démettre de ses fonctions », répond-il, sans donner, de ce fait, de réponse claire et tranchante sur les revendications syndicales.
« Qu’est-ce qui ralentit le travail du gouvernement d’union nationale ? Les partis politiques ? ». Face à cette question, le Chef du gouvernement reconnaît qu’il existe des parties qui voient d’un mauvais œil les réussites de son gouvernement. « Les partis politiques sont mal structurés aujourd’hui en Tunisie. Ils doivent adapter leurs discours pour pouvoir répondre aux besoins des citoyens, mais également exercer une fonction sociale pour expliquer aux citoyens les difficultés rencontrées par le pays. Certains font campagnes avant l’heure, d’autres veulent semer le trouble. La Tunisie a besoin de ses enfants aujourd’hui, elle ne peut attendre 2019 », explique-t-il.
Des signaux positifs et une volonté de rassurer
Élément fondamental dans le processus de la transition démocratique, les élections municipales ont également été abordées par Youssef Chahed lors de son entretien télévisé. Néanmoins, lorsqu’il a été interrogé sur le code des collectivités locales, Youssef Chahed a habilement esquivé la question, préférant rappeler que l’Exécutif s’accroche à la tenue du scrutin en 2017. « Comme promis, toutes les délégations spéciales ont été dissoutes », annonce-t-il, non sans fierté.
Pendant près d’une heure et demie, Youssef Chahed a défendu bec et ongles le bilan des huit mois d’exercice du gouvernement d’union nationale, tentant, tant bien que mal, d’envoyer des signaux positifs visant à rassurer et à calmer un peuple excédé par le chômage, la crise économique et, notamment, les politiques. Le Chef du gouvernement a-t-il été convaincant ? Les événements des prochains jours le diront forcément.